Avec la F1, Montréal fait fausse route
CHRONIQUE – Le Grand Prix de Formule 1 de Montréal est cette fin de semaine et je ne peux pas croire qu’on accepte encore que ce genre de spectacle-débauche ait lieu en 2022.
Fierté, Innovation, Viser Local, Équité, Redonner et Écoresponsabilité, les six valeurs sur lesquelles le Grand Prix du Canada prétend reposer.
Fierté. Innovation.
De la prostitution juvénile qu’il encourage aux subventions gouvernementales outrageuses à un évènement privé, en passant par le mépris de l’urgence climatique dont ce «sport» témoigne, les raisons sont nombreuses pour se demander pourquoi Montréal accueille encore ces quelques «bozos» en chars de luxe qui tournent en rond à grands coups de misogynie, de publicités et de valeurs des années 50. De quel genre de fierté est-ce que c’est censé témoigner exactement? Et en quoi est-ce que ce genre de message est novateur?
Viser Local. Équité.
C’est bien connu que la demande pour les escortes, masseuses et autres travailleuses du sexe explose pendant la fin de semaine du Grand Prix. Donc pour l’achat local, effectivement. Pour l’équité, on repassera. Si chacun.e est libre de pratiquer la profession qu’il.elle souhaite, les nombreux signaux d’alarme des centres de jeunes qui se vident pour l’occasion permettent de se demander pourquoi on laisse aller un évènement touristique qui encourage le trafic humain, l’objectification de la femme et la prostitution juvénile.
La violence et le sexisme sont au rendez-vous, mais les touristes qui envahissent notre ville se contrefichent des conséquences de leurs pulsions lubriques et on préfère fermer les yeux parce qu’on s’en met plein les poches… Parce qu’on ne se le cachera pas, mais «pitounes, sexe et chars» est un combo qui vend. Beaucoup. Et tant que l’argent est au rendez-vous, les belles valeurs disparaissent rapidement à l’horizon dans le rétroviseur politique…
Redonner.
Tant qu’à parler d’argent, c’est assez hallucinant de penser que les gouvernements du Québec et du Canada ont donné plus de 18 millions de dollars en subventions à la F1 de Montréal en 2022 seulement. J’veux bien croire que les retombées économiques sont de 60 millions, mais cet argent-là en est qui ne va pas en éducation ou en santé, mais plutôt dans les poches des gens déjà riches de la province! Et ce n’est pas tout, 5,5 millions supplémentaires sont dépensés par le gouvernement du Québec en publicité pour la F1! Oui, vous avez bien lu. Donc avec les montants qui augmentent à chaque année, en 2031 seulement, 26 millions de dollars PUBLICS seront engouffrés à promouvoir ce véritable festival des égos fragiles. C’est complètement fou.
Écoresponsabilité.
Mais ce qui est encore plus fou que de brûler de l’argent public à une période où l’inflation fait «rusher» tout le monde, c’est bien de brûler du «gaz» alors que la planète est déjà en feu! Le dernier rapport du GIEC nous disait qu’on va atteindre dès 2030 le seuil de réchauffement climatique tant redouté de 1,5 degré, soit 10 ans plus tôt que leur dernière estimation! On observe des évènements climatiques de plus en plus fréquents et extrêmes, la disparition des espèces à un rythme record, l’augmentation de réfugiés climatiques à cause de la hausse du niveau de la mer, des sécheresses et d’autres catastrophes naturelles… et nous on s’en va foncer tout droit vers le mur en regardant un gars au volant d’une Ferrari qui fait vroom vroom.
L’organisation du Grand Prix du Canada aura beau se draper dans de «belles valeurs» pour justifier son existence de «sport» archaïque qui n’a pas sa raison d’être aujourd’hui, il est franchement aberrant de constater que les gouvernements du Québec et du Canada et la Ville de Montréal continuent de cautionner le tout à grands coups de financement alors qu’ils dénoncent publiquement plusieurs des problèmes dont la F1 est justement porteuse (tourisme sexuel, pollution atmosphérique, gaspillage de fonds publics…). Un peu de cohérence s’il-vous-plaît.
Comme ils disent en anglais, «put your money where your mouth is».