LETTRE OUVERTE – Monsieur le Premier Ministre, Les récents développements des travaux parlementaires autour du projet de loi 96, impliquant le gouvernement que vous dirigez, nous poussent à vous adresser cette lettre de dernier recours afin d’éclairer votre décision. Dès les premières consultations autour du projet de loi sur le français, notre Coalition a clairement manifesté son appui à la protection de notre langue nationale, pilier de notre société.
Toutefois, nous ne pouvons faire autrement que de vous avertir que si le projet de loi 96 est voté dans sa version actuelle, elle entraînera indubitablement des conséquences néfastes pour la santé et le bien être ainsi que le fonctionnement du système déjà trop fragilisé puisqu’il intervient profondément dans la communication entre client et dispensateur de services de santé et sociaux. Ces inquiétudes et la conviction que la communication est une fondation indispensable pour la prestation des services efficaces et sécuritaires sont partagées par 500 médecins et professionnels de la santé et services sociaux ainsi qu’au-delà de 30 groupes et organismes impliqués dans le réseau et auprès des usagers. C’est sur ce point en particulier que nous voulons que vous fassiez preuve de pragmatisme et montriez votre leadership.
Effectivement, les professionnels et les fournisseurs de services de santé et sociaux ne peuvent être empêchés d’utiliser les moyens qu’ils jugent appropriés pour communiquer avec le patient. Il ne peut y avoir de limites ni de contraintes quant à la possibilité de communiquer avec une personne dans le besoin et/ou en situation de vulnérabilité. Il est déjà assez difficile de comprendre des informations dans des conditions stressantes, l’ajout de barrières inutiles ne fera qu’accroître ce risque et nuira à la capacité des fournisseurs à offrir des soins optimaux. Cette proposition de loi pourrait mettre la vie des gens en danger ou avoir des impacts négatifs sur la santé mentale si elle est mise en application.
Le projet de loi 96 fait en sorte que les fonctionnaires d’État — éloignés et étrangers des complexités et du fonctionnement du réseau; inconscients des besoins des clients et sans la moindre imputabilité pour la santé et bien-être des Québécois et Québécoises — prennent des décisions qui viendront bafouer le droit fondamental d’une communication efficace entre citoyens et prestataires de soins. Et ceci est sans compter les atteintes à la confidentialité, par la saisie sans mandat de perquisition des dossiers confidentiels, ni les contraintes de recrutement et de rétention — entre autres auprès des préposés aux bénéficiaires dont nous avons tant besoin présentement — alors que nous sommes dans un contexte de pleine pénurie.
Toutes nos démarches auprès de votre cabinet, de ceux du Ministre de la Santé et des services sociaux et du Ministre de la Justice et responsable de la langue française n’ont pas été concluantes. Ainsi, nous n’avons guère d’autres choix que de tirer la sonnette d’alarme afin que vous puissiez prendre les actions ultimes pour éviter d’empêcher des personnes dont la langue maternelle est autre que le français, y compris : les autochtones québécois, les réfugiés, immigrants, travailleurs et/ou étudiants étrangers et les personnes d’expression anglaise du Québec, à recevoir des soins dans le réseau.
Monsieur le premier ministre, ce projet de loi présente des éléments essentiels pour la protection de notre langue, mais il faut exclure le réseau de la santé de son champ d’application. Le système est bien trop fragile pour courir ce risque amenant son lot de dangers. Les leçons apprises de l’hécatombe des CHSLD nous recommandent tous d’adopter une extrême prudence, car il y va de la vie et de la survie des nôtres. La gouvernance de notre réseau de santé nous a déjà fait perdre trop de victimes pour rajouter une couche de mesure. Recevez, Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de notre respectueuse considération.
Coalition pour des services sociaux et de santé de qualité (CSSSQ)