Le 1er juillet 2020 a laissé plus de 350 ménages québécois à la rue. Si ces 350 ménages, principalement menés par des femmes, des personnes seules, ou des personnes âgées, avaient été propriétaires d’une résidence inondée dans un même quartier, elles auraient au moins pu compter sur la visite du premier ministre et quelques tweets de politiciens leur témoignant leur solidarité en se faisant photographier avec un sac de sable.
Depuis le 2 juillet, c’est dans l’indifférence gouvernementale que ces familles se retrouvent à la rue. À ce terrible décompte, il faut ajouter les centaines de milliers de ménages qui ont dû accepter un logement trop petit, trop cher, en mauvaise condition, loin de l’école de leurs enfants, des transports en commun et des services publics.
Alors que les dépenses gouvernementales ont augmenté de 12 G$ depuis 2017, les sommes octroyées au développement de logements sociaux sont restées pratiquement les mêmes dans les budgets 2017-2018-2019.
Dans son budget 2020-2021, dévoilé à l’aube de la pandémie, le gouvernement a réduit le financement au programme de construction de logements sociaux et communautaires, Accès-Logis, de 110 M$. C’est un des rares programmes ayant subi des coupures.
Pourtant, dans ce même budget, le gouvernement annonçait une nouvelle dépense récurrente de 182 M$ afin de réduire les taxes scolaires des propriétaires privés. À la veille du 1er juillet, le gouvernement devançait la réduction des taxes scolaires, prévue en 2021-2022, en y accordant 170 M$ supplémentaires. Il offrait aussi une maigre somme de 21 M$ en supplément aux loyers dans le marché privé, laquelle restera majoritairement dans les coffres de l’État, faute de logements disponibles et en vertu de normes insensées.
Le gouvernement du Québec dépensera maintenant de manière récurrente près de 1,2 G$ en réduction des taxes scolaires des propriétaires privés. C’est deux fois plus que le budget de dépenses au financement des activités de la Société d’habitation du Québec et à l’entretien des habitations à loyer modique (HLM), ainsi qu’au programme Accès-Logis.
La non-imposition des gains en capitaux sur les résidences principales et la réduction des taxes scolaires, principales dépenses publiques en habitation, favorisent les ménages les plus riches qui vivent dans les grands centres urbains. Elles sont discriminatoires envers les femmes, les personnes racisées et les personnes handicapées qui sont plus souvent locataires.
Même pour les femmes chefs de foyer et propriétaires, cette formule est discriminatoire, compte tenu que les ménages dont le soutien principal est une femme gagnent un revenu moyen de 19 000 $ inférieur à celui des ménages soutenus principalement par des hommes.
Il est plus que temps que le gouvernement du Québec fasse des dépenses équitables entre les hommes et les femmes de même qu’entre les propriétaires privés et les locataires en habitation.
Ces investissements pourraient commencer par la mise en place d’un vaste chantier de constructions de logements sociaux et communautaires, soit un minimum de 5 000 unités par année durant les 5 prochaines années, pour un coût de 5 G$ sur 35 ans.
Comme le gouvernement du Québec dépensera 42 G$ en réduction de taxes scolaires durant cette période, nous ne pouvons que constater que nous avons les moyens collectifs de faire mieux en qualité et en quantité pour régler définitivement la crise du logement. Ces investissements permettraient en outre de densifier nos villes, de réduire les gaz à effet de serre et de réduire les dépenses du ministère de la Santé de 1,25 G$ par année.
Martin Bécotte, Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie et l’Estrie