«Le temps d’un été»: Louise Archambault tend la main
Le temps d’un été, nouveau long métrage réalisé par Louise Archambault et écrit par Marie Vien qui prend l’affiche vendredi, braque les caméras sur des gens rarement mis en valeur: des curés et des personnes en situation d’itinérance.
Patrice Robitaille y incarne Marc Côté, un curé qui fait du vélo, porte des baskets, baise avec sa blonde secrète et célèbre la messe dans l’église presque vide d’une paroisse montréalaise endettée et vouée à disparaître, comme tant d’autres.
Quand il reçoit en héritage le domaine gaspésien d’un riche Écossais qui le considérait comme son propre fils, il n’hésite pas un instant: il fera profiter de cette maison aux gens dont il prend soin. C’est ainsi qu’il lance l’idée d’un «camp de vacances pour itinérants» et qu’une bande de truculents personnages s’installe dans un petit village. Leur arrivée surprend la population locale et réveille de vieilles tensions enfouies dans la jeunesse de Marc.
«Il y a un apprivoisement entre les deux communautés, un regard autre qui fait qu’on tisse des liens, des amitiés», commente la réalisatrice en entrevue avec Métro.
S’intéresser aux gens qu’on ne voit pas
Louise Archambault n’en est pas à son premier film portant sur des personnes placées en marge de la société. Après Gabrielle, qui traite de la déficience intellectuelle, et Il pleuvait des oiseaux, où des personnes aînées vivent en ermites, voilà qu’elle met la lumière sur l’Église et l’itinérance.
«Je constate que les humains ont tous les mêmes besoins, alors je me demande ce qui fait qu’on ne traite pas les gens de la même façon, analyse-t-elle quand on lui demande ce qui l’attire vers ce genre d’histoires. Ce que la personne projette – physiquement ou par son comportement – fait naître des jugements. Je me demande qui est la personne au-delà de ça.»
Ainsi, derrière l’avocat en trenchcoat, shorts et débardeur qu’incarne Guy Nadon (aussi délicieux que d’habitude) se cache un homme qui a tout perdu au jeu et qui est tombé dans l’alcool. Derrière le personnage campé par le toujours excellent Martin Dubreuil, un itinérant bourru qui préfère être dans sa tente avec son chien qu’avec les autres, il y a un vétéran en choc post-traumatique.
«Des fois, de tendre la main, d’ouvrir le cœur, ça nous apprend beaucoup de choses, poursuit la réalisatrice. J’ose espérer que ça peut amener des relations plus harmonieuses entre nous, les humains.»
On s’attache à ce réfugié congolais (Cedric Keka Shako), à cette jeune Inuk enceinte (Océane Kitura Bohémier-Tootoo), à ce petit gars fraîchement sorti de la DPJ (Justin Leyrolles-Bouchard), à cette dame âgée avec des problèmes cognitifs (Louise Turcot) et à cette magnifique paire formée d’un homme malade (Pierre Verville) et de son «infirmière» trans (Marc-André Leclair).
Aller vers l’autre
Ce beau groupe, qui s’installe dans la maison gaspésienne «le temps d’un été» avec Marc et sœur Monique (Élise Guilbault), aura maille à partir avec la population locale, entraînée par le discours de François (Sébastien Ricard). Celui-ci prend soin du domaine depuis des décennies et digère mal que quelqu’un d’autre en ait hérité… surtout quand ce quelqu’un d’autre est Marc, son ami d’enfance avec qui il s’est brouillé.
Mais après quelques hésitations, le maire du village (Normand Chouinard), le curé local (Gilbert Sicotte) et la propriétaire du magasin général (Josée Deschênes) tendent la main.
«Il y a des villageois qui vont se rallier du côté de François, mais sinon, ils font plus preuve de curiosité ou de surprise, note Louise Archambault. Marie Vien le décrit très bien. Elle dit: “imagine, tu as ta maison, tu as un petit balcon, et du jour au lendemain, il y a 12 personnes qui viennent manger sur ton balcon. Comment tu te sens?”»
Pas le choix, donc, que l’équipe de tournage s’intègre elle-même dans la petite communauté où elle s’est installée pour faire le film. «J’ai insisté pour que les figurants et plusieurs acteurs viennent de la région, donc ils étaient super contents, soulève la réalisatrice. Ça s’est fait naturellement; il y avait comme un plaisir de raconter tout le monde ensemble la même histoire.»
Il faut dire que Louise Archambault commence à être une habituée des tournages en région, après Merci pour tout et Il pleuvait des oiseaux. Et qu’elle travaille avec un acteur chevronné comme Guy Nadon ou quelqu’un du coin qui veut vivre un premier tournage, elle dirige tout le monde de la même manière.
«C’est ça qui est beau de la fabrication d’un film: il n’y a plus de frontière, plus de langue. C’est universel. Depuis le début des temps, les humains racontent des histoires et veulent se faire raconter des histoires. Quand on peut le faire ensemble, c’est vraiment le top», conclut la réalisatrice.
Le temps d’un été prend l’affiche vendredi.