Matt Holubowski n’est pas qu’un artiste mélancolique. « J’aime beaucoup les gens, je suis bavard, je fais des jokes poches », nous dit-il allègre en entrevue. Et son nouvel album, Like Flowers on a Molten Lawn, qui sort vendredi, intègre cette facette enjouée de l’auteur-compositeur-interprète, qui crée aujourd’hui une musique sans compromis.
Ce quatrième opus aux compositions étoffées, conçues d’un « point de vue rythmique plutôt que mélodique ou acoustique », est le fruit de vastes et riches explorations sonores que l’auteur des albums Ogen, Old Man, Solitudes et Weird Ones ne s’était jamais autorisées par le passé, raconte-t-il à Métro dans son appartement de Rosemont.
La splendeur épique de la chanson End Scene, premier extrait dévoilé l’automne passé, laissait déjà présager le meilleur. Texturées et envoûtantes, parfois même lumineuses, les chansons de Like Flowers on a Molten Lawn (Audiogram) y font honneur.
Immersion technique
Le musicien venait de faire paraître Weird Ones, en février 2020, lorsque la pandémie s’est déclenchée. La tournée est alors tombée à l’eau. « Mon corps était comme programmé pour être en tournée, relate-t-il. Quand je m’asseyais pour essayer d’écrire des chansons, ça ne sortait pas. »
Face à cette panne d’inspiration créative, il s’est tourné vers l’aspect technique de son métier, un processus expérimental dans lequel il s’est immergé, galvanisé.
Logiciels, machines, prise de son, équipement, enregistrement, réalisation, etc. : deux ans durant, celui qui n’avait jamais « été vraiment bon avec les ordis et les machines » a lu sans arrêt sur le sujet, suivi des cours, écouté des tutoriels sur YouTube… et posé une kyrielle de questions à Pietro Amato, avec qui il a coréalisé Like Flowers…
Le réalisateur et corniste aguerri s’est révélé une pierre d’assise de l’apprentissage de Matt.
« C’est une personne tellement gentille et patiente, dit-il avec affection. Il est mille fois plus avancé que moi dans ces affaires-là, mais on a la même faim, la même curiosité envers les possibilités sonores. Quand tu arrives dans tout ce qui est synthétiseurs et ordinateurs, le programming, les drums, c’est infini! »
« La réalité, c’est que tu pèses sur une note, tu tournes un piton, et tu vois ce que ça fait. Puis tu tournes un autre piton, tu vois ce que ça fait. Et tu fais ça pendant des mois! », rigole Matt.
Et que lui a apporté Pietro sur le plan créatif? « Oh mon dieu, tout! », répond son complice, qui a voulu jouer moins de guitare sur cet album au profit du piano, instrument auquel il s’est initié.
« Si ce n’était pas pour lui, il n’y aurait pas de chansons sur l’album, ce serait juste du bruitage! s’esclaffe Matt. Il m’a encouragé dans cette exploration et a fait en sorte qu’on incorpore le band de façon organique… pour que ça donne des chansons! »
Sans Connor Seidel
Like Flowers… est le premier album que Matt Holubowski crée sans le réalisateur de ses trois précédents opus, Connor Seidel, son collaborateur des premières heures. Et rien à craindre, tout va bien entre eux! Connor, qui a lui-même collaboré avec une myriade d’artistes d’ici, l’avait même encouragé par le passé à faire équipe avec d’autres.
Aux yeux de Matt, aucun doute qu’ils collaboreront de nouveau. Il se réjouit d’ailleurs déjà à la perspective de discuter de musique « de manière vraiment plus intéressante que dans le temps » grâce à son nouveau bagage technique.
« Pour cet album-là, je voulais juste essayer autre chose. Je n’aurais pas pu arriver à ce moment sans Connor, et je n’aurais pas pu arriver à l’autre moment sans Pietro. C’est pour ça que les réalisateurs sont là : pour nous aider à réaliser ce qu’on a dans notre tête. »
Équilibre entre technique et création
Cette immersion technique a également eu pour salutaire effet de raviver la créativité de Matt. « Quand je me posais pour écrire, j’explosais d’inspiration! »
Et comme «je n’en avais pas eu depuis mon premier disque », ajoute-t-il, le cycle récurrent des dernières années — écriture, enregistrement, promotion, tournée, pause, et on recommence — l’ayant déconnecté peu à peu du « côté viscéral » de sa création.
« Quand tu fais carrière en musique, forcément, ça change ta façon de créer. Tu penses aux attentes des gens, à ce que tu veux, ce que tu écoutes, comment ta musique évolue en live… qui suis-je? », rigole-t-il.
S’il est conscient que l’approche plus expérimentale que folk de Like Flowers on a Molten Lawn ne ralliera peut-être pas tous ceux et celles qui le suivent depuis l’épuré Ogen, il s’estime choyé de créer de la musique qui reflète l’artiste qu’il est aujourd’hui, sans compromis.
« Je me suis dit : assume pas ce que les gens vont aimer ou pas. Ils sont pas mal plus willing que tu le penses. Oui, des gens vont aimer mieux ma musique plus acoustique, all good, elle existe encore. Mais pour ceux qui veulent suivre la croissance d’un artiste, c’est ce qu’on propose. »
Deux facettes de Matt
Like Flowers… le reflète d’autant plus qu’il incorpore la facette plus badine de sa personnalité, que l’on a toujours pu constater en concert, mais qu’il résistait à intégrer à son art, ayant « longtemps essayé de projeter cette image d’un artiste troublé » à la Thom Yorke, a-t-il écrit sur Instagram à la sortie de l’extrait My Burrow, dont la jovialité tranche avec mélancolie inhérente à son répertoire.
Matt laisse aujourd’hui cohabiter sur album ces deux visages tout aussi authentiques l’un que l’autre, citant en guise d’exemples les chansons Fooling You Some et Flirt With Boredom — à ce point contrastées que son équipe et lui se sont demandé si les chansons plus gaies avaient leur place sur l’album.
Or, ultimement, « c’est la même personne, raisonne Matt. Je veux tout laisser exister de manière plus organique et moins contrôlée. Cet album résume beaucoup mieux qui je suis que le toujours mélancolique », conclut-il avec allégresse.
Pour voir Matt Holubowski en concert