«Crépuscule pour un tueur»: meurtrier narcissique cherche protection policière
Crépuscule pour un tueur, film de fiction de Raymond St-Jean qui prend l’affiche aujourd’hui, retrace le parcours de Donald Lavoie, un tueur à gages qui a sévi au Québec dans les années 70.
Si la prémisse semble familière, c’est qu’elle est semblable à celle de Confessions, le long métrage de Luc Picard sorti l’été dernier qui porte également sur un véritable tueur pour la pègre, Gérald Gallant. Mais les deux propositions sont radicalement différentes, tout autant que les meurtriers qui les ont inspirées.
«Gallant, il va finir sa vie en prison; Donald Lavoie, il est libre, rappelle à Métro Éric Bruneau, qui incarne le rôle-titre de Crépuscule pour un tueur. Il a fait changer les lois au Canada. On a inventé la protection des témoins pour lui. C’est un grand narcissique.»
Narcissique et charismatique
À la solde du clan des frères Dubois jusqu’à ce que ceux-ci craignent qu’il ait changé d’allégeance, Donald Lavoie a admis avoir commis au moins 15 meurtres quand il est devenu délateur pour la police au tournant des années 80. C’est comme ça qu’il a sauvé sa peau, les autorités lui ayant fourni une nouvelle identité après qu’il a passé quelques années dans une cellule de prison à l’écart des autres détenus.
Mais avant de disparaître dans l’ombre, le tueur à gages était pour ainsi dire devenu une personnalité publique, allant jusqu’à accorder une entrevue à la célèbre émission journalistique The Fifth Estate, sur CBC.
«Notre rapport à ce type de criminel, c’est un peu un des sujets du film, note le réalisateur Raymond St-Jean. J’ai parlé à Claude Poirier récemment de la popularité des gangsters à cette époque-là et il disait: “On est coupable, les médias. On en a fait des vedettes.”»
Le choix d’Éric Bruneau pour incarner le sombre personnage n’est donc pas anodin. Oui, il y a une certaine proximité physique entre les deux hommes et l’acteur a saisi le cinéaste quand il s’est présenté en audition. Mais c’est également un rappel que les monstres se cachent aussi derrière des belles gueules et un certain charisme.
Les années 70
Crépuscule pour un tueur se concentre sur une assez courte période de la vie – romancée, bien sûr – de Donald Lavoie. C’est Martin Girard, le scénariste du film, qui a eu l’idée de centrer l’action sur ces quelques mois en faisant des recherches sur le tueur à gages, alors que le réalisateur avait d’abord en tête de faire une fiction imaginant l’assassin de nos jours.
On plonge donc dans la fin des années 70, avec les longs cols pointus, les moustaches touffues, les favoris bien garnis et les femmes au foyer, dont celle de Donald Lavoie, qui est incarnée par Rose-Marie Perreault, seul personnage féminin parlant.
Au-delà des costumes et des coiffures, le film s’inspire de l’esthétique des longs métrages de l’époque plutôt que des clichés qu’on en a conservés. Pas de brun et d’orange à grandeur, donc, mais plutôt une caméra mobile assez brute et des éclairages directs comme on n’en fait plus.
«Toutes les scènes de nuit sont très contrastées; c’est volontaire, souligne le réalisateur. L’idée, c’était de plonger dans l’époque, mais sans faire un pastiche du cinéma de ces années-là.»
Et il y a le sang. Avec une demi-douzaine de meurtres à l’écran, Crépuscule pour un tueur est sans aucun doute un film violent, à l’image de celui qui l’a inspiré, quoi qu’il en dise.
À la rencontre de Donald
«Je pense que Donald s’est vraiment senti torturé parfois, mais il s’est créé un narratif, analyse Éric Bruneau. Les gens ont une façon de se raconter pour s’excuser les choses qu’ils ont faites.»
L’acteur a cherché à rencontrer le tueur, qui a aujourd’hui 80 ans. Il a cessé ses démarches quand il a pu parler à une personne qui l’a connu, mais qui était également suffisamment extérieure à tout ça pour donner des indices utiles à la construction du personnage.
«Donald, il m’aurait raconté quoi? La vérité ou sa vérité?», souligne le comédien, qui livre une performance haletante avec ce premier grand rôle au cinéma. Présent dans toutes les scènes, il porte le film sur ses épaules.
Éric Bruneau a dû trouver une manière de connecter avec le personnage pour l’incarner autrement qu’en un simple tueur psychopathe. C’est le besoin de validation du meurtrier qui lui a fourni sa porte d’entrée: l’homme abandonné par son père a su combler ce manque par des figures comme les Dubois et Burns, policier incarné par Sylvain Marcel à qui l’assassin finit par livrer ses anciens patrons.
«Mon job, c’est de comprendre ce qui mène un homme à agir de même. Ce n’est pas de juger s’il a bien fait ou mal fait; personne ne mérite de se faire tuer», conclut le comédien.