«Jazz futon»: party de salon à la Valaire
Avec son nouvel album Jazz futon, qui sort vendredi, le groupe Valaire laisse une place de choix à ses racines jazz, au fondement du quintette qui fusionne aussi des influences électro, rap, funk et pop.
Métro a jasé de ce sixième album rythmé et feutré à la fois avec l’un de ses membres, le musicien, compositeur et parolier Luis Clavis, au café Velours, dans Villeray.
Jazz instrumental
À la base, Jazz futon a été réfléchi dans une perspective instrumentale. Kilojules (Julien Harbec), Tō (Thomas Hébert), France (François-Simon Déziel), Jonathan Drouin (Drouin) et Luis Clavis (Louis-Pierre B. Phaneuf) avaient envie d’accorder une place accrue à leurs premières amours musicales. « Ça se ressent plus sur la “face B” », indique Luis, en faisant référence à la seconde moitié du disque de 17 titres.
Ces pièces instrumentales aux accents jazz s’harmonisent aux morceaux plus funk et dansants du reste de l’album, qui réunissent à la voix plusieurs ami.e.s artistes, comme le veut la tradition de Valaire.
On retrouve notamment les éternel.le.s complices Fanny Bloom et Mike Clay, le légendaire Alan Prater, chanteur du groupe The Brooks, le rappeur Ciscero ainsi que Mel Pacifico, sans compter le pianiste et beatmaker montréalais Anomalie, que les gars de Valaire qualifient de prodige.
Luis Clavis voit les morceaux sur lesquels chantent leurs invité.e.s, qui défilent surtout en première moitié du disque, comme une porte d’entrée vers les créations instrumentales de Jazz futon, qu’il affectionne particulièrement.
Créer de la musique instrumentale jazzy requerrait « un job de décantage, de distillation », explique-t-il. Une approche contrastant avec celle du projet parallèle électro-pop de Valaire, Qualité Motel, inspiré des sets de DJ, qui mise davantage sur l’efficacité. Deux façons distinctes de s’éclater pour le quintette, en somme.
Faire de l’instrumental, c’est plus long. On avait le désir que ce soit plus réfléchi, de prendre le temps d’installer un mood, que chaque section s’enchaîne sans revenir forcément à une forme pop. Nos tounes instrumentales buildent, mais pas trop, ça s’enchaîne en allant dans plein de zones, parfois plus planantes, plus introspectives, plus jazz, plus contemplatives.
Luis Clavis, membre de Valaire
C’est d’ailleurs dans une ambiance aérienne que se clôt l’album avec Garçon donneur, qui couronnerait en beauté un douillet party de salon. « Le nom [de l’album] vient de la face B, en fait », fait remarquer Luis Clavis.
Alain Prater, légende funk et ami
Une illustre figure s’impose aujourd’hui dans le paysage musical de Valaire : Alan Prater, de The Brooks, qui a fait une première apparition sur l’irrésistible chanson By My Side tirée d’Oobopopop.
Luis Clavis parle de la légende américaine, établie à Montréal depuis 1991, avec une admiration patente. « C’est la personne la moins blasée dans ce milieu que je connais et il a beaucoup plus de kilométrage que nous derrière la cravate. C’est du mentorat qui vaut très cher. Il porte tout un passé musical et a encore un regard passionné par rapport à son art. »
Luis avait adoré écrire les paroles destinées à Alan sur l’album précédent de Valaire. « Ça n’a jamais été autant facile d’écrire une chanson d’amour parce qu’il apporte tellement d’affaires, c’est jamais cheesy. »
Le processus fut différent sur Jazz futon, relate Luis, Alan ayant improvisé sons et paroles au micro en studio sur des maquettes qui s’alignaient vers la poubelle. « Durant une séance de trois heures, je pense qu’on a fait six tounes », s’émerveille Luis.
À l’été, l’artiste chevronné accompagnera Valaire sur scène en tournée lorsqu’il ne sera pas occupé avec The Brooks, assure Luis, qui aspire à lui consacrer un documentaire. « On a aussi un beau line-up de chanteurs le fun quand Alan n’est pas disponible », se réjouit-il.
Pas étonnant, étant donné que depuis ses débuts, le groupe a collaboré avec un formidable bassin d’artistes, dont Bran Van 3000, le regretté Karim Ouellet, Milk & Bone, Pierre Kwenders et Kahli Abdu.
Valaire, Qualité Motel, solo…
Depuis son précédent album sorti en 2016, le très soul et groovy Oobopopop, le quintette lauréat de deux Félix n’a pas chômé. Il a sorti en 2018 le second album de Qualité Motel, qui lui a fait sillonner les routes du Québec.
On s’est fait surprendre par Qualité Motel. Ça a levé plus qu’on le pensait.
Luis Clavis, membre de Valaire
Ce dernier a également lancé des opus en solo ces dernières années, Homme objet, en 2020, puis les minis Échos d’une vie distante : volume 1 et volume 2 en 2021 et 2022. Si ce volet « prend de la place dans [sa] tête et [son] cœur », il assure toutefois ne pas chérir d’aspiration particulière de ce côté. « On aime mettre de l’avant l’idée des bands dans l’espace médiatique, on trouve qu’il y en a trop peu. »
C’était en partie, d’ailleurs, ce qui avait poussé les gars à se départir en 2016 du « Misteur » de leur nom d’origine, question que cessent les questions du genre « C’est-tu lui, misteur Valaire? », rigole Luis en se remémorant cette décision à la fois judicieuse et « complètement cave » à ses yeux, puisque beaucoup « ont pensé que c’était un nouveau band ou que quelque chose de grave avait dû se passer ».
Eh non, pas du tout : le lien entre les cinq amis depuis le primaire (!) est demeuré intact au fil des années et des projets artistiques endiablés.