Peut-on être à la fois pompier et poète? C’est à cette question qu’est confronté le personnage principal d’Irlande cahier bleu, le dernier film d’Olivier Godin qui sera présenté en première mondiale au Festival Fantasia ce vendredi.
Difficile de faire la distinction entre le rêve et la réalité dans ce film où l’on suit Ducarmel (Emery Habwineza), un pompier, poète et basketteur. Si ce n’était des difficultés à trouver quelqu’un pour garder sa fille, Ducarmel pourrait jongler avec ses différentes occupations/passions sans problème. Du moins, jusqu’à ce que sa supérieure (Ève Duranceau) s’en mêle, incapable de comprendre que son employé porte ainsi différents chapeaux.
En entrevue avec Métro, Olivier Godin se dit très heureux de faire partie de la sélection «Camera Lucida» du Festival Fantasia, une programmation qui fait la promotion d’un cinéma de genre plus expérimental, personnel et audacieux.
«La section Camera Lucida, c’est toujours elle que je fréquentais ces dernières années», raconte le réalisateur, qui présente un film pour la deuxième fois au Festival Fantasia, la première fois étant avec son court métrage Full Love produit en 2013.
Le rêveur doit-il se réveiller?
Très présent dans le film, le rapport entre le rêve et la réalité, voire entre le rêve et le rêve – puisque «Qui rêve de quoi?» demande Olivier Godin – permet de déjouer certaines attentes et de brouiller les cartes, explique le cinéaste.
«Il y a plusieurs thématiques [dans mon film], soutient Olivier Godin. On pourrait le voir comme un éloge de la fuite, une manière de prendre la vie ordinaire et lui trouver du merveilleux ou de la poésie.»
Le réalisateur s’interroge également sur le statut de l’artiste, se demandant si ce dernier doit nécessairement diffuser ses œuvres pour être considéré comme tel.
«Quand Terry Gilliam n’avait pas pu faire son Don Quichotte, il disait un truc comme “De toute façon, je l’ai fait dans ma tête tellement de fois, ce film”. Bon, il l’a finalement tourné, mais il aurait peut-être dû le faire seulement dans sa tête», ironise-t-il.
Le réalisateur s’est aussi amusé à faire de son film «un mélodrame un peu heureux», désamorçant certains éléments dramatiques de son histoire. «Je me suis fait un plaisir de garder ça léger», dit-il.
Un acteur en devenir
La réalisation inventive d’Olivier Godin, le tournage en 16 mm et le jeu décalé de son héros donnent une patine de cinéma direct à son film, un peu à l’image d’une œuvre comme Le chat dans le sac (1964) de Gilles Groulx.
En effet, attraction principale du film, quoique bien entouré par plusieurs comédiens de talent (Florence Blain Mbaye, Stéphane Crête, Étienne Pilon), Emery Habwineza incarne le rôle principal, même s’il n’est pas acteur de formation.
Ce n’est pas la première fois qu’Olivier Godin travaille avec lui, Emery Habwineza ayant joué un petit rôle dans son précédent film, Il n’y a pas de faux métier (2020), un personnage également nommé Ducarmel.
«C’est un peu le même personnage [dans les deux films]. Quand j’ai écrit le personnage de Ducarmel, je l’ai écrit pour Emery et c’est un personnage qui lui ressemble un petit peu. Emery a cette sensibilité, cette grâce lorsqu’il bouge.»
En plus d’avoir une belle voix et d’être photogénique, Emery Habwineza est un excellent joueur de basket, soutient Olivier Godin, ce qui ajoute évidemment de la crédibilité aux scènes impliquant ce sport.
«Je suis ému par son professionnalisme. [Pendant le tournage], je sentais qu’il devenait un acteur, qu’il entrait en confiance, qu’il trouvait son personnage de plus en plus. Il y a quelque chose de beau dans cette progression.»
DIY
Auparavant associé avec la Distributrice de films, Olivier Godin a décidé de distribuer lui-même son dernier long métrage.
«C’est la première fois que je fais ça, tout passe par moi», mentionne le réalisateur, ajoutant que c’est un défi «pour de petits films» comme les siens d’être diffusés en salle, d’autant plus que la compétition est forte, car il y a beaucoup de longs métrages qui se font au Québec.
Une sortie en salle est prévue le 8 septembre prochain et Irlande cahier bleu sera également présenté au Festival Les Percéides, à Percé, le 18 août.
La projection au Festival Fantasia aura lieu au Cinéma du Musée le 28 juillet à 18h30.