Plongez dans l’obscurité de «La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé»
Dès aujourd’hui, les télévores peuvent découvrir la première série de Xavier Dolan, La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, qu’il a librement adaptée de la pièce plébiscitée éponyme de Michel Marc Bouchard, présentée en 2019 au Théâtre du Nouveau Monde.
Ce drame psychologique de cinq épisodes d’une heure flirtant avec le suspense relate l’histoire orageuse de Mireille Larouche, thanatologue de renom qui revient dans sa ville natale pour embaumer le corps de sa défunte mère. Elle renoue par la même occasion avec ses trois frères, qu’elle avait fuis près de 30 ans plus tôt.
Une nuit d’automne 1991, alors que les ados Mireille, son frère aîné, Julien, et leur voisin Laurier Gaudreault forment un indissociable trio, un drame bouleversera leur vie à tout jamais, menant peu après à l’exil de la deuxième enfant du clan Larouche.
Après Motel Paradis, sortie sur sa plateforme le mois passé, Club illico frappe un autre coup de circuit avec cette minisérie attendue, qui expose les conséquences graves à long terme des gestes que l’on commet.
Voici pourquoi plonger dans l’histoire ténébreuse de la famille Larouche.
La réalisation et le scénario de Xavier Dolan
Si la pièce originale constituait un huis clos dans une salle d’embaumement, le cinéaste s’en est extirpé pour créer un univers étoffé et foisonnant, décliné en deux trames temporelles : celle du début des années 90, où le drame s’est produit, et celle de 2019, aux retrouvailles de Mireille et sa fratrie, qui nous transportent dans les lieux évoqués au théâtre.
L’on reconnaît l’esthétique au parfum suranné des images du réalisateur de renom, papiers peints floraux à l’appui. Dans une ambiance hyper-réaliste, il filme ses comédien.ne.s souvent au plus près de leurs visages, donnant à contempler l’étendue de leurs nuances et subtilités, et par le fait même, nous immisçant dans leur intimité, où règne une souffrance latente.
Une saga familiale riche et poignante
Évoluent au cœur de ce thriller psychologique les Larouche, famille disloquée aux membres abîmés, tourmentés, que le drame vécu en 1991 aura poussés vers les excès, chacun à sa façon.
Mireille (incarnée par Julie Le Breton) s’est déracinée des siens. Julien (Patrick Hivon), ex-toxicomane, voue une haine ineffable à sa sœur. Denis (Éric Bruneau), le cadet bordélique, mais réconfortant, et Elliot (Xavier Dolan), le benjamin fragile qui tente de vaincre ses problèmes de drogues, complètent la fratrie.
À la tête du clan se trouve matriarche féministe, l’élégante Madeleine (Anne Dorval), désemparée devant la dérive de ses enfants. Finalement, la vaillante Chantal au grand cœur (Magalie Lépine-Blondeau) tente de rapiécer cette famille qu’elle découvrira bien plus stigmatisée qu’elle ne pouvait l’imaginer, nonobstant ses 20 ans de vie commune avec Julien.
Une distribution de haut calibre
Xavier Dolan a réuni une distribution magistrale, dans les rôles tant principaux que périphériques. Outre les noms ci-haut évoqués, dont plusieurs endossent de nouveau leur rôle après leur avoir donné vie sur scène, Julianne Côté se joint au générique en incarnant un personnage témoin des tensions au sein de la famille, tout en étant source de lumière dans l’existence houleuse du benjamin.
Dans les rôles adolescents, Jasmine Lemée (Mon cirque à moi), Elijah Patrice (Alerte Amber) et Pier-Gabriel Lajoie (Les petits rois), qui campent respectivement Mireille, Julien et Laurier Gaudreault, donnent corps à la détresse qui gangrènera les trois jeunes.
Secrets, mensonges et suspense
Dès le générique anxiogène — dans la lignée de celui de l’iconique série Six Feet Under —, le ton est donné : une tension déroutante, perpétuelle planera sur le clan, à son apogée entre Mireille et Julien. Le récit ne tardera pas à prendre des allures de thriller psychologique dès le retour de Mireille, adulte, et le cri déchirant une nuit d’automne 1991.
Sa réapparition, qui concordera avec le trépas de sa mère, cette dernière recevant un mystérieux appel peu avant de rendre son ultime souffle, fera ressurgir au sein du clan mensonges, rancœurs, regrets et autres secrets enfouis douloureusement depuis des décennies. Julien se révélera hanté par une violence. Plus émergeront les révélations, plus l’on se demandera : mais que s’est-il passé durant cette nuit fatidique de 1991 où Laurier Gaudreault s’est réveillé?
En prime, des pépites musicales pop
Eh oui, que serait un film (ou désormais une minisérie) de Xavier Dolan sans perles du répertoire musical pop québécois? Le réalisateur a cette réjouissante inclination à ne pas simplement juxtaposer, de façon extradiégétique, lesdites pépites sur une scène, mais bien à les intégrer au décor.
C’est ainsi qu’une chanson de France D’Amour ou de Ginette Reno jouera dans une taverne et que Joyeux Noël (Christmas Song) de cette même légende agrémentera le repas du réveillon chez les Larouche.
Et si la scène d’anthologie durant laquelle Anne Dorval, Antoine Olivier Pilon et Suzanne Clément dansaient au son d’On ne change pas de Céline Dion dans le film Mommy était envoûtante, sachez qu’un personnage fera honneur à une autre pièce de la diva dans une scène éclatante.
Bien sûr, on ne peut ignorer la trame sonore sous-tendant la tension, signée par les compositeurs Hans Zimmer (oui, oui, The Lion King, Dune, etc.) et David Fleming (Hillbilly Elegy).