«Falcon Lake»: flirter avec les mystères de l’adolescence
Falcon Lake, premier long métrage de Charlotte Le Bon, est présenté aujourd’hui en ouverture du Festival du nouveau cinéma après avoir été sélectionné à Cannes plus tôt cette année.
Les publics québécois et français connaissent Charlotte Le Bon – qui partage depuis plusieurs années sa vie entre les deux pays – comme comédienne, mannequin, artiste visuelle, présentatrice télé et, maintenant, comme réalisatrice.
À l’occasion de la sortie du film, Métro s’est entretenu avec l’artiste et avec la comédienne principale de Falcon Lake, Sara Montpetit.
S’approprier l’œuvre
Lorsqu’elle a découvert le roman graphique Une sœur de Bastien Vivès, le récit initiatique sexuellement explicite d’un jeune garçon qui tombe amoureux d’une jeune fille en Bretagne sur le bord de la mer, Charlotte Le Bon y a tout de suite vu un potentiel cinématographique. L’auteur lui a cédé les droits, mais ne comprenait pas qu’elle veuille en faire un film. Pour lui, c’était inadaptable.
« Il n’avait pas complètement tort », souligne la cinéaste, à postériori. Les deux premières versions de son scénario, très fidèles à l’œuvre initiale, n’ont pas réussi à convaincre les institutions financières.
« C’est lorsque j’ai fermé le livre et commencé à m’approprier l’histoire, à y mettre de moi, de mon vécu, et à ajouter des choses qui me plaisent du cinéma de genre que j’ai réussi à trouver la vraie couleur du scénario et à monter le financement », raconte-t-elle.
Elle a ainsi évacué une bonne dose de sexualité, sachant qu’elle allait travailler avec de très jeunes acteur.rice.s, a transposé l’histoire dans les Laurentides, où elle a grandi, et a joué avec les codes du genre pour injecter du mystère au récit.
La complexité de l’adolescence
La comédienne Sara Montpetit – qui incarne Chloé, adolescente québécoise de 16 ans qui cause chez Bastien, visiteur français de 13 ans, un éveil sexuel et amoureux – a été charmée par la vision de sa réalisatrice.
« J’ai été attirée par le scénario pour son étrangeté et parce qu’il ne tombe pas dans les clichés des récits initiatiques habituels. Charlotte est allée chercher le côté épeurant de l’adolescence », explique-t-elle.
Sara Montpetit a beaucoup aimé incarner Chloé, dont elle appréciait toutes les contradictions.
« C’est un personnage très riche. Ses réactions ne sont pas prévisibles. Parfois elle s’enferme, parfois elle s’ouvre. Il y a une ambivalence dans ce qu’elle vit. L’adolescence comporte des émotions très fortes qui peuvent se contredire. »
Un tournage lumineux
Plus confiante qu’elle ne l’était sur le plateau de Maria Chapdelaine, son premier film, Sara Montpetit raconte avoir osé davantage dans le cadre de ce deuxième long métrage et être allée au bout de ce qu’elle avait à offrir, d’autant plus que la réalisatrice lui donnait beaucoup de liberté.
Le tournage a donc été pour elle une superbe expérience.
« On était une majorité de jeunes dans les Laurentides en plein été post-COVID. La plupart tournaient leur premier long métrage. Il y a eu plein d’histoires d’amour sur le plateau. On mangeait ensemble, on faisait la fête. Il y avait une énergie de camp de vacances, c’était une expérience hyper vivante », raconte la comédienne.
Seul hic, elle ne s’entendait pas très bien avec son principal partenaire de jeu, Joseph Engel, mais elle s’est réjouie en voyant que ça ne paraissait pas à l’écran.
Le pouvoir de la peur
Dès sa jeunesse, Charlotte Le Bon a été marquée par le cinéma d’horreur beaucoup plus que par les films d’amour, en plus d’avoir toujours cultivé une passion pour le surnaturel.
« Je trouve souvent que les films sur l’adolescence sont assez mièvres, mignons. Je voulais éviter cela. Mon adolescence n’était pas mignonne. Je n’arrivais pas à me trouver, je me sentais seule, comme le personnage de Chloé. Mes pulsions sexuelles m’effrayaient. La sexualité des autres, le regard des autres m’effrayaient aussi. C’est pourquoi je trouvais intéressant de flirter avec les codes de l’horreur. »
L’idée d’intégrer une histoire de fantôme dans un récit initiatique fort réaliste est venue assez naturellement, d’autant plus qu’elle y voyait un parallèle très personnel.
« Ça me rassure de penser que des esprits peuvent rester parmi nous. J’ai perdu mon père quand j’étais enfant et l’idée que sa présence pouvait m’accompagner me rassurait », témoigne Charlotte Le Bon.
Malgré l’ambiance angoissante qui flotte sur le récit, la réalisatrice n’a pas été inspirée que par des films d’horreur pour faire Falcon Lake qui, d’ailleurs, n’appartient pas réellement à ce genre. Pour la cinéaste, il est du moins important de permettre au public de se faire ses propres interprétations de ce qui lui est présenté.
« Je n’ai pas envie de lui donner tout cuit dans le bec ou de lui dire quoi penser. Moi, les films qui me sont restés le plus longtemps en tête sont ceux où je n’ai pas toutes les réponses, à l’image de la vie qui ne fournit pas toutes les réponses tout le temps non plus », conclut la cinéaste.