«Fugueuse»: une suite pour les mauvaises raisons
Depuis la semaine dernière, TVA a lancé sa série la plus attendue de l’hiver: la deuxième saison de Fugueuse, avec Ludivine Reding.
La jeune actrice, découverte par le grand public lors de la troublante première mouture de cette dramatique, est de retour pour un autre tour de piste dans un récit campé quatre ans après les événements de la première saison.
Le retour de Reding au centre de l’intrigue est à la fois la plus grande force et le plus grand problème de cette deuxième saison. J’y reviendrai. Déjà, lors des premières diffusions et durant l’onde de choc initiale de la saison 1, j’avais mes réserves par rapport au manque de nuance et de subtilité du récit.
C’était un sujet délicat traité avec de gros sabots et, par moments, ça me dérangeait au point de décrocher du récit.
Cela dit, la force de l’interprétation compensait certaines faiblesses du texte et nous faisait même oublier la réalisation souvent bancale, surtout dans les scènes de nudité plus explicites.
C’était la force d’attraction de la première saison de Fugueuse. On était aspiré par le récit de la Fanny de Ludivine Reding et le reste tombait autour comme des pions sur un échiquier.
La deuxième saison, par contre, trébuche très rapidement dans ses ambitions, et le réalisme a été carrément balancé dans le fleuve, comme les cadavres de la risible enquête servant de locomotive à ce second récit.
Afin d’établir le retour de Fanny dans l’univers qui l’a presque détruite, on la positionne comme une agente double avec une enquête à terminer et des comptes à régler.
Ce mélange de trauma et de vendetta passe difficilement; plus ça avance, plus le trou creusé prend des allures de tombe de laquelle s’extirper sera laborieux.
Ainsi, le passé de Fanny est un boulet pour le récit, qui aurait gagné à être anthologique, c’est-à-dire à simplement nous présenter de nouveaux personnages dans le même univers.
Au lieu de ça, Fanny est entourée de nouveaux visages, mais la réalisation a la lourde tâche d’harmoniser le tout avec le passé.
C’est forcé, voire malhabile.
On se demande rapidement pourquoi cette suite existe puisque le récit de Fanny était raconté, essentiellement, au cours de la première saison. Ce retour semble plus opportun qu’inspiré, et sa présence sur la grille ressemble surtout à une commande pour faire osciller l’aiguille des cotes d’écoute du côté voulu.
Ce retour semble plus opportun qu’inspiré, et sa présence sur la grille ressemble surtout à une commande pour faire osciller l’aiguille des cotes d’écoute du côté voulu.
C’est dommage, puisque l’univers de Michelle Allan nous a fait vivre une grande gamme d’émotions et a lancé plusieurs discussions il y a deux ans déjà. La réalité des fugueuses, dans une fiction enlevante, commençait à inquiéter le grand public, et cette conscientisation n’est jamais un luxe.
Cette deuxième saison, sans réel propos, n’aura pas cet effet même si on tente d’y coller de nouvelles problématiques comme l’itinérance et la détresse psychologique.
C’est rare qu’on parle de la saison de trop d’une série après deux, mais Fugueuse se dirige vers cette distinction à force de trop vouloir en faire.
On peut suspendre notre incrédulité pour le bien d’une fiction, mais il ne faut pas non plus prendre l’auditoire pour des valises.