Le Festif! de Baie-Saint-Paul, qui s’est clos hier, a fait résonner les artistes à la grandeur de la municipalité de Charlevoix, du centre-ville au quai de la baie, en passant par les terrains de camping, les cours et balcons des résident.e.s, les commerces et les dunes. Voici un survol de concerts marquants de cette 14e édition, toutes scènes confondues.
Philippe B, scène Loto-Québec, jeudi 17 h
Le Festif! s’est amorcé tout en douceur avec Philippe B, qui se produisait muni de sa guitare acoustique dans une formule intimiste sur la scène Loto-Québec, recouverte de rondins et entourée d’arbres, sise dans une rue paisible. Assise sur des caissons sous un ciel voilé, la foule attentive s’est délectée de chansons tirées du plus récent album de l’artiste, Nouvelle administration, paru le printemps dernier, et d’une jolie sélection de pièces puisées dans le reste de son répertoire, telles que L’été, California Girl, L’année du serpent ou Interurbain, « anachronique aujourd’hui », rigole-t-il. « Je dois maintenant expliquer ce que c’est. » C’est avec sa « chanson la plus lente », L’amour est un fantôme — « ce qui, dans mon cas, n’est pas peu dire » — que le volubile raconteur a conclu ce moment empreint de quiétude, durant lequel l’accompagnaient sobrement la guitariste et bassiste Marie Claudel et la claviériste Ariane Bisson McLernon.
Daniel Bélanger, scène principale, jeudi 21 h 30
Impossible de ne pas inclure un spectacle de l’icône de la musique québécoise parmi de grands moments de festival (malgré les gens bavards aux alentours). Devant le parterre bondé, Daniel Bélanger a puisé abondamment parmi les chansons immortelles de son immense répertoire, ne jouant ultimement que quelques morceaux de son plus récent album, Mercure en mai, paru en octobre passé, Il faut s’accorder, Dormir dans l’auto et J’entends tout ce qui joue (dans ta tête) et Au vent des idées, voués à le devenir aussi. « Il y aura beaucoup de notes, beaucoup d’accords, de chansons composées principalement par moi. Vous aurez été prévenus », a lancé, facétieux, le créateur à la foule conquise. « Bravo, quelle jolie voix! », l’a-t-il plus tard complimentée alors qu’elle chantait — évidemment — en chœur Les deux printemps. Le spectacle s’est conclu dans l’apothéose avec Rêver mieux et La folie en quatre.
Rosie Valland, quai Bell, vendredi 12 h 40
Pour sa première présence au Festif!, Rosie Valland a eu droit à ce qui est, aux yeux de beaucoup, la plus belle scène du festival : le quai de Baie-Saint-Paul, qui offre un magnifique panorama. L’autrice-compositrice-interprète, qui a interprété sa reprise atmosphérique de Désenchantée de Mylène Farmer, a illuminé de sa pop synthé l’après-midi gris imprégné d’effluves marins, présentant principalement les chansons de son plus récent opus, Emmanuelle, dont l’enivrante Mantra, magnifiée par une longue finale en crescendo. De son premier album, Partir avant, elle a chanté Olympe, qu’elle aime encore énormément et qui lui rappelle le chemin parcouru, un hommage à la féministe du 18e siècle Olympe de Gouges. En concert, Rosie ose s’épancher, avouant s’être séparée récemment, avant de jouer Chaos, seule à la guitare électrique, qui lui rappelle son histoire d’amour. Elle a également confié que Non merci, hymne dansant féministe, lui avait bel et bien été inspirée par un homme en particulier. Mais c’est dans le réconfort qu’elle a conclu sa prestation, avec la belle Ici-bas, qui rappelle que « chaque seconde que l’on surmonte est un triomphe ».
Klô Pelgag, rue Saint-Jean-Baptiste, vendredi 18 h
Entourée d’une mare de festivalier.ère.s, la musicienne s’est installée à un piano en pleine rue dans le cadre des Instants ICI Musique, une mise en scène minimaliste qui lui a permis de dévêtir ses chansons pour les rhabiller autrement. C’est avec Trente, chanson de son ami Karim Ouellet, qu’elle a conclu ce concert impromptu, faisant couler des larmes sur les joues des spectateur.trice.s fans de l’artiste retrouvé sans vie en 2021.
Choses sauvages, pit à sable, vendredi minuit
Carcasses de voitures, boucane jaillissant de partout : un décor apocalyptique attendait les noctambules venu.e.s festoyer avec l’électrisante bande de Choses sauvages aux dunes. Une ambiance digne d’un rave qui en a valu l’attente, un problème technique ayant entraîné un retard. Soulignons que le chanteur du quintette, Félix Bélisle, avait joué la veille avec son autre groupe La Sécurité dans le stationnement de l’église.
Bibi Club, cour de Joanne, samedi 14 h 10
Bibi Club a joué dans la cour verdoyante d’une résidente surplombée d’arbres majestueux, ambiance intimiste propice à sa pop rêveuse. Derrière la scène, ornée de tissus blancs à textures et motifs hétéroclites, flottaient délicatement sous la brise des vêtements blancs sur une corde à linge. Avachi.e.s sur des sacs à billes ou installé.e.s sur des chaises colorées, les spectateur.trice.s ont observé à l’œuvre Adèle Trottier-Rivard et Nicolas Basque, qui ont ponctué leurs mélodies vaporeuses d’envolées instrumentales plus mordantes mettant en valeur la guitare électrique du membre de Plants and Animals. Le duo, couple dans la vie, a offert une finale décapante sur Le soleil et la mer, Adèle rossant sa cymbale et Nicolas faisant rugir sa guitare. « J’espère que la musique vous accompagne comme il se doit », dira en cours de route la chanteuse, percussionniste et claviériste. Un moment magique, typiquement Festif!
Michel Pagliaro, terrain de camping rue Sainte-Anne, samedi 17 h 15
On a entendu frapper de façon impromptue au 121, rue Sainte-Anne… et c’était Michel Pagliaro! Sous un arbre majestueux, Pag a offert une prestation dépouillée à la guitare acoustique, ce qui ne l’a pas empêché de rocker, dans une ambiance parfois bluesy, aux côtés d’un ami guitariste. Le vétéran à la crinière ondulée coiffé d’un chapeau a enchaîné les succès J’entends frapper, L’espion, Dangereux, Louise, Fou de toi, Émeute dans la prison et autres Les bombes. Alors qu’il entonnait Rainshowers, une fine pluie s’est mise à tomber dans un ciel dégagé, la lumière du début de soirée transperçant le feuillage, comme scintillant. « C’était un grand plaisir de jouer sous le soleil pour vous », a-t-il chaleureusement dit à son public. Un moment d’une grande beauté avec un grand du rock.
Simon Kearney, scène principale, samedi 18 h 30
Pour emprunter l’expression qu’arbore le manche de sa guitare électrique mauve et argentée, Simon Kearney « pop’n’roll »! L’artiste vivant à L’Île-d’Orléans qui s’autoproclame (avec autodérision) pop star se fait également rock star sur scène, greffant à ses mélodies accrocheuses des envolées pesantes de guitare. JeanLeloup, Aweille!, Rich Bum$, Deux pieds dans la tombe, Ses yeux, Téléphone, Mes pants, Infirmière, Câline… il s’amusait ferme à jouer des pièces tirées de ses récents opus, América et Maison ouverte, en compagnie de ses complices Jeanne Laforest et Henri Kinkead, alias Héron, qui ont pris part à la plus récente édition des Francouvertes, le second se classant parmi les trois finalistes. La bande, qui manifestait un plaisir contagieux, a conclu sa prestation avec un jubilatoire capharnaüm sur Maison ouverte. « C’était vraaaaiment l’fun! », s’est exclamé Simon. On corrobore!
Amyl and the Sniffers, scène principale, samedi 21 h 30
« On est en tabarnak, Baie-Saint-Paul! », a lancé Guillaume Beauregard à la toute fin de la prestation de Vulgaires Machins afin de mettre la table pour le concert de la sensation punk mondiale Amyl and the Sniffers, originaire d’Australie. Si des tourments vous assaillaient, le concert explosif du quatuor de Melbourne était en effet une bonne occasion de les purger! Décochant des sourires à la foule, habitant pleinement la scène et se déchaînant sur les solos de guitare, la fougueuse chanteuse Amy Taylor a donné envie à la foule de tout autant se déchaîner sur les chansons au rythme effréné des albums Comfort to Me et Amyl and the Sniffers. Mention à la prestation surprise de la toute nouvelle formation québécoise DVTR, composée de Laurence Giroux-Do et JC Tellier, membres de Le Couleur et Gazoline respectivement, qui a animé la foule avant Amyl and the Sniffers du haut d’un escalier illuminé de néons.
Philippe Brach, cour de l’auberge La Muse, samedi 22 h 45
Quelqu’un qu’on aime, Philippe Brach, vêtu comme l’on pouvait s’y attendre d’une insolite tenue de scène, a offert un concert surprise à la noirceur sous le couvert feuillu d’une cour. Une apparition fort prisée, l’auteur de l’album Les gens qu’on aime, sorti en mars passé, s’étant fait rare sur scène cet été. Or, l’on doit convenir que le lieu était exigu par rapport à l’engouement que suscite Philippe Brach, surtout après quelques années d’absence médiatique. Mais le fait d’à peine l’apercevoir n’a pas empêché de se réjouir de l’entendre interpréter, outre ses nouvelles chansons, Chrystel, Né pour être sauvage, Alice, Héroïne, Dans ma tête et Bonne journée, tirées de ses albums Portraits de famine et La foire et l’ordre.
Safia Nolin, concert à l’aube, dimanche 4 h 30
Le plus récent album de Safia Nolin, SEUM, se décline en deux versions : sunset et sunrise. C’est dire combien l’œuvre de l’autrice-compositrice-interprète se destinait à l’emblématique concert à l’aurore du Festif! C’est au son des oiseaux et de la voix soyeuse de Safia, qui a également puisé dans le répertoire de ses albums précédents Dans le noir et Limoilou, que les festivalier.ère.s se sont éveillé.e.s doucement… ou ont conclu leur nuit blanche. « C’est facile de voir qui n’a pas dormi, no judgment », a pouffé la guitariste, accompagnée de son ami Marc-André Labelle à la guitare électrique. « Je me sens mal de parler fort, je veux pas déranger les vaches », a-t-elle susurré en introduction. Safia a beau créer des chansons tristes, comme elle le dit elle-même, elle est une farceuse invétérée peinant à parler sans badiner, devant se ramener elle-même à l’ordre. « C’est vrai, on est ici pour faire un show », s’est-elle esclaffée entre deux anecdotes liées au Pacini et au mush. « Je suis donc bien de bonne humeur ce matin! » Elle a sans conteste amorcé notre journée du bon pied.