«Hair»: tout le monde à poil!
«Amour, flowers, liberté, bonheur», chante la distribution de Hair, comédie musicale mise en scène par Serge Denoncourt et présentée au Théâtre St-Denis jusqu’au 30 juillet. Torses nus, perruques de cheveux longs, vestes à franges, distribution de marguerites et références aux drogues psychédéliques campent rapidement le public en 1968, où de jeunes hippies refont le monde sur fond de guerre du Vietnam, de libération sexuelle et de mouvement américain des droits civiques.
Et ça se met à poil à quelques reprises au passage! C’est que la comédie musicale créée dans les années 60, puis adaptée au cinéma en 1978, est réputée pour être irrévérencieuse. Mais les mœurs ayant changé en un demi-siècle, ce ne sont pas quelques blasphèmes qui vont heurter les âmes sensibles. Glisser un peu de nudité dans un spectacle grand public ne choque peut-être pas les habitué.e.s du théâtre, mais réussit à faire réagir une foule moins familière avec des seins et des pénis exhibés sur scène.
D’hier à aujourd’hui
L’époque a changé, on le disait, mais des parallèles sont clairement dressés entre hier et aujourd’hui. «T’es un p’tit gars ou une p’tite fille avec tes cheveux longs?», se fait demander Berger (Kevin Houle) dans un échange qui n’est pas sans rappeler ceux qu’on entend de nos jours concernant les drag queens ou les personnes non binaires.
Berger, c’est un ami de Claude Bukowski (Philippe Touzel), personnage central qui gravite lui aussi dans ce groupe de jeunes hippies appelé la «tribu» dans la version originale, un terme éclipsé dans cette adaptation sous les conseils de Vanessa Destiné, qui a agi à titre de consultante diversité et inclusion.
Petite parenthèse à ce sujet: on n’est jamais perdant en faisant appel à plus d’un.e consultant.e, chaque individu ayant ses propres angles morts. Malgré qu’une attention particulière ait été accordée à l’actualisation de certains propos, on peut ressentir un malaise devant un accent allemand caricatural ou un tapis de nón lá (les chapeaux de paille vietnamiens) déposé sur scène pour illustrer la guerre.
Pour la musique plus que pour le récit
Contrairement à ses amis, Bukowski ne brûle pas sa carte de mobilisation envoyée par l’armée. Il hésite entre ses valeurs pacifistes et ce qu’on devine être un sens du devoir envers son pays. On le devine, oui, parce que Hair n’est pas d’une grande substance sur le plan du récit.
Si vous vous attendez à voir l’équivalent du film, sachez que le réalisateur Miloš Forman avait pris énormément de libertés en faisant l’adaptation cinématographique et que l’histoire à l’écran est très, très loin de celle sur les planches, où des échafaudages permettent une mise en scène réussie qui joue entre hauteur et profondeur.
La comédie musicale se prend davantage comme un ensemble de séquences, comme des cartes postales d’une époque. Si quelques segments se rapprochent dangereusement du théâtre d’été en région, on retient surtout de grands moments de danse et de musique.
Il y a, en effet, quelques excellentes scènes, notamment quand des toiles sont installées pour qu’on y projette tantôt des archives de manifestations suivies du célèbre discours de Martin Luther King, tantôt des images de la jungle et des explosions pour nous plonger dans un bad trip. Ce sont ces moments, où l’on ne peut s’empêcher de penser à cette jeunesse brisée par une guerre qu’elle rejetait, qui sont les plus forts du spectacle.
Au rythme des mouvements de bassin et des pas de danse yéyé de la chorégraphie signée Wynn Holmes, l’ensemble interprète l’accrocheuse Aquarius, la salace Sodomie, la spirituelle Be-In (Hare Krishna) ou encore la bouleversante Let the Sushine in/Laissons entrer le soleil en français, avec quelques passages en langue originale anglaise.
Parmi les voix de Philippe Touzel, Kevin Houle, Éléonore Lagacé, Delphine Morissette, Nico Archambault, Maxime-Olivier Potvin et Félix Lahaye, il faut mentionner celle tout en puissance de Sarah-Maude «Lyxé» Desgagnés, véritable découverte du spectacle.
Hair est à l’affiche au Théâtre St-Denis jusqu’au 30 juillet, puis sera remontée en décembre à Québec. Pour des billets, c’est par ici.