«Stop Kiss»: quand un baiser attise la haine
Stop Kiss, pièce présentée à La Licorne jusqu’à la fin du mois, se déroule en une succession de courts tableaux alternant entre l’avant et l’après-drame, une agression dont l’on saisira l’ampleur de la violence au fil des scènes.
Dès la première rencontre entre les New-Yorkaises d’adoption Callie (Célia Gouin-Arsenault) et Sara (Rose-Marie Perreault, qui fait ses premiers pas au théâtre) naît une complicité sincère à laquelle ni l’une ni l’autre ne s’attendait.
Puis, pénombre. L’éclairage se braque sur Callie, en choc, interrogée par la police. Elle raconte l’agression qui a laissé Sara dans le coma.
Femmes protagonistes queers
L’histoire d’amour au cœur du texte queer phare de l’autrice américaine Diana Son, créé en 1998, a conquis la comédienne Kim Despatis, qui lui consacre sa première mise en scène.
Cette dernière caressait depuis longtemps le désir de se frotter à la mise en scène, mais il lui fallait une œuvre qui lui donnerait « un petit coup de pied » pour se lancer, confie-t-elle à Métro.
Constatant le peu de pièces axées sur les communautés 2SLGBTQIA+, dont elle fait partie, dans les théâtres montréalais, elle a trouvé son approche : un texte queer ayant pour protagonistes des femmes. Son choix s’est arrêté sur Stop Kiss.
« Le spectateur est témoin premier de deux personnes qui tombent amoureuses; c’est ce que je trouvais beau », raconte la metteuse en scène, qui a commencé à travailler sur le projet alors qu’elle tournait dans la série Nuit blanche, avec Rose-Marie Perreault.
« Dans les communautés queers, tout se passe dans le petit, comme on est un peu cachées, poursuit Kim Despatis. À La Petite Licorne, on peut voir un petit frôlement de main qui nous explose en pleine tête comme si le cœur nous explosait en pleine tête. »
D’amour et de haine
En effet, durant les tableaux précédant le drame, l’on assiste au désir naissant entre les nouvelles amies, nourri de regards soutenus, d’étreintes qu’elles semblent vouloir éternelles, de doigts s’effleurant, de mains caressant leurs hanches, leurs corps de plus en plus magnétiques alors qu’elles tombent progressivement amoureuses.
Tant de manifestations charnelles délicates par lesquelles elles affichent leurs sentiments, sans parvenir à nommer cet amour qui leur « explose dans la tête comme du champagne », pour emprunter les mots de la metteuse en scène, ni l’une ni l’autre ne l’ayant jusqu’alors connu auprès d’une femme.
Même lorsque Sara confronte Callie sur ses sentiments, elles n’osent s’embrasser… jusqu’à cette nuit enivrante dans le West Village, au sortir d’un bar lesbien — scène rythmée par la musique du groupe québécois Les Shirley, choix judicieux!
Or, une agression d’une violence inouïe met abruptement fin à ce baiser tant attendu, drame qui n’est pas montré — pas plus que l’agresseur, d’ailleurs. Il nous est raconté par l’entremise des interrogatoires policiers auxquels sont soumises Callie et une voisine témoin de l’ignoble attaque.
Transie, Callie relate comment un homme — misogyne, homophobe, ou les deux — les a couvertes, Sara et elle, d’injures lesbophobes avant de les rouer de coups.
Davantage de théâtre queer
Sans forcément en faire un créneau, Kim Despatis, qui aimerait voir davantage de rôles féminins au théâtre, a assurément envie d’offrir dans l’avenir des pièces mettant en scène des personnages 2SLGBTQIA+ « à un public qui en est friand », avance-t-elle.
Elle fait d’ailleurs remarquer que Stop Kiss s’inscrit dans le sillage de la pièce jubilatoire Ciseaux, présentée l’automne passé à L’Espace Libre, qui traitait de l’invisibilisation des femmes lesbiennes dans l’espace public.
Avec ses amoureuses mises en lumière, mais victimes des préjugés et de l’ignominie humaine, Stop Kiss dialogue certainement avec la création de Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau.
Au grand bonheur des âmes romantiques, Stop Kiss immortalise en finale un geste d’amour, porteur de possibles et de beautés.
Stop Kiss, traduite par Maryse Warda, est une production de Tableau noir. La pièce est présentée à La Licorne jusqu’au 24 février. Durée : 1 h 30