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Une «Run de lait» qui s’impose

Justin Laramée occupe la scène durant son spectacle «Run de lait». Photo: Stéphane Bourgeois

Le théâtre documentaire Run de lait de Justin Laramée, maintenant présenté à La Licorne, part d’un constat troublant: dans les 20 dernières années, la moitié des fermes laitières du Québec ont fermé. Que se passe-t-il pour que notre principale production agricole disparaisse peu à peu ainsi?

Les recherches du dramaturge, papa et citoyen qu’est Justin Laramée ont commencé en 2016, quand il s’est embarqué dans un projet éphémère concernant la détresse psychologique chez les agriculteur.rice.s. Cherchant à comprendre d’où elle venait, il est allé à la rencontre de producteur.rice.s laitier.ère.s, mais ce n’était que le début d’une enquête de cinq ans qui allait le conduire jusqu’aux ministres de l’Agriculture du Canada et du Québec.

Sur scène, l’artiste est pratiquement seul, entouré d’une flopée de haut-parleurs desquels sortent entre autres les témoignages de différent.e.s intervenant.e.s qui expliquent les réalités de l’industrie laitière d’ici.

Seule autre personne sur les planches: le musicien (et futur héritier d’une ferme) Benoît Côté. Légèrement en retrait, il challenge régulièrement Justin Laramée sur ses positions et sa recherche, l’homme de théâtre étant si absorbé et passionné par son projet que sa famille en vient à être impliquée. Sortent ainsi des haut-parleurs les voix de sa femme et de ses enfants, pour un effet «cuuuuuuute» avoué, oui, mais aussi pour l’épauler dans une narration complexe.

Benoît Côté est à la batterie et au piano, en plus de faire des interventions tout au long de la pièce. Photo: Stéphane Bourgeois

J’aime le lait

Heureusement que Run de lait est parsemé d’humour pour rendre son sujet plus digeste (même si on est intolérant au lactose!), parce que le propos est très condensé et certainement pédagogique – difficile, d’ailleurs, de ne pas penser à J’aime Hydro de Christine Beaulieu, théâtre documentaire évoqué à quelques reprises ici. Mais le spectacle, dans son ensemble, est loin d’être léger. D’entrée de jeu, on aborde le suicide d’un agriculteur endetté et les difficultés financières généralisées chez les petit.e.s producteur.rice.s.

De là, Justin Laramée va cogner chez les transformateurs que sont Saputo, Parmalat et Agropur, seulement pour se retrouver devant des portes closes. Et il réalisera bien vite toutes sortes d’aberrations, des classes du lait qui en déterminent la valeur jusqu’aux accords commerciaux avec les États-Unis qui nuisent à l’industrie locale, en passant par la gestion de l’offre qui s’avère un échec, selon la recherche menée par l’artiste.

Tout le monde (même les gouvernements) se renvoie la balle qui finit par rebondir sur les consommateur.rice.s qui, au fond, sont les personnes désirant des produits abordables.

Si Run de lait a quelques longueurs vers la fin, c’est à cause d’une visible difficulté à boucler la boucle. Il n’y a pas de conclusion évidente, la situation évoluant toujours dans la même direction avec, en plus des problèmes évoqués, tout ce que ça implique en matière de bien-être animal et de changements climatiques, des thèmes effleurés dans la pièce.

Malgré ce petit bémol, le spectacle s’impose par la multiplicité des informations et des intervenant.e.s. C’est très compact, limite étourdissant, voire cacophonique par moments, mais certainement instructif et carrément nécessaire, puisque le public doit être davantage conscient des inquiétudes soulevées pour l’avenir de l’industrie, des animaux et des choix qui se présenteront aux consommateur.rice.s. De quoi sortir en s’exclamant: «J’aime le lait!»

Run de lait
La Licorne
Jusqu’au 21 décembre

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