Les «p’tites madames» se sont suffisamment fait expliquer avec condescendance comment réussir leur stationnement en parallèle. Au mansplaining, elles opposent désormais le womansplaining, qui ne prend pas les allures de phénomène social de son pendant masculin, mais qui sait montrer les dents. Et pas pour sourire gentiment!
Voilà le point de départ du Womansplaining Show de Noémie Leduc-Roy et Anne-Sarah Charbonneau, spectacle né lors du Zoofest 2021, présenté à nouveau au même festival cette année, puis en tournée dans quelques régions dans les mois qui viennent.
Féministe, inclusif et… sans complaisance, cet espace d’humour parfaitement en phase avec son époque aspire à «détruire le patriarcat une blague à la fois» et est bienvenue aux hommes… à condition que ceux-ci soient capables de rire si on sous-entend que les femmes hétérosexuelles n’ont jamais d’orgasme! Ce qui n’est pas gagné d’avance, si on en croit Anne-Sarah dans son efficace numéro sur le thème du lesbianisme…
Car la masculinité toxique en prend pour son rhume dans cette prestation souvent très drôle, où se relaient des humoristes féminines de la relève à la façon de n’importe quelle soirée de stand up. Si nos animatrices, pleines d’autodérision, se moquent allègrement de leur propre ton féministe affirmé, aucun homme cisgenre hétérosexuel ne figure parmi les invité.es de leur mini-gala.
«C’est pas qu’on aime pas vous entendre parler, c’est que vous avez déjà tous un podcast…», soutiennent-elles.
Brillante Catherine Éthier
Ô ironie, ces jours-ci, c’est au Café Cléopâtre, sur Saint-Laurent – qui conserve toujours sa vocation lubrique au rez-de-chaussée même lorsqu’il se fait hôte du Zoofest – que le Womansplaining Show saccage les préjugés à coups de lignes bien envoyées.
Vendredi, le passage de Catherine Éthier, ex-professeure à l’École nationale de l’humour des comparses du Womansplaining Show, était le clou de l’enchaînement. L’allumée chroniqueuse n’a pas déçu, avec une tirade percutante jasant de la violence conjugale, de cette soi-disant brutalité que subiraient aussi les hommes, avec un crochet par le procès Johnny Depp – Amber Heard.
En expliquant comment à peu près tous les enfants de son entourage sont considérés comme surdoués de la part de leurs parents, Catherine Éthier pose en fil de conducteur la question : «Comment on passe d’apprenti-Kent Nagano à gars qui cassait des bâtons de hockey sur des femmes au hasard dans le parc Laurier il y a deux ans?» Comme à chaque fois que la communicatrice prend la parole, le public était hilare devant son intelligence et son verbe affûté.
Épatante Sinem Kara
Dans l’heure précédente, la très prometteuse et décapante Sinem Kara (un talent à surveiller, tant pour son propos que son aisance désarmante au micro) a tourné en dérision ses origines turques et les sévères principes de sa nationalité («Pour quitter la maison, c’est la mort ou le mariage (…) Comme le fil de mon toaster se rendait pas à ma baignoire, je me suis mariée!») Elle aurait bien voulu participer à Occupation double, mais son père l’en a empêchée; l’émission n’est pas halal…
Née jumelle, Noémie Leduc-Roy s’est montrée catégorique en pourfendant le fantasme de beaucoup d’hommes de faire l’amour avec des sœurs identiques. «Évidemment que je souhaite que la personne que j’aime le plus au monde s’épanouisse sexuellement… mais ma limite, c’est l’inceste.» Elle a aussi fait mouche en évoquant une ancienne relation avec un jeune homme aux valeurs parfois douteuses : «Ça arrive à tout le monde de se tromper entre un article scientifique et sa propre opinion!»
Erika Suarez a fichu une bonne volée à quelques clichés sur les genres et orientations sexuelles, avant qu’Anne-Sarah Charbonneau, très charismatique, autoproclamée «version Walmart d’Ellen DeGeneres», ne raconte comment elle a apprivoisé sa propre homosexualité.
Le Womansplaining Show se termine sur un «merci spécial aux hommes, sans qui tout ça serait impossible», de la part de Noémie Leduc-Roy. Mais celle-ci n’est pas dupe : les ficelles de toutes les plus grandes catastrophes du monde étaient tirées par des hommes, qu’on pense à Tchernobyl, à la Deuxième Guerre mondiale ou aux Têtes à claques.
Le Womansplaining Show tient encore l’affiche du festival Zoofest le dimanche 17 et lundi 18 juillet. Pour toutes les dates des représentations à venir, cliquez ici.