Les mégastars sont de retour en ville cet été!
Les organisations de festivals l’ont répété pendant la pandémie: si la valse des reports et annulations d’événements imposée par les autorités sanitaires ne cessait pas, les artistes internationaux deviendraient peut-être plus frileux, dans l’avenir, à l’idée de faire cadeau de leur présence au Québec. Où en sommes-nous, après deux années complètes à jouer à Tetris avec les horaires des vedettes? État des lieux.
Junior Bombardier, directeur de la programmation de l’International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui négocie généralement neuf mois d’avance la venue de stars locales et internationales à son happening familial, ne s’en cache pas: il a été extrêmement découragé quand les salles ont refermé leurs portes en début d’année, occasionnant un énième brasse-camarade dans les calendriers de ses invité.e.s.
«On ne voyait pas le bout, avoue-t-il. Jusqu’à avril, les artistes internationaux annulaient des shows qui devaient être relocalisés, partout dans le monde. Il ne s’est pas passé beaucoup de temps depuis que la situation pandémique s’est stabilisée. On en subit encore les contrecoups.»
Heureusement, le chanteur américain Jason Derulo répondra bel et bien présent à Saint-Jean-sur-Richelieu le 20 août prochain pour entonner ses hits, avec Alicia Moffet en première partie. Mais, là encore, il a fallu déplacer son concert (qui devait initialement avoir lieu le 13) d’une semaine en raison d’un conflit d’horaire. Le groupe punk rock canadien Billy Talent et le rappeur Ludacris seront aussi de la partie.
Le vaccin, un enjeu
Bien sûr, les visiteur.euse.s étranger.ère.s qui entrent au Canada doivent souscrire aux règles sanitaires actuellement en vigueur chez nous, qu’iels soient adulé.e.s ou pas par des millions de fans.
Nick Farkas est vice-président à la programmation d’evenko (Osheaga, ÎleSoniq et Lasso, ainsi qu’Heavy Montréal qui fait relâche en 2022), dont les différents rendez-vous cette année seront notamment hôtes de Arcade Fire, Dua Lipa, Machine Gun Kelly, Dierks Bentley, Luke Bryan, Eric Prydz, Swedish House Mafia et Markus Schulz.
Selon lui, le principal «petit enjeu» quant au passage d’étoiles mondiales à Montréal concerne la vaccination (et on en déduit donc que les convives mentionné.e.s ci-dessus sont pleinement vacciné.e.s!).
«Dépendamment des styles de musique, il y a des styles où les vaccins sont moins populaires», ricane Nick Farkas, en se gardant bien de nommer lesdits styles réfractaires.
«Ce n’est pas une énorme quantité de cas, ce n’est pas énormément problématique. 98, 99% du monde sont vaccinés et il n’y a pas de problème», ajoute Nick Farkas, qui estime que les gouvernements ont donné «juste à temps» le feu vert à la tenue d’événements d’envergure cet été (au Québec, les rassemblements de 5000 personnes pour les spectacles extérieurs ont été autorisés le 14 février, et le remplissage des salles à pleine capacité, le 28 février).
«J’ai eu beaucoup de discussions avec des artistes qui commençaient à dire que le Canada, c’était trop d’imprévus…» – Nick Farkas, d’evenko
Artistes plus gourmands
Le «go» tardif des autorités a également causé quelques maux de tête à Louis Bellavance, directeur de la programmation du Festival d’été de Québec (FEQ), qui accueille cette saison, parmi ses pointures, Rage Against the Machine, Jack Johnson, Maroon 5, Luke Combs, Halsey et Alanis Morissette.
«Un événement comme le nôtre se booke un an d’avance. De n’avoir rien de coulé dans le béton à l’automne a créé un certain retard dans le processus, qu’on essaie encore de rattraper. Mais la réponse est venue, alors ça ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé…»
«Sinon, les négociations sont différentes, continue Louis Bellavance. Les cachets pour les artistes de haut niveau ont beaucoup augmenté. Il a fallu faire des choix en fonction de ça. Il y a eu des négociations difficiles, qui se poursuivent encore, sur tout ce qui est COVID…»
Autant au Festival d’été de Québec qu’à l’International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu, il a fallu faire avorter certaines ententes – parfois à la dernière seconde – parce que des personnalités ou des membres de leur équipe n’étaient pas vacciné.e.s.
«C’est arrivé plus qu’une fois, précise Junior Bombardier. Les artistes non vaccinés doivent se soumettre à une quarantaine de 10 jours à leur arrivée au pays, et ils ne veulent pas, parce qu’ils devraient ainsi annuler plein d’autres shows dans les jours précédents. Et pour nous, c’est beaucoup de coûts, de loger un artiste international à l’hôtel pendant 10 jours, avec dépenses payées. Ça fait exploser notre budget. Soyons honnêtes, les festivals n’ont pas les reins solides après les deux années qu’on vient de passer…»
Au Beachclub d’Olivier Primeau, en revanche, tout va apparemment pour le mieux dans le meilleur des mondes. Fier de son menu estival (Tiësto, The Chainsmokers, Martin Garrix, Alesso) qu’il juge «à la hauteur de Las Vegas», le jeune homme d’affaires soutient n’avoir eu aucun problème – ni de dates, ni de conditions de sécurité – à le construire.
«Avec les DJs, c’est beaucoup moins compliqué, relève Olivier Primeau. Ils n’ont pas une grosse production avec eux, et ils sont habitués à venir au Beachclub. Eux-mêmes avaient mis des retenues sur des dates particulières, ce n’est même pas nous qui le demandions.»
«Et les artistes qui viennent au Beachclub sont vaccinés de A à Z. Ils nous envoient leur preuve sans qu’on la leur demande», ajoute celui qui orchestre aussi Metro Metro, dont la deuxième édition, avec notamment Drake et 50 Cent, a attiré 70 000 personnes à l’esplanade du Parc olympique du 20 au 22 mai, mais s’est aussi attiré beaucoup de critiques à propos de sa sécurité.
Manque de bras
Et comme si la pandémie n’avait pas apporté suffisamment de complications, voilà que le milieu de l’événementiel doit composer avec une autre tuile, celle de la pénurie, de bras comme de matériaux.
«Comme dans toutes les industries, côté matériel et main-d’œuvre, c’est compliqué cette année, déplore Nick Farkas. Les coûts ont augmenté, les choses ne sont pas livrées aussi rapidement qu’avant la COVID, il y a de l’équipement qu’on ne peut pas louer. C’est difficile pour nos équipes, mais celles-ci sont incroyablement créatives. Ça ouvre la porte à penser différemment.»
Louis Bellavance, lui, fait état d’une «équipe très transformée par la pandémie».
«Au-dessus de la moitié de notre staff régulier n’a jamais fait un Festival d’été, ce qui est hautement inhabituel, indique-t-il. Normalement, ça serait 10 ou 15%. Les conditions ont changé, les fournisseurs aussi. C’est beaucoup de nouveauté. Et on n’a pas roulé d’événement de cette envergure depuis 2019…»
Chose certaine, et ça contrebalance les plus sombres aspects, le public a faim de musique et de rassemblements, témoigne Louis Bellavance du FEQ.
«On a vendu tous nos billets, on a eu une vente record, notre meilleure performance à vie. Et ce n’est pas normal, ça ne s’explique pas juste par la qualité de notre line-up. C’est une réaction sociale, chimique à ce qu’on a vécu», expose-t-il.