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Karlovy Vary salue Willem Dafoe

KARLOVY VARY, CZECH REPUBLIC - JULY 01: Actor Willem Dafoe (L) receives the Crystal Globe Award for Outstanding Artistic Contribution to World Cinema from President of Karlovy Vary International Film Festival Jiri Bartoska during the opening ceremony of the 51st Karlovy Vary International Film Festival (KVIFF) on July 1, 2016 in Karlovy Vary, Czech Republic. (Photo by Matej Divizna/Getty Images) Photo: Matej Divizna/Getty Images

Capture d’écran 2016-07-03 à 9.11.08 PMIl a fait partie d’un Platoon pour Oliver Stone. A incarné le Christ pour Martin Scorsese. A joué L’Antichrist pour Lars von Trier. Récipiendaire du Globe de cristal remis dans le cadre de la 51e édition du Festival international du film de Karlovy Vary, Willem Dafoe était partout, partout, partout dans la bucolique et magnifique ville tchèque ce week-end. Et il avait l’air content.

En levant les yeux, on pouvait voir son portrait en format géant se découper dans le ciel. Le hall de l’hôtel Thermal, quartier général du festival, était placardé des affiches de Pasolini, le biopic réalisé par son complice Abel Ferrara, dans lequel il incarne le mythique cinéaste italien. Arrivé vendredi à Karlovy Vary pour recevoir son trophée, Willem Dafoe n’a pas arrêté de la fin de semaine. Il a participé à un talk-show tchèque, répondu avec générosité aux questions des journalistes (même aux plus, disons, étranges), présenté une projection extérieure de The Last Temptation of Christ

Le controversé long métrage de Martin Scorsese, relatant la vie de Jésus et daté de 1988, semble d’ailleurs encore coller à la peau de l’inclassable acteur de 60 ans. La question qui lui a été le plus souvent posée au cours de ce marathon était justement celle-là : jouer le fils de Dieu. Quand même… C’est brave, non? Une grosse décision, n’est-ce pas? Un honneur, oui? «Je mettrais n’importe qui d’entre vous sur une croix, et je peux vous garantir que vous vous sentiriez un peu comme le Christ», a lancé Dafoe au public venu l’écouter avant la présentation de Pasolini avec un sourire entendu.

«Honnêtement, je ne pensais pas que le résultat soulèverait autant les passions, a-t-il précisé. Scorsese m’a demandé de jouer le rôle principal dans un film qui lui tenait à cœur, réalisé avec un budget très modeste, tourné au Maroc, qu’il essayait de faire depuis plusieurs années. Ça sonnait génial! Et quand j’ai lu le scénario, j’ai vraiment compris ce qu’il voulait faire : présenter un genre de working class Jesus. Un Jésus humain.»

À un reporter qui souhaitait savoir si ce rôle l’avait «privé de certains autres», Willem Dafoe a d’emblée évoqué deux incidents. Le premier projet à lui avoir glissé entre les doigts, «très récemment», était «financé, en gros, par l’argent de groupes religieux», qui ne digéraient toujours pas, une trentaine d’années après les faits, qu’il ait un jour joué J.-C. Le second, c’était un western qu’il n’a pas voulu nommer. «J’ai rencontré le réal, je lui ai dit oui et on était prêt à démarrer la machine. Puis, j’ai eu un appel d’un bonze du studio, me disant que sous AUCUN PRÉTEXTE je ne pourrais participer à ce tournage, car j’étais trop associé à The Last Temptation of Christ. “Donc, tu ne le feras pas, a-t-il tranché. Et je me fous de ce que le réalisateur en pense.”»

«J’étais très triste quand j’ai appris la nouvelle. Nous n’étions pas proches. Mais j’ai travaillé sur Heaven’s Gate. En fait, c’est lui qui m’a renvoyé de ce film! Je ne lui en ai pas voulu, puisque je sais à quel point il travaillait sous pression. C’était un réalisateur exigeant. Et c’est ce qui le rendait grand.» –Willem Dafoe, au sujet de Michael Cimino, décédé samedi, qui lui a donné son premier rôle (coupé au montage) dans Heaven’s Gate.

Il était d’ailleurs fascinant d’entendre Dafoe, interprète originaire du Wisconsin à la gueule, ben, d’acteur, s’exprimer sur les dessous d’une industrie qu’il connaît sous tous ses angles. Que ce soit le gros blockbuster pétaradant (voir Spiderman) ou, surtout, le film d’auteur (voir pas mal l’ensemble de sa filmographie). «Je n’aime pas généraliser. Mais clairement, la façon dont un film est fait et son esthétique dépendent beaucoup du budget. Tout le monde sait ça. Je ne vous apprends rien de nouveau. Plus grand est l’engagement financier, plus grand est le contrôle. Oui, vous pouvez faire un film personnel quand il y a des montagnes de fric en jeu. Reste qu’il faut rendre des comptes et, du coup, plaire au plus grand nombre de gens possible.»

Enchaînant sur le mode «honnêteté et bonne humeur», l’artiste a répondu (en souriant) à une dame lui posant une question sur… «son sourire ne correspondant pas aux standards de beauté de Hollywood» (pardon, mais tentative de subtilité lamentablement ratée, madame). «J’ai commencé au théâtre. J’y joue encore. Ce sont mes premières amours. Mon identité. Et sur les planches, on ne songe pas à vendre ses attributs physiques. Ce sont les dents avec lesquelles je suis né et elles me semblent tout à fait convenables!»

À une autre qui soulignait sa propension à jouer des «personnages déprimants», Will D. a rétorqué, toujours avec légèreté, qu’il les considérait plutôt comme des «anti-conformistes». «De toute façon, j’ai toujours été attiré par les marginaux, puisqu’ils nous permettent de voir le monde d’une autre façon.»

Parlant de marginaux, Dafoe est revenu sur sa collaboration avec le grand cinéaste danois Lars von Trier, qui l’a dirigé dans Manderlay et le marquant Antichrist (dans lequel il a partagé l’écran avec Charlotte Gainsbourg). «C’était un tournage difficile, car Lars était dans un moment difficile de sa vie aussi, a-t-il noté. Il était très fragile. En proie à ses phobies. Mais je retravaillerais avec lui n’importe quand et sur pas mal n’importe quoi. J’adore bosser avec lui.»

Notons que (grand classique), la conférence de presse  d’hier a donné lieu à ces petits moments où on rit tout en ayant, en même temps, un peu mal au ventre à cause du malaise. Ainsi, pendant la période de questions (toujours un risque de dérapage), une pimpante journaliste s’est levée et a joyeusement lancé : «M. Dafoe, que pensez-vous du festival à date? Et que pensez-vous du peuple tchèque, des fans et, surtout (air coquin, hihihi), des femmes?»

«Ow! Vous voulez me mettre dans le trouble? Je ne peux pas me permettre d’être dans le trouble! Pas maintenant! s’est exclamé l’acteur en triturant le jonc à son annulaire gauche. Mais… oui… c’est vrai… il y a de jolies filles ici…»

«J’entends parler de ce festival depuis très longtemps, a-t-il ajouté, reprenant son sérieux. C’est un endroit magnifique, l’énergie est géniale, c’est vraiment une place pour les cinéphiles. Je suis content d’être invité. De recevoir ce prix. Cette reconnaissance. C’est un honneur.»

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