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Pourquoi la science-fiction d’ici peine-t-elle à trouver son public?  

Ce n'est pas parce qu'un récit se passe sur une autre planète que les enjeux ne peuvent pas être réalistes, selon les intervenants consultés par Métro. Photo: janiecbros, iStock

La science-fiction et la fantasy québécoises peinent à se faire une place au soleil, surtout quand on les compare à d’autres genres, comme l’horreur et le fantastique. Autopsie des laissés-pour-compte. 

La science-fiction et la fantasy sont des genres qui cartonnent au cinéma ou à la télé. Que ce soient Star Wars, Stranger Things, Lord of the Rings, Game of Thrones ou les nombreux films de superhéros qui pullulent sur les grands écrans depuis deux décennies, le public est généralement au rendez-vous. Malheureusement, les créateurs d’ici ne semblent pas profiter de ce succès populaire.  

Le Festival SPASM présente des courts métrages de genre depuis 20 ans et est surtout connu pour sa Grande soirée horreur ainsi que son Cabaret Trash. Année après année, tout un bloc est réservé à la science-fiction, mais le festival attire plus difficilement le public pour ce volet. 

«C’est dommage, parce que plusieurs de mes coups de cœur du festival se retrouvent dans ce programme, soutient le PDG de SPASM, Jarrett Mann. C’est toujours un challenge, mais une fois que les gens viennent, habituellement, ils sont contents.» 

Autre déception concernant le bloc de science-fiction de cette année, sur les cinq courts métrages présentés, aucun n’était du Québec. 

«Je ne sais pas pourquoi on en fait moins, mais on a malheureusement très peu de science-fiction québécoise au festival», déplore Jarrett Mann.  

La fantasy est un genre littéraire dans lequel l’action se déroule dans un monde imaginaire peuplé d’êtres surnaturels, mythiques ou légendaires, tandis que le fantastique se caractérise par l’intrusion du surnaturel dans le cadre réaliste d’un récit. 

Plus cher que l’horreur 

Selon Jarrett Mann, il est possible de faire des films de science-fiction qui ne nécessitent pas un gros budget et qui ne mettent pas en scène des voitures volantes. 

Le cinéaste Carnior – qui a entre autres coréalisé le long métrage postapocalyptique Feuilles mortes – croit de son côté que le coût explique pourquoi il y a davantage de films horrifiques qui sont réalisés au Québec comparativement à la science-fiction. 

«Contrairement à l’horreur, la science-fiction coûte techniquement un peu plus cher à faire, parce qu’elle demande un gros travail de recherche et de direction artistique», explique le cinéaste.

Je compare souvent les films de science-fiction aux films historiques où tu es obligé d’avoir des vêtements et des voitures d’époque. 

Carnior, cinéaste

À l’instar de la science-fiction, très peu de films historiques sont produits au Québec, ajoute-t-il. D’ailleurs, Carnior recevait lui aussi très peu de courts métrages de science-fiction québécoise à l’époque où il était programmateur du festival Vitesse Lumière à Québec. 

«La première année de Vitesse Lumière, l’idée était de présenter que des films de science-fiction. Mais dès la deuxième édition, j’ai ouvert à l’horreur, parce que je n’en recevais pas assez.» 

Toutes les projections du Festival SPASM ont lieu au Théâtre Plaza cette année. Photo: Julie Hey Lee

Les littératures de l’imaginaire 

Il semble que cette invisibilisation de la science-fiction et de la fantasy québécoises touche également le milieu littéraire, mentionne Mathieu Lauzon-Dicso, qui est libraire-propriétaire de la Librairie Saga et coresponsable de la collection VLB imaginaire. 

Située dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, la Librairie Saga se consacre aux littératures de l’imaginaire autant en français qu’en anglais. Mathieu Lauzon-Dicso constate une différence entre les préférences de lecture de sa clientèle francophone et anglophone. 

Chez les francophones, «les titres en horreur et en fantastique se trouvent dans les premières positions des palmarès de vente en imaginaire, versus la science-fiction, puis la fantasy». 

Un particularisme qui diffère également du marché en France, puisque selon lui, ce serait la science-fiction et la fantasy qui y trônent dans les palmarès des meilleures ventes de livres de l’imaginaire. 

«Généralement, là-bas, à l’inverse du Québec, l’horreur et le fantastique arrivent en troisième», soutient le libraire, précisant que les habitudes éditoriales sont différentes en France. 

Pas réaliste 

L’un des préjugés qu’on entend au sujet de la science-fiction et la fantasy, c’est qu’il s’agirait de genres ni réalistes ni sérieux. 

«Au contraire, les littératures de l’imaginaire ne font que parler de la réalité», rétorque Mathieu Lauzon-Dicso.

Ça parle d’aujourd’hui, ça parle de nous, ça ne parle pas juste de petits extraterrestres dans le futur sans lien avec nous. 

Mathieu Lauzon-Dicso, libraire et coresponsable de la collection VLB imaginaire

Carnior abonde dans le même sens. «Ce n’est pas parce que ça se passe dans le futur ou une autre planète que les enjeux ne sont pas importants ou dramatiques.»  

Pour ce qui est spécifiquement du cinéma, Carnior rappelle l’importance que le documentaire a eue au Québec avec ce qu’on appelait dans les années 1960 le cinéma direct. Il croit que cette identité artistique influence la réticence de certains cinéastes québécois à faire de la science-fiction.  

Dans la comédie dramatique à saveur de science-fiction Viking de Stéphane Llafeur, cinq personnes ordinaires sont recrutées pour collaborer à la première mission habitée sur Mars. Photo: Gracieuseté, Les Films Opale

Une habitude à créer 

Lorsque Mathieu Lauzon-Dicso et sa collègue Geneviève Blouin ont créé la collection imaginaire chez VLB, ils ont poussé pour qu’elle soit spécifiquement orientée vers une fantasy et une science-fiction lumineuses. L’objectif : développer davantage ce créneau au Québec. 

«C’est une habitude à créer, parce que c’est un cercle vicieux, croit-il. On se dit que c’est l’horreur qui se vend en imaginaire, donc on ne publie pas autre chose parce que ce n’est pas ce que les lecteurs veulent lire. Mais, si on ne leur propose pas [de science-fiction et de fantasy], ils ne vont jamais en lire et en redemander par la suite.» 

Si Carnior croit également que c’est une habitude à développer, ce dernier demeure inquiet que la science-fiction ne parvienne pas à se faire une place dans l’industrie du cinéma québécois. 

«Malheureusement, on dirait que je n’y crois pas trop, mais je le souhaite vraiment de tout mon cœur!» précise-t-il, évoquant qu’il travaille actuellement sur un projet de long métrage de science-fiction.

Je regarde ce qui se fait, je regarde ce qui sort et je ne vois pas ma place là-dedans.

Carnior, cinéaste

Carnior se réjouit en revanche de la sortie d’un film comme Viking de Stéphane Lafleur qui flirte avec la science-fiction

«C’est sûr que la seule façon de m’en sortir avec mon film de science-fiction, c’est qu’il y ait de l’humour, parce que j’ai l’impression que si c’est trop cérébral, ça ne marchera pas.» 

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