Culture

Rouge avril: un polar sur fond de grève étudiante

Une bande dessinée avec la grève étudiante de 2012 comme toile de fond.

La grève étudiante de 2012 a eu des échos un peu partout au Québec, dont dans la région de Gatineau. Les auteurs Sylvain Lemay et André St-Georges ont choisi cette toile de fond pour leur nouvelle bande dessinée, Rouge avril, publiée aux éditions Mécanique générale.

Ce n’est pas la première fois que Sylvain Lemay utilise un événement historique comme décor pour le scénario d’une bande dessinée. Déjà, en 2010, il abordait la crise d’Octobre dans la bande dessinée Pour en finir avec novembre, également illustré par André St-Georges.

Rouge avril n’est pas pour autant une bande dessinée historique, l’ouvrage flirtant davantage avec le polar.

«C’est la petite histoire dans la grande histoire», explique Sylvain Lemay, précisant que Rouge avril se concentre avant tout sur un personnage ayant de la difficulté à comprendre ce qui se passe autour de lui.

Ce personnage est un professeur de cégep essayant d’écrire une bande dessinée en collaboration avec un étudiant de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) – où enseigne Sylvain Lemay –, mais qui est tourmenté par une série de lettres anonymes l’accusant de coucher avec ses étudiantes, ainsi que de plagiat.

Gracieuseté, Mécanique général

André St-Georges affirme que ce n’était pas leur volonté au départ de sortir Rouge avril pour le 10e anniversaire des manifestations étudiantes de 2012, mais «ça l’est devenu», dit-il, lorsque les auteurs et l’éditeur ont réalisé que si les illustrations étaient achevées à l’automne 2021, il serait possible de sortir la BD début de 2022.

«À ce moment-là, il y a eu un peu de pression, mais je m’en suis moi-même mis beaucoup pour rattraper le temps perdu et finir tout ça», raconte André St-Georges.

Impact politique

Même s’il n’était plus étudiant à l’époque de la grève de 2012, André St-Georges explique que c’est le genre de cause qui lui tient à cœur.

«Je me suis senti interpellé, soutient-il. Garder l’éducation accessible, c’est un choix de société qu’on se devait de faire.»

Sylvain Lemay retient de son côté l’arrogance et le mépris affichés envers les étudiants par les autorités et le gouvernement. Il leur reproche de ne pas avoir respecté les assemblées étudiantes et d’avoir tenté de discréditer ce mouvement et leur droit d’association.

Ce que [les autorités] n’ont pas vu, c’est que ç’a commencé comme une grève étudiante, mais c’est devenu un mouvement social. Les gens qui tapaient sur des casseroles pendant des semaines, ce n’était plus des étudiants.

Sylvain Lemay

Si le gouvernement de Jean Charest a été défait cette année-là, le Parti libéral du Québec (PLQ) n’a été en pénitence que pendant deux ans et a été réélu en 2014. Ainsi, même si le mouvement est important aux yeux de ceux qui l’ont vécu, est-ce que la grève étudiante de 2012 a eu un véritable impact politique au Québec?

«Il y a une prise de conscience qui a eu lieu. Il y a des gens qui se sont formés à l’éducation politique. C’est une bonne chose», soutient Sylvain Lemay, admettant du même souffle qu’il n’y a pas eu de grandes réformes politiques par la suite.

L’Histoire illustrée

Un élément intéressant dans la technique employée par André St-Georges pour les illustrations, c’est la volonté de conserver le crayonnage, même une fois l’encrage terminé.

«Honnêtement, l’encrage m’a toujours un peu fait suer, affirme-t-il. Je trouve que mon dessin au crayon est plus vivant et vibrant. Pendant un bout de temps, je pensais carrément ne pas faire d’encrage pour ce livre.»

Il a finalement décidé d’encrer ses dessins, pour ajouter du contraste, mais au lieu d’effacer son crayonnage, il a décidé de le conserver.

Je trouvais important qu’on sente mon coup de crayon. Je ne voulais pas perdre cette chaleur.

André St-Georges

Une autre caractéristique graphique de Rouge avril, c’est l’absence de phylactère (les bulles contenant le dialogue).

«C’est un élément graphique de plus qui peut nuire à la lecture, qui peut être perturbateur», explique Sylvain Lemay.

«Sur les premières planches, j’ai essayé d’y aller avec des phylactères», mentionne André St-Georges.

Finalement, l’illustrateur a préféré garder l’approche sans phylactères déjà présente dans Pour en finir avec novembre, afin de conserver une certaine continuité, de rester dans le même univers graphique et narratif que leur précédente collaboration.

La bande dessinée Rouge avril est en vente en librairie depuis le 22 février.

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