En attendant de pouvoir chanter à nouveau après une opération à la gorge, Cœur de Pirate a renoué avec le piano en composant 10 pièces instrumentales. Le résultat, Perséides, est un album surprise mélodieux, délicat et apaisant.
Ceux qui suivent Béatrice Martin sur Instagram voient passer depuis quelques jours de mystérieuses photos d’elle, enfant, en noir et blanc. C’est que chacune des compositions de Perséides porte le nom d’une ville du Québec qu’elle a visité lorsqu’elle était jeune avec sa famille.
Cet album est une belle surprise. En est-il une pour toi aussi, ou était-il prévu?
Ce n’était pas prévu pantoute! J’étais en train d’enregistrer mon prochain album de chansons, qui va sortir éventuellement, quand j’ai eu une opération aux cordes vocales [en mars]. Je n’ai pas le droit de chanter pour un petit bout encore. Je me suis alors demandé : comment je fais pour me faire du bien et pour faire du bien aux gens autour de moi? Je me suis mise à l’écart à mon studio et c’est sorti d’un coup, pour vrai. J’avais tellement de musique dans ma tête et en moi. J’ai pu renouer avec le piano, que j’avais délaissé pendant des années parce qu’il fallait que j’écrive des chansons pop qui fonctionnent à la radio. Ça m’a fait du bien!
C’est donc un album créé sans contrainte?
Oui. Déjà, j’ai fait ça toute seule. Mon guitariste, Renaud [Bastien], m’ai aidé à enregistrer. Sinon, je n’avais pas de compte à rendre à personne. Plus on évolue en tant qu’artiste, plus on a une pression de performance, qu’on le veuille ou non. Pendant longtemps, je me suis dit qu’il fallait que ça marche mes affaires. Là, je suis rendue à un point où je peux juste faire un peu ce que je veux.
En mars, tu as annoncé avoir été opérée à la gorge pour retirer un polype hémorragique. Comment as-tu vécu cette épreuve?
J’étais vraiment déprimée quand j’ai reçu mon diagnostic et quand je me suis fait opérer. Tout d’un coup, ce qui me permet de travailler était rendu en péril. Je me suis demandé : est-ce que je vais être encore capable d’être pertinente? Je suis qui, moi, si je ne peux pas chanter?
«Le piano m’a permis de me dire que je suis quand même capable de créer et de véhiculer quelque chose.» -Cœur de Pirate
En tant que chanteuse, il n’y a rien de plus triste que de perdre la voix; c’est ma façon de m’exprimer. Je me rappelle qu’une fois en voiture, en allant chercher ma fille, je voulais juste chanter, mais je ne pouvais pas. C’est nono, c’est rien quand on y pense, mais pour moi, c’était vraiment intense. Ça a remis en perspective pas mal de choses.
Chaque pièce de Perséides porte le nom d’une ville du Québec que tu as visité dans ton enfance. Qu’est-ce qui t’a donné envie de puiser dans ces souvenirs pour composer cet album?
Quand j’étais enfant, je n’avais pas le choix d’aller dans ces endroits. Ils sont super beaux, c’est malade, mais t’sais, quand tu as genre 15 ans et que tes parents t’amènent aux Éboulements… (Rires) Aujourd’hui, je vais dans Charlevoix et je braille tellement c’est magnifique, mais enfant, je me disais : «On peut même pas se baigner dans le fleuve!» (Rires) C’est donc une façon pour moi de revisiter ces moments de mon enfance sur lesquels j’ai peut-être un peu piétiné. Aujourd’hui, je suis tellement contente que mes parents m’y aient emmenée!
Vois-tu cet album comme une trame sonore de ces souvenirs?
Oui. D’ailleurs, je l’ai fait écouter à mes parents en premier. Ce sont des endroits qu’ils connaissaient aussi. Mes grands-parents avaient une maison à Frelighsburg et mon père était super ému, parce que ça lui rappelait sa propre enfance. Pour moi, c’est une sorte de cadeau pour eux.
La musique instrumentale au piano est très populaire depuis quelques années au Québec grâce à des musiciens comme Chilly Gonzales, Jean-Michel Blais et Alexandra Stréliski. Est-ce que ce phénomène t’a inspiré?
C’est sûr, J’ai beaucoup de respect pour Gonzales, qui a vraiment démocratisé ce genre de musique. Alexandra aussi, je l’aime d’amour. Je n’ai pas envie qu’ils voient ça d’un mauvais œil. Ils pourraient se dire : «Qu’est-ce qu’elle essaie de faire? Elle n’est même pas si bonne que ça au piano!» (Rires) Loin de moi de dire que je suis Chopin! À la base, je compose de la musique. À la base, je suis pianiste. C’était donc pour moi une façon de renouer avec cet instrument. J’ai haï le piano pendant longtemps, ma mère me forçait à pratiquer et je n’aimais pas ça. J’ai comme fait la paix avec ça!
Bonjour Bravo
Après trois mois en poste à titre de présidente et directrice artistique de l’étiquette Bravo Musique (anciennement Dare To Care), Béatrice Martin dit adorer ses nouvelles fonctions. L’annulation de tous ses concerts à cause de la pandémie lui permet de s’y impliquer pleinement. «Je suis vraiment très, très là. Je participe aux réunions, je réponds à mes courriels. Au début, les gens pensaient que je serais moins hands on. Ils doivent me tolérer un peu plus, malheureusement!» lance-t-elle en riant.
Elle apprécie particulièrement que son équipe soutienne ses «idées un peu folles». Comme celle d’organiser l’événement Bonjour Bravo, un «genre de festival virtuel de voyage onirique» mis en scène par Soleil Denault qui se tiendra le 26 mai. Huit artistes du label, dont Jérôme 50, Émile Bilodeau et deux nouvelles signatures joueront ensemble. «Ça va être vraiment fou!» promet-elle.
Perséides
En vente et sur les plateformes d’écoute dès ce vendredi.
Un lancement virtuel aura lieu sur l’espace Yoop le 13 mai