Lorsque Ridley Scott et Kevin Macdonald ont réalisé leur documentaire Life in a Day voici dix ans, leur idée était de brosser le portrait d’une journée comme les autres sur la Terre, grâce à des bouts de vidéo tournés par des dizaines de milliers d’anonymes à travers le monde.
Ils rééditent avec Life in a Day 2020, patchwork de scènes capturées un jour d’été l’an dernier, entre pandémie et manifestations anti-racistes géantes, avec un résultat inattendu.
«Evidemment, avec tout ce qui se passait à ce moment-là en juillet, George Floyd, Black Lives Matter, Trump, le Covid… c’est un film – et probablement une année – plus riche en sujets que nous n’en aurons avant un moment, espérons-le», déclare à l’AFP Kevin Macdonald.
Life in a Day 2020, présenté lundi au festival de Sundance avant d’être mis sur Youtube, a été assemblé par une énorme équipe de monteurs à partir de 324 000 clips envoyés par les contributeurs.
Un témoignage unique sur l’année écoulée et ses rues alternativement désertées à cause du confinement ou remplies de manifestants en colère faisant face à des policiers en tenue anti-émeute.
«Quand je regarde le premier film, je me dis que c’est une sorte de machine à remonter dans le temps… celui-ci est encore plus spécial», estime le réalisateur.
Les images sont souvent plus intimistes que politiques. La séquence préférée de Kevin Macdonald est une sorte de Robinson Crusoe des temps modernes qui s’enregistre en train de discuter avec ses araignées apprivoisées – Sammy, Jacob et Crystal – en plein confinement et qui a l’impression «d’être le dernier homme sur Terre».
On croise aussi un homme devenu SDF à cause de la pandémie, qui pilote des drones pour trouver un peu de réconfort, ainsi qu’une mère dont le fils apparaissait dans le premier film et qui garde désormais ses cendres dans une urne depuis qu’il est mort du Covid-19.
Kevin Macdonald, lauréat d’un Oscar pour son documentaire Un jour en septembre et réalisateur du Dernier Roi d’Ecosse, avait accepté de reprendre le concept de Life in a Day en mars dernier. À une époque où l’on pensait que «le machin Covid serait fini d’ici mai».
Du jamais vu?
Le premier film avait été submergé par les contributions de gens se filmant «en train de faire du skate ou du surf», cette fois-ci «c’est dix fois plus triste, ça parle beaucoup du deuil, de la mort et de la spiritualité».
Le réalisateur se dit surpris par la sincérité parfois brutale de certains contributeurs, parmi lesquels la demande en mariage d’un homme à sa fiancée qui se termine terriblement mal ou un couple qui se sépare devant la caméra.
«C’est étonnant, ce sont des choses qu’on n’a jamais vraiment vu pour de bon dans un film», dit-il.
Le processus de sélection des vidéos, reçues de 192 pays, a pris deux mois. Une quarantaine de cinéastes ont visionné les images dans leur langue d’origine puis les ont classées en leur donnant une note sur cinq, pour permettre à Kevin Macdonald et ses monteurs de faire leur choix.
Ils ont reçu quatre fois plus de propositions que pour la première édition du projet, de destinations parfois très isolées.
Une vidéo a été tournée en Sibérie par un homme qui fouille parmi des têtes de vaches surgelées dans son sous-sol avant de plonger dans un lac gelé, déclarant à la caméra: «Ce qui me fait le plus peur dans la vie, c’est de passer inaperçu».
«Et puis il y a les blogueurs, les youtubeurs, tout ceux qui cherchent désespérément à se faire remarquer, et je pense que c’est quelque chose de très humain», dit Kevin Macdonald.
Certaines séquences ont toutefois dû être expurgées, comme une tentative de suicide heureusement avortée, et la version finale sur YouTube offrira une option pour les enfants et une autre pour les plus de 18 ans.
M. Macdonald insiste auprès de YouTube pour qu’une nouvelle édition soit réalisée en 2030, pour lancer une «série de longue haleine qui montre comment la planète change».