L’expression «fashion victim» prend tout son sens dans Slaxx, film d’horreur comico-tragique qui met en scène une paire de jeans tueurs.
Oui, vous avez bien lu. Après la voiture meurtrière de Christine, le pneu homicidaire de Rubber et les gobelets assassins (?!) de Killer Cup 3D, la réalisatrice montréalaise Elza Kephart a choisi comme antagoniste de son troisième long métrage des pantalons griffés.
La prémisse est simple, mais terriblement efficace. Alors que les employés d’une boutique de la compagnie CCC, une grande chaîne de mode supposément (la nuance est importante) équitable et éco-responsable, travaillent au dévoilement d’une nouvelle collection, une paire de jeans diaboliques fait disparaître un à un les travailleurs.
Tout ça lors de la première journée de travail de Libby, une jeune femme un peu naïve interprétée par Romane Denis (Charlotte a du fun), qui tente de plaire à Craig (Brett Donahue), son nouveau patron psychorigide. Grosse journée au bureau!
«Quand j’ai lu le synopsis la première fois : j’ai réagi avec un : »WTF??? Quessé ça ce scénario pété-là? », raconte Romane Denis, qui jouait pour la première fois un premier rôle en anglais. Mais quand j’ai reçu le scénario au complet, je me suis dit : »Okkkkkk, c’est plus que ça. Il y a un message social derrière ça »».
Halte à la surconsommation
Effectivement, ce slasher movie qui ne se prend pas trop au sérieux est surtout l’occasion d’attaquer l’industrie de la mode jetable, dont les impacts environnementaux et humains sont bien souvent désastreux.
Ces jeans tueurs en viennent à symboliser notre besoin irrationnel de consommer toujours plus, mais aussi le sort peu enviable de ceux qui fabriquent nos vêtements au tiers monde.
«Quand j’ai compris la gravité de la crise climatique, jsute avant le tournage de Slaxx, je me suis vraiment remise en question. Quelle est ma place en tant que cinéaste? Est-ce que je peux vraiment continuer à faire des films lorsque le monde brûle?» – Elza Kephart, réalisatrice
«Pour moi, c’est vraiment clair que la dégradation environnementale est poussée par la société de consommation, explique la réalisatrice Elza Kephart, qui cite à la fois Jordan Peele (Get Out) et Noam Chomsky parmi ses influences. Ce n’est pas normal de consommer à outrance, d’acheter un vêtement et de le jeter l’année suivante.»
Celle qui est aussi militante pour le mouvement Extinction Rebellion a pris un malin plaisir à créer de toute pièce CCC, une compagnie fictive inspirée de l’imagerie de régimes totalitaires et de multinationales comme H&M ou Gap,
«Les corporations sont extrêmement préoccupantes et dangereuses, plaide-t-elle. Elles veulent seulement faire du profit. Elles se foutent de nous empoisonner ou de tuer des gens. Tout ce qu’elles veulent, c’est faire de l‘argent. Que le climat ou la biodiversité dégénèrent par leur faute, elles n’en ont rien à faire.»
Un bon véhicule
Présenté au dernier festival Fantasia, Slaxx a été bien reçu par les fanas de l’horreur. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le film de genre est un excellent moyen pour faire passer des messages sociaux selon ses artisans.
«Il y a plusieurs façons d’atteindre les gens, que ce soit par la comédie ou en leur présentant quelque chose d’inattendu, croit Brett Donahue. Ainsi, on les amène dans une zone inconnue et on les surprend avec notre message. Ça leur permet d’absorber l’information d’une façon différente.»
«L’horreur est un bon véhicule pour les commentaires sociaux, parce qu’on peut aborder des questions de biais, sans que le spectateur ait l’impression qu’on lui dicte un message, ajoute Elza Kephart, qui a co-scénarisé le film avec Patricia Gomez Zlatar. L’horreur, c’est très viscéral. On ressent des sensations, des émotions profondes. Le message passe mieux parce qu’on est plus ouvert à un discours auquel on ne s’attend pas. Ça dore la pilule et ça aide notre subconscient à être plus ouvert.»
Ajoutons aussi que Slaxx baigne dans un humour pince-sans-rire agrémenté par un univers visuel haut en couleur. Tous les ingrédients sont réunis pour un divertissement intelligent.
«C’est dans les extrêmes que résident le plaisir et le défi pour un acteur, croit Brett Donahue. Dans la plupart des films et des séries, on recherche le réalisme, la sincérité. Dans un film comme Slaxx, le réalisme s’envole, mais on retrouve encore un certain sens de la sincérité, mais dans un univers un peu décalé.»
Prise de conscience
Cet univers est tout de même très proche de celui dans lequel nous vivons. En plus de nous effrayer, les créateurs de Slaxx aimeraient bien que le film serve à ouvrir les consciences sur les abus de la société de consommation.
«2020 a été une grosse année à plusieurs niveaux. Mais ce qu’elle nous montre à une échelle plus large, c’est que les gens s’éveillent à des enjeux qu’ils ignoraient ou préféraient ignorer, explique Brett Donahue.
«Je crois que la première chose à faire en tant qu’humains et en tant que Nord-américains, c’est de prendre conscience de mode de vie. Nous sommes rendus à point où nous comprenons que seulement vivre notre vie comme nous le faisons maintenant est problématique et dommageable.»
Slaxx
À l’affiche le 11 septembre