Pour Kassovitz, «on est tous des enfants de “La Haine”», 25 ans après
«Jusqu’ici, tout va bien»: 25 ans après, La Haine «fait partie de la culture française», se réjouit son réalisateur Mathieu Kassovitz, qui ressort en salles ce film choc aux thèmes toujours brûlants: la banlieue et les bavures policières.
«On est tous des enfants de la Haine! Si tu aimes le cinéma français, et tout ça, tu as toujours une relation avec ce film, ça fait partie de la vie des gens», estime dans un entretien à l’AFP l’acteur et réalisateur, dont la carrière a explosé avec la sortie de ce film plein de rage, tourné en noir et blanc.
Mathieu Kassovitz, qui revendique «un réalisme pur et dur», y dirigeait le jeune Vincent Cassel et deux autres acteurs, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui, le temps d’une journée sur fond d’émeutes après une bavure policière.
«C’est extraordinaire d’avoir la chance de faire une oeuvre qui dure dans le temps, une oeuvre sociale dont le sujet, malheureusement, ne s’émousse pas», et dont «tout le monde se réclame un peu: les gens du cinéma comme les gens de la rue», explique-t-il aujourd’hui.
Pour autant, «ce ne sont pas les films qui vont changer le monde», ironise-t-il. Et, de fait, un quart de siècle après, les banlieues souffrent toujours de relégation et la question des violences policières reste brûlante.
Mais «tu vas apporter ta petite pièce qui va permettre que, de génération en génération, peut-être dans 100 ans, dans 200 ans, ou dans 100 000 ans, on va résoudre le problème», espère Mathieu Kassovitz, qui soutient notamment le combat pour la «vérité» d’Assa Traoré, la soeur d’Adama, un jeune homme mort après son interpellation par la gendarmerie en 2016 dans le Val-d’Oise.
«Il y aura toujours des brutalités policières. Le seul truc, c’est qu’il faut qu’on soit conscients, qu’on se rappelle, il faut qu’on apprenne de notre histoire et qu’à un moment on dise “ça suffit”. C’est ça l’atterrissage», ajoute-t-il.
Pop culture
La Haine a aussi fait son entrée dans la «pop culture», reconnaît celui qui prépare sa déclinaison en comédie musicale, pour l’an prochain. Au-delà de la question de la police, «il y a quelque chose, je ne sais pas pourquoi, d’universel», se réjouit le réalisateur.
En 1995, le film jette «un regard nouveau» sur les jeunes des quartiers: «on ne connaissait pas tout ça à l’époque, il y avait peu de médias, pas Internet. Si tu voulais connaître les banlieues, il fallait soit aller là-bas, soit écouter ce que te disait France 2 le soir. Donc le cinéma, c’était un média d’apprentissage et de reportage».
Succès public avec plus de deux millions d’entrées, La Haine ouvrira la voie à une foule de films sur les quartiers populaires et surtout à un cinéma «made in banlieue», dont la dernière réussite éclatante est Les Misérables, de Ladj Li, un proche de Mathieu Kassovitz.
Ce n’est pas prêt de s’arrêter: «Comme le sujet n’est pas fini et qu’on est toujours dans ces problèmes de merde, il est plus important malgré tout de raconter une histoire sociale plutôt qu’une histoire d’amour», tranche-t-il.
Mathieu Kassovitz a vu sa carrière exploser, devenant l’une des personnalités les plus en vue de la fiction française, depuis dix ans plutôt comme acteur. «Je suis aujourd’hui ce que je pensais que je serais quand j’avais 25 ans», se félicite-t-il, à 53 bougies. Il espère retrouver le Bureau des Légendes pour une nouvelle saison. «En 2022 ou 2021 si on n’est pas trop cons».
Repasser derrière la caméra? «On verra», évacue-t-il, mais «le cinéma a beaucoup changé, moi je suis un peu un dinosaure». «Le problème quand on fait un film qui reste, comme ça, c’est qu’on est bien content d’avoir fait un film qui reste (mais qu’)on sait qu’on ne va pas faire mieux».