Fin de la PCU: les travailleurs culturels inquiets de leur sort
Quelques centaines de «travailleurs de l’ombre» des arts vivants se sont rassemblés sur la place des Festivals sur le coup de midi pour réaffirmer leur «importance dans l’écosystème culturel» et demander une aide accrue des gouvernements, lundi.
Tenue à l’initiative de Martin Faucher, metteur en scène et directeur artistique du Festival TransAmériques (FTA), la rencontre visait à rassembler et mobiliser ces travailleurs qui se considèrent oubliés par les programmes d’aide.
«On est là pour rendre visible l’invisible, a expliqué à Métro Martin Faucher. On n’a pas idée combien de gens travaillent autour de la scène, dans les coulisses, dans les bureaux, dans les ateliers de costumes ou de décor.»
«Je tiens à ce qu’on se rende compte de l’ampleur du travail pour qu’une personne puisse monter sur scène. Si on ne prend soin pas de ça, dans un an, il va y avoir un gros problème [de main d’œuvre] au Québec.»
La fermeture des salles de spectacle le 12 mars dernier a placé au repos forcé l’écrasante majorité des techniciens, éclairagistes, maquilleurs, costumiers, accessoiristes, directeurs de tournée et autre metteurs en scène.
«Tant que les théâtres ne pourront pas recevoir de spectateurs, il n’y aura pas de job pour les gens qui travaillent sur la scène. C’est impératif que la PCU continue», Olivier Landreville, scénographe.
La PCU, seule source de revenus pour les travailleurs culturels
Pour plusieurs travailleurs culturels, la Prestation canadienne d’urgence (PCU) est la seule source de revenus disponible en ce moment. Or, cette aide temporaire prendra bientôt fin dans beaucoup de cas.
«Une fois la PCU terminée, je n’ai plus rien. Comme je suis propriétaire de mon entreprise, je n’ai pas le droit au chômage, a déploré Dominique Dubé, directrice de l’atelier de couture du même nom qui œuvre pour le cirque.
«J’ai un loyer de plusieurs milliers de dollars à payer. Je ne pense pas que ça va recommencer rapidement dans le milieu des arts. Les contractuels sont oubliés. Pour nous, c’est le vide total dans deux semaines.»
«Comme nous ne sommes pas des travailleurs à temps plein, beaucoup de nos employeurs ne peuvent pas demander la subvention salariale. On est vraiment tributaire de la PCU», a exposé Gabriel Duplain, technicien de son pour plusieurs grandes salles de spectacles montréalaises.
Mauvaise réponse
Pour plusieurs intervenants rencontrés, le plan d’aide en culture de 400 millions (dont 50,9 millions pour les arts de la scène) du gouvernement provincial ne répond pas aux besoins des artisans.
«Les 400 millions de dollars qui ont été débloqués pour des captations vidéo, ça ne touche pas le théâtre ou à peine. Il faut mettre de l’argent pour pouvoir recevoir les gens dans les salles de théâtre et que les spectacles recommencent», a fait valoir Olivier Landreville, scénographe.
«Ce n’est pas tout le monde qui a la fibre d’entrepreneur pour développer des projets et de les gérer, a ajouté Martin Faucher. On est en train de mettre l’esprit d’entrepreneuriat avant la responsabilité sociale. Tant mieux pour ceux pour qui ça fonctionne. Mais l’appel à projet du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) ne peut pas répondre aux besoins de tout le monde.»
La crise actuelle pourrait avoir des impacts à long terme sur l’écosystème culturel québécois, notamment dans le recrutement de personnes, croit le directeur du FTA.
Impact à long terme
Les conséquences pourraient également se faire sentir sur les productions futures, affirme Isabelle-Eugénie Lafortune, présidente de Télé Ciné Montréal, une entreprise de location d’accessoires et de costumes à l’arrêt complet depuis mars.
«Si mon entreprise ferme, c’est tout le travail de ce monde-là qui va souffrir, a-t-elle affirmé en pointant les autres manifestants. C’est d’une tristesse. On ne le réalise pas, mais c’est tout une infrastructure qui va s’effondrer si on ne fait rien.»
«Je ne sais pas comment les gens vont pouvoir s’apprivoiser. On peut aller chercher des costumes à Toronto, mais ce n’est pas ce qu’on veut. Nous, on fait tourner l’économie ici, à Montréal.»