«Adults in the Room»: une tragédie grecque signée Costa-Gavras
Après une longue odyssée, le cinéaste Costa-Gavras fait comme Ulysse et revient à la maison. Avec Adults in the Room, il a réalisé un de ces films d’indignation dont il a le secret.
Cela faisait un demi-siècle que Costa-Gavras ne s’était pas immergé dans sa Grèce natale. La dernière fois, c’était en 1969 avec son chef-d’œuvre oscarisé Z.
Le voici de retour au bercail, portant à l’écran un scénario tiré d’un livre qu’a publié Yanis Varoufakis, alors ministre des Finances d’un pays au bord du gouffre financier et qui doit négocier sa dette avec ses créanciers. C’est David contre Goliath.
«L’Europe s’est préoccupée uniquement de sauver l’euro, clame l’illustre réalisateur, rencontré l’automne dernier lors de son passage à Montréal dans le cadre du Festival du nouveau cinéma (FNC). Le peuple, elle s’en fichait royalement. Je trouve cette attitude insupportable. L’Europe, on ne l’avait pas rêvée comme ça, on ne voulait pas qu’elle soit comme ça.»
Un sujet important pour une crise qui l’est tout autant, même si elle ne fait plus les manchettes. «Ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas que ça va bien, rappelle le metteur en scène de 87 ans. Bien au contraire. Le chômage en Grèce est à 18 %, les 500 000 diplômés qui sont partis ne vont pas revenir du jour au lendemain, les salaires sont toujours très bas et il y a la dette, qui prendra 10 ou 20 ans à payer.»
Spécialiste du thriller politique, social et maintenant économique, le père de Music Box et Amen agit comme un véritable hiérophante, rendant limpide les arcanes d’un milieu complexe tout en demeurant profondément cinématographique. Dans ces dédales de mots apparaissent des séquences plus oniriques et métaphoriques, alors que le ton sérieux ne manque pas d’ironie absurde.
«Le but essentiel du cinéma est de soulever et de poser des questions. Si le spectateur a envie de répondre à ces questions, d’en savoir plus, alors il le fait.» Costa-Gavras, cinéaste
«C’est une tragédie à la manière du théâtre ancien, révèle celui qui en est à son 19e long métrage. Quand on voit Iphigénie par exemple, ça nous permet de raconter les hommes, les femmes, notre société. Je me sers du cinéma afin de mieux saisir ce qui se passe et j’y incorpore ma sensibilité, ma vision, ma façon de voir et de faire les choses.»
En plus de 60 ans de carrière, l’engagement demeure entier chez Costa-Gavras. Celui de montrer et de dénoncer ce qui ne va pas.
«Soit on accepte le système comme il est – qu’on se dit qu’il est impossible de le changer et qu’on continue à y vivre –, soit on résiste, tranche le récipiendaire de la Palme d’Or pour Missing. Si le cinéma arrive à toucher un tout petit peu à cet espèce de colosse qui est la façon dont nous vivons, la société d’aujourd’hui et les catastrophes qui vont avec, ça serait déjà pas mal.»
Adults in the Room, dès le 22 mai sur le site web du Cinéma du Parc et à partir du 2 juin sur les plateformes numériques