Marie-Gold: garder un esprit critique en situation critique
La rappeuse Marie-Gold se décrit comme une artiste «décomplexée, un peu baveuse, mais avec de l’intelligence dans les propos». Et ce n’est pas le coronarivus qui va la changer.
À défaut de vivre un lancement normal pour son premier album Règle d’or, sortie fin mars, la vingtenaire a tout de même eu l’honneur de lancer ce qui est, selon nos recherches non exhaustives, la première track québécoise sur la pandémie: L’amour au temps du corona.
Dans cette chanson composée dans l’urgence, quelques jours après le déclenchement du confinement, elle rappe sur un dilemme qui frappe bien des cœurs tendres ces jours-ci: voir ou ne pas voir l’être aimé malgré les règles de distanciation sociale?
«J’ai hésité, car je ne voulais vraiment pas capitaliser ou banaliser un phénomène si dévastateur en faisant une chanson sur ma réalité, qui est tellement mieux que celle de beaucoup de gens», explique-t-elle.
«Mais je me suis dit: ’’tant pis!’’. J’avais besoin de sortir de ce blocage mental. Je crois que ça peut apporter un vent de fraîcheur. La chanson peut paraître légère, mais le sujet est très sérieux en même temps. C’est notre réalité en ce moment. L’isolement social et affectif est souvent le plus gros enjeu de la pandémie dans nos sociétés.»
«En ce moment, c’est la COVID-19 qui passe à l’histoire, pas la musique.» Marie-Gold, rappeuse, à propos de la difficulté de sortir en album en contexte de pandémie
Celle qui dans la vie de tous les jours répond au nom de Chloé Pilon-Vaillancourt croit d’ailleurs que l’art a une fonction importante à jouer pour aider les gens à passer à travers la crise.
«Le rôle des artistes est d’amener à la réflexion, estime la jeune femme. Ça peut se faire en proposant quelque chose de léger qui, en apaisant l’esprit et en diminuant le stress, permet d’avoir une meilleure capacité d’analyse.»
«L’art permet aussi une meilleure connexion avec ses sentiments, ce qui permet de voir plus clair et d’être le maître de ses actes et de ses réflexions, poursuit-elle. C’est une occasion de penser à ce qu’on vit, aux gestes qu’on peut poser et à la façon dont on peut prendre soin de nous, sans rester chez soi aveuglément.»
Remise en question
Ce discours fait écho au principe sous-jacent de l’album: «La seule règle d’or, c’est qu’il n’y a pas de règle d’or», maxime du philosophe britannique Georges Bernard Shaw qu’elle répète comme un mantra en ouverture du long jeu.
«Il faut toujours garder un esprit critique par rapport à ce qui est établi, résume celle qui est aussi productrice. C’est ça aussi, être un bon citoyen. Ce n’est pas que suivre des directives et un parcours traditionnel. C’est comprendre ce qui se passe et être capable d’avoir ses propres réflexions.»
Un esprit critique qu’elle applique également à son parcours musical. Fondatrice du collectif féminin Bad Nylon, elle a aussi fait ses armes au sein des soirées Word Up! Battles avant de lancer un premier EP solo (Goal: Une mélodie) autoproduit en 2018.
Pour Règle d’or, elle a cette fois décidé de s’entourer de beatmakers québécois, belges et français.
«Dans le milieu de la musique, il y a beaucoup de chemins déjà tracés qui s’offrent à un artiste. C’est important de les remettre en question et d’être ouvert aux nouvelles avenues offertes. Ce milieu évolue grâce à des gens qui se questionnent. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a rien de permanent et d’ancré dans le sol à tout jamais.»
La double vie de Marie-Gold
Marie-Gold peut en témoigner, elle qui a un cheminement pour le moins unique: étudiante en génie physique le jour et rappeuse le soir.
Deux carrières opposées qu’elle entend mener de front malgré les difficultés.
«L’école à distance est venue régler tous mes problèmes, souligne-t-elle en riant. Mais en temps normal, c’est beaucoup de stress, même si j’ai toujours foi que les deux vont réussir à bien s’équilibrer. Quand je ne fais pas de maths ou de sciences, je fais moins de musique. Je vais moins de l’avant dans mes projets. L’un nourrit l’autre énormément. Mais l’art reste une priorité, parce qu’à la fin de la journée, quand j’ai fini mes devoirs et que je vais en studio faire des chansons, c’est là que je tire un des plus grands sentiments d’accomplissement.»