Fwonte: danser malgré tout
En cette période où assister à un concert et danser avec des amis ne sont plus que de lointains souvenirs, l’artiste montréalais d’origine haïtienne Fwonte a peut-être une solution pour continuer à bouger au son de la musique: danser avec ses démons.
Danse avec mes démons, le quatrième album de Fwonte, sort à «un drôle de moment», c’est le cas de le dire.
Comme le Québec en entier, «tout est sur pause» pour l’artiste. Pas de concert, ni de tournée médiatique. Et comme tout rassemblement est interdit, c’est sur Facebook et Instagram qu’aura lieu son lancement, ce soir à 21 h, au cours d’une session live.
Le musicien devait également se rendre à Paris et à Londres, mais ses projets sont tombés à l’eau.
«Quand on est en quarantaine, c’est le moment d’avoir de la bonne musique et de se changer les idées», relativise au bout du fil Fwonte, de son vrai nom Kerns Olibrice.
Et avec des morceaux comme Problèm Pap Fini et Memn Kombat, Danse avec mes démons ne manque pas de thèmes collectifs qui font encore plus écho en cette époque de crise.
Qu’on parle créole ou non, il est facile de comprendre le message: c’est ensemble qu’on va s’en sortir (en sortant le moins possible, svp).
«Quand je grandissais en Haïti, les gens chantaient pour protester, faisaient de la musique avec tout ce qui leur tombait entre les mains et dansaient leur mécontentement, évoque Fwonte, qui est arrivé à Montréal peu avant le terrible séisme de 2010. J’espère que l’album fera danser et réfléchir en même temps. Je veux transmettre un message positif, tout en donnant du plaisir à ceux qui l’écoutent.»
Danse avec mes démons: un son métissé
Pour faire danser, Fwonte s’est adjoint la collaboration de producteurs reconnus: les Londoniens Kensaye et Murder He Wrotes, ainsi que le Québécois DJ Champion.
Des créateurs talentueux et qui n’avaient pas travaillé sur ses trois disques précédents, la trilogie No Wanga. Cet afflux de sang neuf était nécessaire, selon l’artiste, question d’intégrer d’autres couleurs et d’autres sonorités à son œuvre.
«La fondation de Fwonte reste toujours la même: la musique vibrante, la musique dansante, la musique joyeuse. Ça fait partie de mon ADN. Mais avec de nouveaux arrangements», explique celui dont le vrai nom signifie «avoir du front» en créole.
Enregistré entre Londres et Montréal, Danse avec mes démons déborde de sonorités afro-caribéennes, trempées dans des habillages électroniques ultra-contemporains.
«Je veux créer une musique haïtienne, mais avec une sonorité internationale, précise Kerns, qui a d’abord fait carrière sous le nom de Mr. Ok. C’est pour ça que je vais chercher des producers qui ne sont pas Haïtiens, mais qui aiment la musique qui vient d’ailleurs.»
«Ça donne le métissage que je recherche dans ma musique. Un Haïtien va l’écouter et y reconnaitre les rythmes traditionnels, mais un étranger aussi y trouvera un son électro, house qui lui est familier. Tout le monde se retrouve dans un même produit. Parce que l’avenir du monde, c’est le métissage.»
«Mes démons sont nombreux. Ce sont des choses qu’on vit tous: le rejet, la solitude. Bell cause pour la cause; moi je danse avec mes démons!» -Fwonte, artiste musical, à propos de la genèse de son quatrième album
Au bon endroit, au bon moment
Hésitant entre Montréal et la Floride pour poursuivre sa carrière musicale, Kerns Olibrice a finalement fait le bon choix en optant pour la métropole québécoise.
Après son arrivée en 2010, il a travaillé rapidement avec des noms connus comme Boogat et Ghislain Poirier. Une question de travail et d’occasions, selon lui.
«J’ai eu la chance de tomber dans un réseau de bonnes personnes, de personnes talentueuses, qui ne sont pas égoïstes et qui aiment ce que je fais. Je n’ai pas beaucoup de moyens, mais ils sont intéressés et donnent de leur temps – c’est formidable!»