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La désagréable fascination de Netflix pour Ted Bundy

Fugueuse

Il y a, depuis quelques années, un engouement certain pour les séries criminelles qu’elles soient documentaires ou fictives. Making a Murderer, notamment, a pavé le chemin a des dizaines de productions où le crime et les criminels sont au cœur du récit et de l’investissement du téléspectateur.

Netflix profite énormément de cette vague, mais il y a des lignes à ne pas franchir et là ça commence à devenir un brin dangereux.

Zac Efron dans le rôle de Ted Bundy
Zac Efron dans le rôle de Ted Bundy

Il y a quelques mois, une série documentaire sur les crimes du tristement célèbre Ted Bundy était dévoilée sur la plateforme. Conversations with a Killer: The Ted Bundy Tapes se décline en quatre épisodes et nous montre Bundy lors de son incarcération ainsi que pendant son procès très médiatisé durant les années 80 pour le meurtre et l’enlèvement de plusieurs dizaines femmes.

Le documentaire, bien que droit au but sur la cruauté de ses crimes, a aussi fait revivre l’espèce de frénésie qu’il y avait autour du tueur en séries en raison de son charisme et de son charme. Sans parler d’une Bundymania, il y a certainement une partie de l’auditoire qui découvrait, pour la première fois, les aspects charmants d’un monstre duquel on ne cache pourtant pas la cruauté.

Jusqu’ici ça allait ceci dit. Un documentaire reste une approche intéressante dans un monde, aussi tordu peut-il être.

Mais là, Netflix a finalement dévoilé la fiction achetée à gros prix mettant en vedette Zac Efron dans le rôle de Bundy : Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile. Le film se place dans les souliers de la conjointe de Bundy avant sa première arrestation, Elizabeth Kendall, et reprend le récit tel que raconté par elle dans un livre autobiographique méconnu : The Phantom Prince, my life with Ted Bundy.

Et c’est là que ça dérape.

Le film, avec une performance quand même intéressante d’Efron, est presque monté comme une comédie romantique où Bundy, en plein procès pour meurtre, est le jeune premier d’un amour limite chevaleresque. Cette fiction n’apporte absolument rien de neuf au récit déjà connu de Bundy et j’irais même jusqu’à dire qu’on brouille volontairement la ligne entre l’homme et le monstre afin de rendre le personnage plus attrayant aux yeux des publicitaires.

D’une certaine façon, Netflix utilise Ted Bundy pour faire la promotion de son service et j’ai un malaise avec ça. J’ai un malaise avec le fait de placer le projecteur sur un tueur en séries mort depuis longtemps pour un projet cinématographique qui ne dénonce rien et qui, surtout, n’apporte rien de neuf dans la conversation. On mise beaucoup sur le charme d’un Bundy campé par Efron et l’anticasting devient une bonne blague pour les anecdotes conversationnelles. On cache même la plupart des crimes sauf à la toute fin, comme si on voulait absolument le rendre attachant au lieu d’offrir un spectre plus réaliste.

C’est un jeu dangereux.

Loin de moi l’idée de proposer qu’on ignore les histoires criminelles pour faire de la télévision ou du cinéma. Au contraire, il y a là un pan de l’humanité qu’il faut explorer, ne serait-ce que pour prévenir d’autres événements du genre. Mais glorifier un tueur sous prétexte qu’il avait un petit sourire taquin, c’est une ligne que je n’oserais pas franchir.

Et Netflix le fait, malheureusement, avec un gros matraquage publicitaire en plus.

Pas fort.

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