Fourchette : vivre l’amour, la vie et ce qui sépare les deux
Cette semaine sur la portion gratuite d’ICI Tou.tv, une nouvelle série devrait piquer votre curiosité si, comme pas mal tout le monde, vous avez déjà vécu une peine d’amour difficile. Ne laissez pas l’universalité du sujet vous induire en erreur ceci dit, il n’y a rien de banal dans cette nouveauté inspirée de l’univers de l’auteure à succès Sarah-Maude Beauchesne.
Fourchette, c’est l’alter ego de la romancière et scénariste. C’est aussi le nom de la série de dix épisodes d’une dizaine de minutes inspirée du blogue du même nom. Ça se trouve aussi à être le surnom offert par un amoureux qui n’en est plus un et qui sera, à sa manière, le fil conducteur de cette quête identitaire d’une jeune femme bien de son temps.
Contrairement à trop de nos séries sur le web, Fourchette n’essaie pas d’en faire trop pour compenser la durée plus courte des épisodes, au contraire. Les dialogues sont aérés, posés, et la narration de l’auteure, qui tient aussi le rôle-titre avec un panache surprenant, s’invite comme on tourne les pages d’un journal intime feuilleté furtivement sans avoir au préalablement reçu la permission. Dans une forme narrative classique, on revisite cette histoire d’amour toxique dans le désordre pour mieux la sentir s’infiltrer dans notre subconscient au fur et à mesure que les anecdotes s’accumulent.
Les moments tendres de la série, cette mise en scène d’une histoire d’amour banale même si elle prend toute la place de la vie de l’auteure, c’est toutes nos histoires d’amour. Nous sommes le centre de notre univers quand les murs d’une maison timidement bâtie à coup de baisers et de caresses s’écroulent autour de nous.
Beauchesne, en se plaçant dans le centre du cadre de presque toutes les scènes, annonce sans gêne qu’il s’agit ici de son projet, ses mots, son autofiction. C’est assumé en bombant le torse, même si elle aime pointer de ses doigts filiformes les défauts qu’elle perçoit sur sa silhouette. L’intérêt du projet réside dans cette expression assumée, une rareté en fiction dans ce format où trop souvent on se cache derrière des situations loufoques, des exercices de style trop lourd ou des dialogues hypernerveux, limite étourdissants. On se rapproche plus de la forme romanesque à la première personne qui se prête merveilleusement bien aux propos de Beauchesne.
Fourchette nous donne l’impression de regarder la vie de Sarah-Maude Beauchesne comme si on se perchait à sa fenêtre de chambre. C’est, pour la génération Instagram, l’ultime mise à nu. Imaginez un selfie pour récolter des likes, mais dans des circonstances inaccessibles à la moyenne des ours.
J’ai beaucoup aimé cette incursion dans les angoisses et les préoccupations d’une jeune femme aux ambitions aussi débordantes que ses sentiments. On peut, sans souligner avec de gros traits, parler de sexualité, d’amour, d’amitié et de carrière sans tomber dans la bête caricature. Ça fait du bien à l’âme, même si ça vient s’alimenter à même des angoisses relativement universelles – c’est-à-dire aimer et être aimé.