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La contre-culture, de Mainmise à Expozine

Photo: Collaboration spéciale

Dans les années 1970, la publication Mainmise a marqué la jeunesse québécoise. Quarante ans après son dernier numéro, la foire Expozine tient une table ronde sur cette revue emblématique de la contre-culture.

Pourquoi organiser cette discussion dans le cadre d’Expozine, un événement où éditeurs indépendants et bricoleurs de zines, de bandes dessinées et d’autres objets d’art imprimés se rassemblent chaque année?

«On voit les enfants de Mainmise partout à Expozine», répond l’animateur de cette table ronde, Louis Rastelli, qui dirige ARCMTL (Archive Montréal), un organisme qui se consacre à la préservation de la culture indépendante et underground québécoise.

Selon lui, les artisans qui prennent part à Expozine sont animés du même esprit DIY (do it yourself) que l’équipe de Mainmise à l’époque.

«C’est le genre de publication qu’on aurait retrouvée à Expozine si ça avait existé dans les années 1970», assure-t-il, précisant que bon nombre d’artisans de Mainmise sont des habitués de l’événement, qui en est à sa 17e édition.

D’anciens collaborateurs de la revue participeront d’ailleurs à la table ronde, qui permettra au public d’effectuer un retour dans le temps, à l’époque où Photoshop et InDesign n’existaient pas. «Ils vont nous raconter comment se faisaient la production, la typographie, la mise en page… Bref, on va retracer les origines de la presse indépendante», décrit Louis Rastelli.

«L’équipe de Mainmise aurait rêvé d’avoir des outils comme Photoshop.» –Louis Rastelli, directeur de ARCMTL, à propos des moyens de production de l’époque

Comptant 78 numéros parus de 1970 à 1978, Mainmise se distingue par sa longévité. «Aucune autre revue contre-culturelle ou radicale n’a duré aussi longtemps. Il fallait être discipliné pour sortir un numéro chaque mois, vu les contraintes financières.»

Elle s’est aussi démarquée en abordant les enjeux chers à la jeunesse de l’époque, dont plusieurs sont toujours criants d’actualité.

«Certains sujets présentent moins d’intérêt aujourd’hui, comme la vie en commune, qui était peut-être trop utopique», avance le directeur d’ARCMTL. En revanche, la popularité croissante, ces dernières années, de l’artisanat, du mouvement zéro déchet et de l’alimentation végane – des sujets abordés il y a plus de 40 ans dans Mainmise – confirme sa pertinence.

Selon Louis Rastelli, replonger dans les anciens numéros de cette publication permet également de comprendre la vie des jeunes Québécois des années 1970. «Ça a documenté l’époque», résume-t-il.

Fait rare et surprenant, aucun contenu de Mainmise n’a porté sur la politique, y compris sur le mouvement indépendantiste, pourtant inévitable à l’époque. La raison? «Ils étaient là pour célébrer leur culture, parler de musique et d’utopies», explique Louis Rastelli, précisant que la revue s’inspirait fortement de la contre-culture de la côte ouest américaine.

Existe-t-il une publication digne héritière de Mainmise au Québec aujourd’hui? «Malheureusement non», répond le spécialiste de la contre-culture. À l’époque, les contraintes techniques et financières obligeaient les artisans à se regrouper pour créer leur magazine, alors qu’aujourd’hui, avec les moyens disponibles, les projets se font davantage seul ou en petit groupe.

Mais encore, le ton revendicateur, provocateur et irrévérencieux de l’époque s’est quelque peu estompé, souligne-t-il. «Aujourd’hui, on est plus politiquement correct.»

D’hier à aujourd’hui

Pour (re)découvrir le Québec underground des années 1970, le livre Nos racines psychédéliques, paru cet automne, est incontournable.

Dans cet ouvrage conçu par Marc-André Brouillard et divisé en thématiques (comme «La dope», «Se nourrir», «Le rock» ou «La planète»), le passé et le présent se répondent, tandis que sa facture visuelle rend hommage aux éditions colorées et psyché-déliques de Mainmise.

En plus de publier des textes importants et des éléments graphiques tirés des archives de la revue, le livre comporte des témoignages contemporains qui jettent un nouveau regard sur cette époque. Par exemple, le bédéiste Jimmy Beaulieu  raconte en images un séjour à Paris du directeur adjoint de Mainmise. Ou encore, dans le chapitre sur l’alimentation, une carte répertorie les initiatives actuelles d’agriculture urbaine à Montréal. Aux éditions Guy Saint-Jean.

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