Culture

«Il y a 20 ans, on était carrément des ovnis»

C’est jour de fête aujourd’hui. Et ce sera la fête tout le week-end au Montréal Électronique Groove (MEG pour les intimes), premier festival de musique électronique à Montréal, qui célèbre sa 20e édition. En deux décennies, la scène électro a bien changé, mais l’événement conserve les mêmes valeurs qu’à ses débuts. Retour dans le passé et regard vers l’avenir avec son cofondateur et directeur général, Mustapha Terki.

Avant même qu’on lui ait posé une seule question, Mustapha Terki réfléchit à voix haute aux 20 dernières années. «C’est une belle aventure humaine, artistique et culturelle qu’on mène depuis 20 ans», avance-­
t-il, attablé devant un café.

Se remémorant divers souvenirs, il échappe : «En fait, je sais pas par où commencer…»

Commençons par le commencement. Plus précisément par 1999, année de la première édition du MEG.

«Déjà, on a créé l’événement avec mon ami Jacques Primeau», relate-t-il. Dans les années précédentes, Mustapha Terki avait travaillé pour le festival Printemps de Bourges, en France. À l’invitation de son comparse québécois, il y a organisé une soirée mettant en vedette des DJ montréalais à Paris. «Trois mois plus tard, on a fait le premier MEG à Montréal.»

«Pour beaucoup de gens, ç’a été une bouffée d’air frais», dit-il. L’idée de base derrière cette première édition est la même qui anime le festival aujourd’hui :
faire découvrir les nouveaux talents de la scène électronique.

«Je voulais présenter l’aspect live de l’électro, détaille-t-il. Je ne voulais pas voir juste des ordinateurs portables. J’avais programmé un groupe, Rinôçérôse, ils étaient 14 sur scène! Ils faisaient de la musique house, c’était malade!» se souvient-il avec un large sourire.

Présenter des compositions originales, voilà un des mandats du MEG. «J’adore les DJ set, mais les trois quarts des artistes qu’on signe ont des albums. C’est important pour nous qu’il y ait une démarche musicale. On programme des créateurs, on n’est pas un rave.»

À l’époque, la musique électronique était un genre niché. «Il y a 20 ans, on était carrément des ovnis. On nous regardait en disant : “C’est quoi, ça?”, rigole Mustapha Terki. On était vraiment d’avant-garde.»

Pour illustrer ce côté précurseur, le directeur relate une soirée tenue en 2005, dans une minuscule salle, avec le duo français Justice, un an à peine avant que le hit We Are Your Friends le propulse au sommet des palmarès. «On était seulement 40!» se souvient-il.

«Pour certains artistes, il y a le garage, ensuite le club, ensuite le MEG, résume son cofondateur. D’autres festivals attendent que ça bouge un peu avant de présenter des artistes, mais nous, c’est dans nos valeurs.»

«Cette musique a amené de nouveaux codes, de nouveaux formats, une liberté de création. Un DJ qui mixe pendant trois heures nous amène à plein d’endroits.» – Mustapha Terki, à propos de l’électro

Et parce qu’il faut bien être rentable, le MEG présente la relève aux côtés de quelques têtes d’affiche bien établies. Cette année, on retrouve donc les vétérans français Étienne de Crécy et The Avener ainsi qu’Arnaud Rebotini, qui a notamment composé la bande originale du film 120 battements par minute, qui sera projeté en plein air dans le cadre du festival.

Les femmes ne sont pas en reste. «On pousse pour qu’il y ait des filles dans la programmation, et on ne le fait pas parce qu’il faut le faire; on le fait parce qu’il y a du talent», insiste Mustapha Terki. Ainsi, on trouve entre autres au programme Kris Tin, Galcid, Marie-Gold, et Laura Scavo.

«Service après-vente»
Parmi les missions du MEG, il y a celle de faire rayonner les artistes montréalais à l’étranger. Dès sa deuxième édition, en 2000, le festival a organisé des soirées à Londres et à Barcelone.

Ces échanges culturels, que Mustapha Terki qualifie de «service après-vente» du MEG, portent des fruits. L’an dernier, une soirée a été organisée dans le vibrant quartier de Shibuya, à Tokyo. Et, ce vendredi, l’artiste japonaise Galcid se produira à la SAT. Un événement sera même organisé à Tokyo pour les 20 ans du MEG.

«Ces soirées visent à faire connaître le son et l’ambiance de la scène montréalaise», explique Musthapha Terki.

Et quels sont le son et l’ambiance de Montréal? «Ça dépend des artistes, mais il y a un côté chill, avance-t-il. On danse, c’est rythmé, mais c’est vraiment smooth

Depuis trois ans, le MEG offre aux enfants des ateliers d’initiation au mix lors du Piknic Électronik. «C’est incroyable comment les enfants sont à l’aise!» s’enthousiasme Mustapha Terki.

Le MEG compte aussi sur une soirée hip-hop, question d’élargir ses horizons. «J’aime bien me garder une fenêtre en musique urbaine, ajoute celui qui décide de l’essentiel de la programmation. Je n’aime pas m’enfermer, j’aime bien laisser des portes ouvertes.»

Jamais à court d’idées, le MEG a organisé l’an dernier la première électro-parade en Amérique du Nord, selon le directeur du festival, dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal. «C’était malade mental!» clame-t-il, émerveillé, en montrant des extraits vidéo de l’événement sur son téléphone.

Ces défilés dansants tenus dans la rue sont populaires dans les capitales européennes. Mustapha Terki aimerait en faire une tradition montréalaise, bien que l’électro-parade ne soit pas au programme cette année. «Si on me demande c’est quoi l’avenir du MEG, et bien voilà : il y a 20 ans, on a fait le premier festival de musique électro; près de 20 ans plus tard, on a fait la première parade. On est toujours dans ce mouvement d’avant-garde, on ne s’assoit pas sur nos lauriers.»

L’avenir du MEG passe aussi par l’échange d’idées et la réflexion, ajoute son cofondateur. C’est pourquoi une table ronde intitulée «20 ans de musique électronique, on fait le point» ainsi qu’une conférence du journaliste Alain Brunet sur la musique à l’ère du numérique font partie de la programmation.

Mégaoctet

La musique électronique a évolué au rythme des progrès informatiques. «C’est le même matériel, ce sont des ordinateurs», souligne Mustapha Terki. C’est pourquoi le nom du festival évoque l’unité de volume de données informatiques, le mégaoctet. «C’était le big deal à l’époque! On se trouvait branchés», lance-t-il en riant.

MEG
Dès aujourd’hui et jusqu’à lundi
Programmation complète 
à megmontreal.com

Articles récents du même sujet

Exit mobile version