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24 heures hautes en couleur

Photo: Collaboration spéciale

En l’espace d’à peine 24 heures, tout peut basculer. Parlez-en à Sasha qui, la veille d’une performance 
musicale décisive pour sa carrière, voit ressurgir dans sa vie sa mère, une femme «excentrique, colorée 
et imprévisible». Avec Sashinka, son premier long métrage, Kristina Wagenbauer aborde de plein front 
la complexité des relations mère-fille.

À l’âge de 23 ans, à peine arrivée à Montréal, Kristina Wagenbauer commence à se tailler une place dans le milieu du cinéma en présentant ses premiers courts métrages dans les festivals.

Pour l’encourager, sa mère lui rend visite de la Suisse, où elle vit. «Ça me mettait tellement mal à l’aise, parce qu’elle prend vraiment beaucoup de place», se souvient la cinéaste, désormais âgée de 32 ans.

Sa relation avec sa mère, qu’elle qualifie d’«un peu conflictuelle, mais avec beaucoup d’amour», lui a inspiré le scénario de son premier long métrage, Sashinka, qui prend l’affiche aujourd’hui.

Jeune musicienne montréalaise, Sasha se prépare pour un concert déterminant pour sa carrière. À 24 heures de sa performance, sa mère, Elena, une immigrante russe aux prises avec de nombreux problèmes (dont l’alcool et le jeu), débarque chez elle à l’improviste, faisant chanceler l’équilibre fragile de sa fille.

Si Kristina Wagenbauer s’est inspirée de sa mère pour créer le personnage d’Elena, Sashinka n’a rien d’un film autobiographique, précise-t-elle. «Ce ne sont pas ma mère et moi qu’on voit à l’écran.»

Sasha, elle, est tout le contraire de sa mère : elle est disciplinée, méticuleuse et réservée. Derrière son besoin maladif de tout contrôler – elle souffre notamment d’un trouble alimentaire –, elle camoufle beaucoup d’insécurité. «Sasha a ses cours de CrossFit, ses séances d’hypnose, elle est très perfectionniste, analyse Kristina Wagenbauer. Mais toutes ses bibittes ressortent dans ces 24 heures de confrontation avec sa mère.»

La relation mère-fille, «une thématique universelle» selon la cinéaste, est ici montrée avec sensibilité et une bonne dose d’humour. Ainsi, certaines répliques cinglantes de Sasha envoyées à sa mère font éclater de rire, alors qu’une tension dramatique d’une grande intensité est palpable dans d’autres scènes. Cet équilibre entre le drame et la comédie découle du souci d’authenticité de la cinéaste. «C’est méga important», assure-t-elle.

Le jeu des deux comédiennes y est pour beaucoup. Une complicité étonnante s’est établie entre Natalia Dontcheva et Carla Turcotte, pour qui Kristina Wagenbauer a eu un coup de cœur instantané. «Il y a eu une chimie immédiate entre les deux, la dynamique s’est rapidement installée. En plus, elles se ressemblent. Elles ont exactement le même nez, le même profil, c’était vraiment le jackpot

Pour l’interprète de Sasha, il était primordial de toujours rester crédible. «Notre principal objectif, à Natalia et moi, était de ne jamais tomber dans le caricatural», explique Carla Turcotte, rencontrée en compagnie de la réalisatrice.

Des séances d’improvisation en répétition ont permis aux deux femmes de trouver le ton juste de leurs personnages. «On pouvait jazzer, aller trop loin dans certaines situations, se ramener, tester les réactions des deux femmes… Kristina nous a laissé une grande liberté. Ça a permis de travailler les personnages plus en profondeur et de mieux construire leur relation», se réjouit la comédienne, qui a fait ses armes sur des plateaux de tournage indépendants comme celui de Sashinka.

Santé mentale et immigration
Par le biais de la relation mère-fille, Sashinka aborde des enjeux tabous, dont la santé mentale. En plus du trouble alimentaire de Sasha, on apprend au fil des scènes que sa mère souffre d’une maladie mentale, jamais nommée.

La réalisatrice aborde également la réalité de l’immigration, un thème qui lui est venu «tout naturellement» étant elle-même doublement immigrante. À l’âge de huit ans, sa famille s’est installée en Suisse italienne. Puis, en 2009, elle a déménagé ses pénates à Montréal, où elle a fondé une famille.

«Une des choses les plus importantes pour moi dans ce film était l’authenticité, Tant dans le jeu que dans les performances musicales et le feeling de la caméra. Je voulais qu’on se sente proche des personnages et qu’on vive cette histoire avec eux.»
 – Kristina Wagenbauer

Contrairement à la cinéaste, la jeune Sasha, ou «Cheburashka» comme la surnomme sa mère, cache ses racines russes à tout le monde, même à son amoureux, qui les découvre en rencontrant sa belle-mère.

«Je pense que Sasha associe le fait d’être russe au fait d’être comme sa mère, observe la réalisatrice. C’est pour ça qu’elle a un peu honte. Elle a peur que, si les gens savent qu’elle est d’origine russe, ils aillent tout d’un coup penser qu’elle n’est pas aussi parfaite qu’elle voudrait le paraître.»

Sans vouloir généraliser, la cinéaste ajoute que les jeunes immigrants ont parfois tendance à cacher leurs racines dans le but d’être comme tout le monde. «Personnellement, je l’ai vécu comme ça. Quand j’ai immigré, être différente n’était pas facile. Aujourd’hui, je suis très fière et très contente d’être doublement immigrante, mais avant, j’avais peur d’être jugée.»

Tout au long de Sashinka, la musique joue un rôle à part entière. Dès la première scène, on voit Sasha chez elle, au clavier, pratiquer en vue de son concert. Peu de temps après, ses amis réunis sur sa terrasse chantent ensemble. Même que la musique réussit à faire vivre un rare moment de bonheur à Elena et Sasha, qui mettent leurs différences de côté le temps d’une chanson russe.

«Quand j’étais plus jeune, je rêvais d’être musicienne. J’ai canalisé cette passion dans mes personnages, explique Kristina Wagenbauer. Aussi, la musique permet à Sasha d’exprimer ses émotions autrement. Ça donne une autre couleur au film, des petits moments de souffle.»

Toutes les scènes de performance ont été enregistrées pendant le tournage, sans ajout en post-production, toujours par souci d’authenticité. Ce qui a été un défi de taille pour Carla Turcotte. «Ça a été quatre mois de pratique, de cours de piano, de voix… J’ai aussi du pratiquer mon anglais – parce qu’elle chante en anglais – et apprendre des mots de russe, d’en comprendre l’accent… C’était de bons défis!» lance-t-elle.

Se mettre dans la peau d’une jeune à la santé précaire en a été un autre pour la comédienne, qui a trouvé l’expérience très enrichissante. «J’ai fait de la recherche sur tout ce qui concerne la santé, j’ai regardé beaucoup de vidéos sur les filles qui ont des troubles alimentaires, je me suis entraînée au CrossFit… C’est un peu dark, mais en même temps, c’est un personnage complexe et intéressant à jouer. C’est une fille fragile, mais aussi forte, déterminée, passionnée. Ça me parle beaucoup.»

Sashinka
En salle dès aujourd’hui

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