Grande soirée pour Jean-Marc Vallée
Big Little Lies, réalisée par Jean-Marc Vallée, a brillé de mille feux aux 75es Golden Globes hier soir, remportant quatre prix sur une possibilité de quatre. Score : 100 %.
C’était l’œuvre la plus nommée en vue des Golden Globes : six nominations réparties dans quatre catégories.
Car, oui, les actrices de Big Little Lies sont à ce point excellentes que deux d’entre elles se sont retrouvées côte à côte dans la catégorie «de soutien» (à savoir Shailene Woodley et Laura Dern) et deux dans celle de la meilleure actrice, soit Nicole Kidman et Reese Witherspoon, qui ont également coproduit le tout.
C’est le même phénomène qui s’était produit aux Emmy. Dans la première catégorie, c’était Laura Dern qui avait remporté le prix. Hier aussi. Et dans la seconde, c’était Nicole Kidman. Hier aussi.
Toujours dotée de cette incroyable élégance, Nicole Kidman est montée sur scène en début de soirée, dédiant son trophée à ses filles, Sunday et Faith. «Je ramène ça à la maison pour vous!»
L’actrice américo-australienne a également rendu hommage à l’amitié et à l’union créative qui la lie à sa collègue de jeu, Reese. «Wow! Le pouvoir des femmes!»
Sans oublier cette mention qui a fait rayonner le Québec. Parlant au «nom de toute l’équipe», Nicole K. a confié ceci: «Nous ne serions pas ici sans l’immense savoir-faire de Jean-Marc Vallée.»
«Merci Dan [Fogelman] d’avoir écrit un rôle pour un homme noir. Je suis enfin vu pour qui je suis.» Sterling K. Brown, gagnant du meilleur acteur dans une série dramatique pour This is Us
Le cinéaste montréalais, qui a connu une soirée (pardon) C.R.A.Z.Y. a également été qualifié de «guide sans peur» par Laura Dern. Et il a été présenté comme celui ayant réalisé chacun des sept épisodes en y mettant tout son cœur en fin de gala, lorsque Big Little Lies a été sacrée meilleure minisérie de l’année. Le seul qui ne l’ait pas mentionné, c’est l’au demeurant impeccable Alexander Skarsgård, qui a plutôt rendu hommage à son épouse à l’écran, Nicole Kidman : «I love you.»
C’est aux femmes en général que Seth Meyers, l’animateur de la soirée, a déclaré son amour lors de son discours d’ouverture, qui a commencé avec un bang.
«Bonsoir mesdames et messieurs – enfin, ceux qui restent», a-t-il lancé, accueillant les spectateurs en cette année où «la marijuana est légale et où le harcèlement sexuel ne l’est pas».
L’ancien de Saturday Night Live, qui a désormais son propre Late Night, a ensuite décoché les flèches. À l’endroit de Woody Allen, de Kevin Spacey. Et même de Kim Jong-un, faisant une allusion à la comédie The Interview, qui avait créé bien du remous en 2014 et dans laquelle deux journalistes avaient été mandatés par la CIA pour assassiner le leader nord-coréen. Une comédie coréalisée par Seth Rogen : «Vous vous souvenez quand c’était Seth, le type qui remuait la cage en Corée? Le bon vieux temps.»
À propos de pièce et de type dedans, Seth a mentionné l’éléphant qui n’était justement pas dans ladite pièce : Harvey Weinstein. «J’ai entendu des rumeurs comme quoi il est fou et que c’est l’enfer de travailler avec lui», a-t-il lancé, reprenant des accusations lancées contre les femmes qui ont dénoncé le magnat déchu de Hollywood.
«Mais ne vous en faites pas! a ajouté Meyers. Il sera de retour dans 20 ans, quand il deviendra la première personne jamais huée dans un in memorian.»
«Ouuuuuh!», a fait la salle. «Oui, ouh, exactement comme ça.»
Nous avons senti une légère déception, par contre, quand il a paresseusement – avancerions-nous – repris la blague de la Hollywood Foreign Press, prononcée par Meryl Streep l’an dernier, durant son fameux discours qui lui avait valu un vilain tweet de Donald Trump. Une blague qu’elle avait par ailleurs elle-même empruntée à Hugh Laurie, alias le docteur maison, Doctor House. «La Hollywood Foreign Press, c’est tout ce contre quoi le président américain s’élève : Hollywood, les étrangers, la presse.»
Mais si, en général, l’entrée en matière du gala a été solide, du côté des remerciements, ce fut principalement un peu convenu. Exemple : l’humoriste Aziz Ansari, récompensé pour sa série Master Of None, produite par Netflix, a remercié «l’Italie pour l’incroyable bouffe que nous y avons mangée pendant le tournage». On ne doute pas que les repas étaient exquis. Mais.
Pour sa part, Greta Gerwig, la lady derrière Lady Bird, couronnée meilleure comédie, a remercié ses parents, les gens de Sacramento, thank you thank you. Bien sûr, c’est bien. Mais.
Le vent a tourné lorsque Oprah Winfrey, saluée pour sa contribution au monde du divertissement avec un Globe honorifique Cecil B. DeMille («Un honneur pour Cecil DeMille», a blagué Seth Meyers), a pris le micro. Et quel discours elle a prononcé!
«En 1964, j’étais une petite fille assise sur le sol de linoléum dans la maison de ma mère à Milwaukee. Je regardais les Oscars et j’ai entendu ceci : «Et le gagnant est… Sidney Poitier.» M. Poitier est monté sur scène. Sa cravate était blanche. Et, bien sûr, sa peau était noire. Je n’avais jamais vu un homme noir célébré de cette façon.»
Elle a poursuivi : «Au cours de ma vie, j’ai souvent essayé d’expliquer ce qu’un tel moment voulait signifier pour une petite fille qui venait de voir sa mère rentrer à la maison, fatiguée de faire le ménage dans les maisons des autres. Aujourd’hui, je suis consciente qu’il y a d’autres petites filles qui regardent tandis que je suis la première femme noire à recevoir le même prix.»
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Comme l’a dit Seth Meyers, hier soir, c’était «la première fois depuis plusieurs mois que des hommes ne tremblaient pas de peur quand on lisait leur nom sur un morceau de carton.»
Un des premiers noms lus a été celui de Sam Rockwell, couronné pour sa performance dans Three Billboards Outside Ebbing, Missouri. Après avoir fait une blague d’imodium, l’acteur américain a remercié l’inimitable Frances McDormand. «Frances, tu es une badass, une force de la nature. Merci d’avoir fait de moi un meilleur acteur.»
Cette force de la nature a également remporté un Golden Globe pour son rôle dans le film réalisé et scénarisé par Martin McDonagh, qui a d’ailleurs remporté le prix du meilleur scénario (titre qu’il avait aussi remporté à la dernière Mostra de Venise). Après avoir offert de la tequila à toutes les actrices en nomination dans sa catégorie, Frances a noté : «Habituellement, je garde mes points de vue politiques pour moi. Mais c’était génial d’être dans cette pièce ce soir, de faire partie de ce changement tectonique dans notre industrie. Croyez-moi, les femmes dans cette pièce ne sont pas ici pour la nourriture! Elles le sont pour le boulot!»
Pour conclure, notons que Natalie Portman a présenté, avec une petite pique, les candidats dans la catégorie de la meilleure réalisation : «Et ils sont tous masculins…» a-t-elle laissé planer.
C’est le cinéaste mexicain Guillermo del Toro qui a récupéré le titre pour son Shape Of Water. Tout ému, il a sorti sa liste de remerciements, notant son étonnement. «Je pensais me moucher avec ça!»
Rapidement, il s’est fait interrompre dans son énumération de noms par la p’tite musique fatigante. «Baissez ça, les mecs! Ça m’a pris 25 ans avant d’arriver ici! Donnez-moi une minute!»
Puis, il a lancé : «Les monstres dans mes films vous disent merci.» Heureusement les siens, de monstres, sont gentils.