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Le monde de Martin Perizzolo

Photo: Steven Yates/Métro

Dans Sauver les apparences, création qu’il avait présentée au ZooFest en 2011, on entendait tout ce qui passait par la tête de Martin Perizzolo avant qu’il monte sur scène. De «Il faut que j’aille acheter du lait» à «J’aurais eu besoin de plus de rodage». Du rodage, il a eu la chance d’en avoir avant de présenter Nous, son premier one-man-show. Notamment à Natashquan, où «il a rejoint 90% des spectateurs de l’assemblée», et à Sainte-Marie de Beauce, où il concède que le chiffre a baissé «à 65%» (ce fan de hockey aime beaucoup les statistiques).

Martin Perizzolo aime les sujets du quotidien. Les chips. La salade. La technologie. Ses dérives. La mode. Les t-shirts de marin, et les différents cols. Lui-même entre dans la pièce avec un t-shirt, pas de marin, mais de David Bowie. T’es fan? «Moins qu’on pense! s’esclaffe-t-il. J’ai fréquenté une fille qui était fan de lui, et elle m’a amené voir l’expo à Toronto. C’est là que j’ai découvert tout son univers hallucinant. Sur le tard.»

Parlant de tard, il répétera qu’il est «lent». Que sa place en humour, depuis sa sortie de l’École il y a 20 ans, il a mis du temps à la trouver. Et que se retrouver devant une caméra, ce n’est pas son activité préférée. Même s’il est un peu, beaucoup, acteur. «J’aime le travail dans les coulisses. Ça me permet d’être un créateur et de faire mes affaires sans avoir à subir ma face.»

Vous dites que c’est d’ailleurs de votre face que les gens se souviennent, avant de se souvenir de votre nom. Une fois qu’ils le voient, votre visage, quelle est la première chose à laquelle ils pensent? À Benoit, votre personnage des pubs des Fromages d’ici? À Jean-François des Beaux malaises?
À Benoit ET à Jean-François. Ils ont fait partie de deux choses qui ont marqué la culture populaire. Les beaux malaises laissera une grosse marque dans l’histoire de la télé québécoise. Et la campagne des fromages a eu beaucoup d’impact. Ce sont deux projets qui font en sorte que je suis ici aujourd’hui.

Votre rôle dans Les beaux malaises, soit celui de JF, l’ami fidèle un peu rejet, un peu désespéré, a-t-il teinté la perception que les gens ont de vous?
Je ne sais pas quelle vision les gens ont de moi. Ça dépend des gens, je pense! Je dirais qu’avec les fromages, j’étais le personnage qui voguait au fil des pubs, mais c’est le produit qui était à l’avant. Les beaux malaises m’a donné des ailes. Les gens ont dit : «OK, le gars des fromages, c’est aussi l’ami rejet.» Soudain, il y avait deux dimensions. Et quand il y a deux dimensions, il peut y en avoir trois, il peut y en avoir quatre.

Vous avez longtemps dit avoir une haine des jeux de mots. Elle vous anime toujours?
Toujours. Quand j’en fais (rarement), c’est pour faire un clin d’œil à Benoit.

Et pour ce qui est des gags liés à l’actualité? Autrefois, vous disiez ne pas du tout vouloir en parler; maintenant, vous la mentionnez davantage…
Je n’ai jamais parlé d’actualité. Mais mon show est ancré dans la réalité des 10 dernières années. Il y a eu beaucoup de changements depuis que j’ai commencé à faire de l’humour – à la fois dans l’industrie et dans le monde. L’environnement, la situation politique, notre rapport aux autres, aux médias, à nous-mêmes, à notre image. Tout a changé.

Ce Nous qui titre votre spectacle, ce sont les gens qui ont embarqué dans l’entreprise avec vous?
Oui parce que ça ne se fait vraiment pas tout seul. Les techniciens, l’équipe de production, de communications. Mais c’est aussi parce que le collectif, je trouve qu’on le laisse tomber. Pourtant, on a besoin plus que jamais de se réunir, de penser ensemble. Sans planète, ça ne sert à rien de parler du reste. Je n’ai pas d’enfants – et peut-être que je n’en aurai jamais. Donc, je n’en parle pas parce que j’ai peur pour eux (qui n’existent pas). Je le fais parce que je nous aime. Quand on est cool.

Diriez-vous, à l’instar de Serge Denoncourt: «J’aime l’humain, mais pas le monde»?
Ça me fait rire. Mais j’aime le monde. Je suis très timide [sauf, comme il l’avoue sur scène, quand il «pète sa coche» à l’image de celle qu’il a pétée dans l’émission Expédition extrême]. J’aime le monde. Je l’aime au boutte. Bon, y en a toujours un ou deux que tu fais, arhhh, lui, il m’énarve. Mais ça fait partie de la vie.

Vous avez commencé par l’impro. Dès votre sixième année du primaire. Vous l’utilisez encore sur scène?
Sur scène, oui, mais l’impro en tant que sport, je ne suis juste plus capable. J’en ai fait pendant 15 ans. J’ai fait des choix de vie importants grâce à l’impro. Quand mes parents ont divorcé, je n’aimais pas plus ma mère que mon père, mais elle restait dans le même quartier. Mon père, lui, déménageait loin et je ne savais pas quel était l’état de l’impro là-bas. J’en ai tellement fait que maintenant, quand j’en entends, je dois sortir.

Ce sentiment, avez-vous peur de le ressentir par rapport au stand-up un jour?
Jamais. Parce que je ne connais pas mes formules. Et je ne veux jamais les apprendre. T’entends ça pour des bands de musique: «Oh! ils font comme U2!» Ou : «Ils font du U2!» Moi, je ne veux pas faire du Martin Perizzolo. Le stand-up, ça reste illimité, ça reste une discussion. C’est comme si tu me disais : est-ce que tu vas te tanner de parler? Je pense pas, non. Je vais peut-être être tanné de m’entendre parler. Mais juste parler, non.

«Je suis du genre à m’arranger toujours tout seul. Je manque de confiance, je suis gêné de demander de l’aide. J’aime faire un bout de chemin seul. Je ne pense pas que je vais changer. C’est le travail d’une vie.» – Martin Perizzolo

À la base, vous souhaitiez étudier en jeu, mais l’École de l’humour est arrivée, vous avez découvert l’écriture et…
… et j’ai fait oh my God la vie est bien faite. Le mauvais côté, c’est que, lorsque t’es scénariste et que t’arrives quelque part, on te demande : t’es qui toi? T’es important jusqu’à ce que tu remettes les textes. Une fois qu’ils sont remis, on s’en fout. Mais un jour, j’aimerais retravailler comme auteur. Je me sentirais bien. Jusqu’à ce que les gens m’oublient et que j’aie besoin d’attention. Tsé comment on est. Des drôles de bibittes.

À l’époque où vous travailliez aux textes d’Un gars, une fille, cette attention, elle vous manquait? Vous vous trouviez trop à l’arrière-plan?
Non, parce que Guy A Lepage nous donnait des rôles dans la série. Ç’a été une belle école. Après m’être vu à la télé – oh my God, j’suis pas bon! –, j’ai suivi des cours, des ateliers. Et puis, j’en avais, de l’attention. C’était une émission qui rayonnait tellement qu’avec JF Mercier (c’est lui qui m’a aidé à avoir le travail) on s’en servait pour rencontrer des filles. Pour avoir, socialement un peu de chance. C’était un peu pathétique. «Heille! Salut! J’écris sur Un gars, une fille…»

Et, hum, ça fonctionnait?
Quand même! Beaucoup avec les comédiennes qui voulaient aller en théâtre. Je ploguais Un gars, une fille et j’espérais pour le mieux.

Un des moments de gros fun dans votre carrière semble avoir été L’gros show. Une émission réalisée par Alain L. Lavoie à MusiquePlus dans laquelle vous jouiez avec Mike Ward. Vous en gardez toujours un bon souvenir?
Un super bon souvenir! Même si, à cause de ça, j’ai commencé à avoir des cheveux gris prématurément. On faisait TOUT. On écrivait deux épisodes en une semaine, on assemblait les costumes, on trouvait les lieux de tournages… Ça ne rapportait rien. Mais on le faisait parce qu’on en avait envie. Ma motivation, c’était soudain de trouver la chose la plus stupide que les personnages pouvaient faire. Alors que, sur scène, j’essayais toujours d’écrire des choses brillantes. Parce que j’avais secrètement envie qu’on me trouve intelligent. (Rires) J’ai beaucoup appris avec Mike. C’est un gars drôle, punché. Un des premiers qui a fait un stand-up à l’américaine qui se rapproche de ce que j’aime.

Vous avez d’ailleurs participé au script-édition de son premier one man show, Haïssable, non?
Oui, mais avec un gars comme Mike, tu ne vas pas «script-éditer» la force de ses gags! Mon travail c’était d’être un œil extérieur. Comme Simon Cohen l’est pour moi avec Nous. C’est un génie comique qui me rend encore plus comique. On a tous besoin d’aide, non? Enfin je l’ai compris. Et je suis tellement meilleur depuis.

 

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