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Philippe Falardeau: The Bleeder, au-delà du drame sportif

Canadian director Philippe Falardeau gestures during a photocall for the movie 'The Bleeder' at the Venice Film Festival in Venice, Italy, Friday, Sept. 2, 2016. (Claudio Onorati/ANSA via AP) Photo: Claudio Onorati/ANSA via The Associated Press

métro à veniseNotre journaliste Natalia Wysocka se trouve présentement à la Mostra de Venise, célèbre festival international de cinéma en Italie.

Philippe Falardeau l’a dit à quelques reprises: The Bleeder, ce n’est pas un film de boxe. Après sa projection en première mondiale à la Mostra, on peut confirmer que c’est totalement vrai. Ou du moins, que ce n’est pas QU’un film de boxe. Car, dans ce biopic enthousiasmant, les instants sur le ring côtoient à teneur égale les scènes familiales intimes, les séquences d’appart-solitude et les moments de disco-débauche.

The Bleeder commence en force. Une citation de Rocky Balboa apparaît à l’écran, You Sexy Thing (I Believe in Miracles) joue dans le tapis et les mots magiques, «Based on a true story», s’affichent en grand (et en lettrine jaune old school). C’est sur cette savoureuse intro que Liev Schreiber commence à raconter, en voix hors champ, la true story susmentionnée. Celle de Chuck Wepner, boxeur ayant connu une brève et limitée gloire dans les années 1970, après avoir résisté pendant 15 rounds à Mohamed Ali.

D’emblée, les mots que prononce l’étoile pâlie du ring se révèlent à la fois crève-cœur et marrants – contrastes entre lesquels navigue du reste habilement l’ensemble du film. Ainsi, cet homme plus showman que sportif mentionne sans aucun complexe s’être fait un nom en faisant, de son côté, tout plein de «crazy shit».

«Chaque fois que Chuck Wepner – le vrai – me voit, il me fait un bisou dans le cou. Puis, il me dit: « Ton film est mieux d’être bon, Philippe. Ton film est mieux d’être bon! »» – Philippe Falardeau, au sujet de l’homme qui a inspiré The Bleeder

Avec un aplomb doublé de vulnérabilité, Liev Schreiber donne corps à cet attachant personnage auquel on a tour à tour envie de donner une taloche et un colleux. «On t’aime, Chuck, t’es hot.» «Réveille, Chuck, t’es con.»

C’est d’ailleurs dans cette valse que sont pris les proches qui l’entourent. En commençant par sa première épouse, incarnée par Elisabeth Moss. Une femme patiente et aimante, qui commence à en avoir assez des mensonges de son charmeur, infidèle et incorrigible de mari.

Lors de la conférence de presse vénitienne, qui a débuté par des applaudissements nourris pour l’équipe, Philippe Falardeau a confié qu’à la lecture du scénario, lui aussi avait eu envie de prendre Chuck dans ses bras. Qu’il avait été ému par ce bonhomme un peu tout croche, boxeur plus téméraire que talentueux qui, sur le ring, encaissait les coups la tête haute et la face en sang. «Je voulais le rencontrer, je voulais le rassurer, s’est souvenu le cinéaste québécois. Il semblait porter une telle générosité en lui…! J’ai eu l’impression que c’était un gamin, coincé dans un corps d’homme.»

Fini vintage
C’est dans un New York camouflé en New Jersey que le réalisateur a tourné ce récit cadencé. Au cœur de cet univers où il se promène, fier comme un paon, Chuck a tout l’espace nécessaire pour faire ce qu’il aime: son show. La gueule en compote, parfois camouflée avec style par des Ray-Ban seventies, il passe du bar au diner au club au bar, en faisant, à contrecœur, un petit crochet par la maison, drapé de son long manteau couleur sable au chic col en fourrure. Le film regorge d’ailleurs d’accessoires d’époque, comme ces stylos que l’on tourne d’un bord, puis de l’autre, pour montrer une pin-up habillée-déshabillée-habillée-déshabillée (rires gras de taverne).

Pour saisir l’essence des années 1970, Philippe Falardeau a opté pour «cette caméra à l’épaule qu’il aime beaucoup», et qui lui permettait de faire quelque chose «de rythmé et de sexy». Saluant à ce sujet le travail de son directeur photo, Nicolas Bolduc, le réal a notamment dit son plaisir d’avoir recréé avec «autant de véracité le combat entre Ali et Wepner». Et ce, avec tout ce que cela suppose: la frénésie, les lumières, le sang et la sueur. Tout le sale du sport.

Reste que s’il n’est «pas un film sur la boxe», The Bleeder est un peu un film sur le cinéma. Dans plusieurs scènes, on voit le protagoniste qui regarde son œuvre fétiche, Requiem for a Heavyweight, avec Anthony Quinn. Il récite les répliques comme s’il s’agissait de sa propre vie, pendant que, dans Rocky, Sylvester «Sly» Stallone récite les répliques que la vie de Chuck lui a inspirées.

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Notons du reste que Liev Schreiber a tenu à saluer Stallone pour «toute l’aide» qu’il a apportée à l’équipe et pour «tous les souvenirs de sa relation avec Chuck » qu’il lui a racontés. Car, comme le montre The Bleeder, Stallone et Wepner (qui n’a jamais reçu un sou pour Rocky) ont «collaboré», si on peut ainsi dire, sur les suites du succès initial. Selon Schreiber: «Sly a été un vrai ami de notre film.»

Parlant d’amitié: le meilleur pote de Wepner, un sympathique perdant qui se nourrit des quelques rayons de célébrité qui brillent faiblement sur son copain boxeur, est incarné par l’humoriste Jim Gaffigan. Autre performance intéressante: celle de Naomi Watts, qui joue une barmaid «sûre d’elle-même, directe et culottée». Un rôle atypique pour l’actrice, qui a d’office été attirée par «le cran, le côté le fun et la force du personnage».

«Oui, mais pourquoi n’avez-vous pas plutôt joué la première épouse?» a voulu savoir une journaliste. «Mais simplement pour ne pas refaire le même rôle que je suis habituée à faire! Pour faire quelque chose de différent», a répondu Naomi Watts qui, pour la petite histoire, est l’amoureuse de Liev Schreiber depuis plus d’une décennie. Avec un sourire éclatant, ce dernier a du reste applaudi la décision de sa douce moitié d’endosser ce rôle plus extraverti: «Quand j’ai vu Naomi arriver sur le plateau avec sa perruque rouge, son justaucorps léopard et ses faux seins… Putain! J’ai su que ce serait merveilleux.»

«Oh! Euh! En passant, les faux seins, c’était l’idée de Naomi!» a précisé Philippe Falardeau. Rigolade dans la salle.

Et, puisqu’on est dans le thème du «faire quelque chose de différent»: le cinéaste québécois s’est dit conscient du fait que The Bleeder l’était aussi, différent. «Principalement parce qu’on y trouve un peu de sexe et de cocaïne», a-t-il blagué.

«Mais si vous regardez l’ensemble de ma filmographie, vous verrez que je tente toujours de trouver un angle intime aux personnages. Comme je l’ai fait ici. Capter quelque chose de vrai en étant généreux avec le public, tout en restant sincère, c’est une approche que j’ai eue pour tous mes films.» Et c’est réussi, une fois de plus.

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