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Philippe Falardeau: Ceci n’est pas un film de boxe

SS102715TB_0348.jpg Photo: Sarah Shatz/Collaboration spéciale

métro à veniseNotre journaliste Natalia Wysocka se trouve présentement à la Mostra de Venise, célèbre festival international de cinéma en Italie.

Présenté en sélection officielle (hors compétition) à la Mostra de Venise, The Bleeder de Philippe Falardeau relate l’histoire de Chuck Wepner, un boxeur du New Jersey dont l’exploit ultime fut d’avoir résisté à Mohamed Ali pendant 15 rounds. Homme habitué à encaisser les coups, Wepner a aussi inspiré le personnage de Sly Stallone dans Rocky. Puis, peu à peu, il s’est mis à se prendre pour ce dernier. «Comme dans tous les drames sportifs, ce n’est pas une histoire à propos du sport, remarque le cinéaste québécois. C’est plutôt à propos du personnage lui-même.»

Comment vous sentez-vous à l’approche de Venise? C’est pas mal le seul gros festival de cinéma auquel vous n’avez encore jamais participé…
Oui! Non seulement ça, mais je ne suis jamais allé en Italie. Je suis super excité. J’ai l’impression que je ne le réalise pas encore. Je viens juste, juste, juste de finir le film. J’étais tellement concentré sur les détails techniques que la présentation publique était encore une chose très abstraite. Là, je peux commencer à avoir hâte! (Rires)

Quelles sont vos premières impressions de ce que vous avez réalisé?
Ça faisait longtemps que je voulais faire un film autour du sport. Je suis un maniaque de hockey, de soccer, de football américain, tout ça. Quand je suis tombé sur ce scénario, ça m’a intrigué. Je trouvais le personnage de Chuck Wepner fascinant, complexe. En plus, c’est un projet qui était déjà enclenché avec un acteur que j’affectionne beaucoup, Liev Schreiber [qui tient, depuis 2013, le rôle titre de la série dramatique Ray Donovan, sur Showtime].

C’est Liev Schreiber qui vous a choisi?
Oui. En fait, il est producteur sur The Bleeder. Et comme c’est souvent le cas aux États-Unis, l’acteur principal a son mot à dire. Je me souviens qu’on a eu plusieurs conversations au téléphone, Liev et moi, où on était très en désaccord sur des trucs. Un jour, il m’a appelé pour me dire que c’est ce qu’il cherchait dans la création : quelqu’un pour amener une autre vision. Puis, il m’a offert de réaliser le film en précisant que c’était justement parce qu’on n’était pas d’accord qu’il me l’offrait! (Rires)

Preuve qu’il faut toujours tenir son bout dans la vie!
Oui! C’est ce qu’on doit faire, de toute façon, comme réalisateur: même si c’est un projet personnel, il faut toujours tenir son bout, défendre ses idées.

«C’est une soie à diriger! Liev, je connaissais son travail, Naomi Watts, aussi. Pour moi, c’était Elisabeth, la belle découverte.» – Philippe Falardeau au sujet de son travail avec Elisabeth Moss, actrice que l’on connaît principalement pour son rôle de Peggy, dans Mad Men, mais qu’on a aussi vue dans d’excellents films indépendants, dont Listen Up Philip d’Alex Ross Perry.

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Par rapport au reste de votre filmographie, comment situez-vous The Bleeder?
C’est un film très différent de tout ce que j’ai fait avant. En même temps, on va reconnaître certaines choses que j’apprécie faire. L’humour, l’ironie… Formellement, c’est aussi un retour à la caméra à l’épaule très subjective de Congorama. Sur le ton, je dirais que c’est un départ vers quelque chose de nouveau puisque, contrairement à la plupart de mes films, il n’y a pas vraiment de dimension sociale ou politique.

De la façon enthousiasmée dont vous en parlez, vous semblez avoir eu un grand plaisir à créer cette œuvre. C’est le cas?
En fait, c’est une histoire qui se passe dans les années 1970 et, malgré nos petits moyens, on s’est beaucoup amusés à recréer l’atmosphère disco, les costumes, les couleurs, la musique. J’ai déjà fait un film qui se passait à la fin des années 1960 [C’est pas moi, je le jure!], mais comme je suis né en 1968, ce n’est pas une époque que j’ai vraiment connue. Tandis que les années 1970, j’en avais, des souvenirs! Pour la musique, je suis allé puiser dans un répertoire que j’écoutais à la radio quand j’avais 8, 9, 10 ans. Les premières tounes sur lesquelles j’ai trippé.

On ne vous aurait pas imaginé fan de disco!
Ah non! (Rires) Mais avant le disco, il y a quand même eu le folk-rock des années 1970. Et le funk!

Il y a eu quelques films de boxe américains dans les dernières années : Fighter, Million Dollar Baby… Des inspirations? Ou pas du tout?
Non. Je n’ai sciemment regardé aucun film de boxe. Même les plus récents, comme Southpaw [avec Jake Gyllenhaal] ou Creed. Et Creed, j’aurais pu, parce qu’il y avait quand même un lien avec Sylvester Stallone, Rocky, tout ça. Mais je n’avais pas envie d’entrer dans ces références, de commencer à imiter leur façon de présenter la boxe. Le match entre Chuck Wepner et Mohamed Ali qu’on a mis en scène, nous, est très bien documenté par rapport à la réalité. Dans les déplacements, la manière maladroite de Chuck de se battre, tout ça.

Est-il vrai que, pour un réalisateur, diriger un match de boxe, c’est comme diriger des chorégraphies de danse?
C’est exactement ça. Liev Schrieber fait de la boxe dans la vie, comme loisir. L’autre acteur, Pooch Hall, c’est un ancien boxeur. Donc, j’avais deux gars qui savaient ce que c’était. En plus, au grand dam des producteurs (et des assurances!), Liev acceptait de réellement se battre. Ça fait toute la différence; je n’ai pas eu besoin de tricher sur le plan des caméras, du montage, tout ça. Les coups qu’il prend, ce sont des vrais!

Iiih, est-ce qu’il y a des acteurs qui vont vouloir travailler avec vous après avoir appris ça?
C’est ça : je n’avais même pas besoin de lui mettre de maquillage tellement son visage était enflé! (Rires) Mais non, sérieusement, quand je me suis assis avec lui, la première fois, je lui ai dit : «Tsé, Liev, même quand on regarde Rocky aujourd’hui (et on s’entend que Rocky, c’est un TRÈS bon film), les matchs de boxe, beeen, ça ne tient pas la route. Ce n’est pas du tout réaliste! Moi, la boxe au cinéma, je n’y crois pas.» Il a répondu : «Moi non plus! J’ai donc l’intention de prendre des vrais coups sur la gueule.» J’ai fait : «Aaaah! Très bien!»

Votre scénariste, Jeff Feuerzeig, a réalisé plusieurs documentaires par le passé, dont The Devil and Daniel Johnston. Est-ce que vous pensez que cette expérience a donné une teinte particulière à son écriture?
Définitivement! Il avait effectivement un style très documentaire. Et moi qui affectionne le documentaire, qui en ai fait (des vrais, comme un faux), j’ai continué dans cette approche. J’utilise beaucoup de vraies archives. Je mélange la réalité et la fiction. On va donc avoir le plaisir de reconnaître le vrai Chuck Wepner, dissimulé ça et là. Parfois montré à la télévision, parfois montré plein écran. Le vrai Mohamed Ali aussi.

Et après Venise, vous vous envolerez au Festival international du film de Toronto. Là, vous êtes plus habitué.
Oui! Là, j’ai presque un abonnement! (Rires) Mais c’est toujours le fun, y retourner. Je pense que je suis plus énervé à l’idée de présenter le film au Canada qu’en Italie, parce que c’est vraiment une histoire nord-américaine. Puis, il y a eu tellement de films de boxe, comme on disait, que c’est difficile de faire sa place dans ce marché avec un tel sujet. C’est pour ça que je dis tout le temps que ce n’est PAS un film sur la boxe. Not! A! Boxing! Film!

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