Le gouvernement Legault n’avait aucun plan sur la table pour remédier à l’hécatombe dans les CHSLD avant la mi-mars 2020. C’est ce que dévoile la protectrice du citoyen dans un rapport spécial sur la gestion de la pandémie dans les CHSLD, déposé à l’Assemblée nationale mardi.
Cette révélation va à l’encontre des propos tenus par l’ex-ministre de la Santé, Danielle McCann, devant la coroner Géhane Kamel. Jeudi, la caquiste soutenait avoir demandé aux PDG des CIUSSS de se préparer un plan contre la COVID-19, dans tous les établissements de santé incluant les CHSLD.
Avant la mi-mars, où sonnait le confinement général, les CHSLD étaient absents du plan du gouvernement. Et même à ce moment, «les résidents ont été mis de côté au moment de fortifier les remparts contre le virus», constate la protectrice du citoyen Marie Rinfret.
On reproche au ministère de la Santé d’avoir adopté une approche trop «hospitalocentriste». La planification de la crise a été basée sur l’Italie, où les hôpitaux débordaient. Or, dans cet optique, des patients ont été déplacés des hôpitaux vers les CHSLD, et aucun plan concret n’a été développé pour ces milieux de vie. Pourtant, les milieux de vie pour ainés ont été la scène d’éclosions à l’international, comme dans l’État de Washington aux États-Unis, ou en Colombie-Britannique au Canada.
Le résultat: 69% des décès lors des six premiers mois de la pandémie ont été constatés dans des CHSLD.
Les CHSLD dans l’angle mort
Pour la protectrice du citoyen, la nature des soins requis en CHSLD étaient perçus comme des activités de la vie quotidienne en CHSLD, plutôt que des soins hospitaliers.
«Durant les préparatifs à la pandémie, le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas évalué à sa juste gravité le fait que le personnel en CHSLD était peu familier avec les bonnes pratiques en matière de prévention et de contrôle des infections lors d’une éclosion majeure», écrit Mme Rinfret.
Le volet du ministère dédié à la gestion des CHSLD était absent de la cellule de crise du ministère de la Santé pour la pandémie, à la mi-mars. On estimait alors que «les milieux de vie étaient habitués à faire face à des éclosions de grippe et de gastroentérite» à ce moment.
À la deuxième semaine d’avril, le ministère présente des premières mesures de protection pour les CHSLD. Mais celles-ci s’avèrent «tardives et insuffisantes» pour plusieurs établissements.
D’autres aspects ont été sous-estimés, comme le manque d’inventaire de ressources de protection personnelles pour le personnel et l’absentéisme des employés reliée au virus. En effet, aucun scénario chiffré ne prévoyait l’impact de l’absentéisme potentiel du personnel de la santé touché par le virus.
La capacité de tests était limité, et leurs résultats pouvaient se faire attendre pendant des jours. Les employés revenaient de vacances, ou passaient d’un établissement à l’autre sans se faire tester.
La protectrice du citoyen appelle à regarder vers l’avenir
Pour la protectrice du citoyen, «le statut-quo n’est pas une option dans les CHSLD». Pour prévenir ce type de crise, 27 recommandations sont dressées. Elle propose notamment l’élaboration de diverses politiques et stratégies, pour évaluer les risques potentiels dans les CHSLD, y prévenir les infections et prévoir les potentiels pénuries d’équipements de protection personnels.
Un plan d’urgence pour la main-d’œuvre , misant partiellement sur des ressources privées, devrait être mis en place. Une place importante devrait être accordée aux proches aidants, car leur contribution est «sous-estimée». Leur accès aux CHSLD ne devrait jamais être interdit, mais plutôt encadré.
Finalement, la protectrice du citoyen suggère qu’un commémoration annuelle soit tenue en souvenir des victimes de la COVID-19 dans les CHSLD, et des personnes qui y ont travaillé.
Pour mener son enquête, la vérificatrice générale assure avoir eu accès à toutes les ressources documentaires et tous les intervenants désirés.