Un ombudsman indépendant pour protéger la liberté académique?
Dans un mémoire sélectionné par la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, des professeurs proposent la création d’un ombudsman indépendant chargé «de protéger» et «d’encourager» la liberté d’expression dans l’enseignement supérieur.
Au Québec, la liberté universitaire s’est récemment retrouvée au cœur de l’actualité, notamment concernant l’utilisation du «mot en N» en contexte académique.
Dans ce contexte, le gouvernement du Québec a mandaté un comité d’experts pour qu’il rédige une proposition d’orientations gouvernementales sur la liberté académique et détermine le meilleur véhicule pour la reconnaître.
Le rapport de la Commission devrait notamment réaffirmer les trois volets de la mission des universités, déterminer les principes de la liberté académique et faire des recommandations quant au rôle du gouvernement et du ministère de l’Enseignement supérieur (MES) en matière de liberté académique.
Les cinq commissaires ont débuté leurs consultations auprès d’acteurs en enseignement supérieur mardi matin.
Une première présentation de mémoire
Les professeurs Daniel Lemire, de l’Université TÉLUQ, et Raúl Ernesto Colón Rodríguez, de l’Université d’Ottawa, ont été les premiers à présenter leur mémoire.
Dans chaque université, un bureau d’ombudsman reçoit et traite déjà des demandes d’assistance, ainsi que des plaintes. Cependant, les professeurs pensent que le gouvernement du Québec devrait créer un ombudsman indépendant chargé de protéger la liberté universitaire.
Pour faire cette proposition, ils se basent sur le fait que les membres du corps professoral et les étudiants qui ont été punis ou censurés pour avoir exprimé leurs convictions politiques «n’ont nulle part où aller pour faire respecter leur droit et leur devoir de liberté universitaire».
Si presque toutes les universités d’Amérique du Nord ont des politiques qui viennent défendre la liberté académique, les professeurs estiment que les institutions internes échouent.
«Souvent, on place la liberté académique en opposition à autre chose. […] Une telle approche conditionnelle risque de réduire la liberté académique à quelque chose d’insignifiant», a souligné Daniel Lemire.
Une intervention externe nécessaire, selon ces professeurs
MM. Lemire et Colón Rodríguez jugent qu’une «intervention externe», comme un ombudsman indépendant, est nécessaire.
Ce modèle que proposent les professeurs est celui du Royaume-Uni, qui a récemment adopté une loi visant à protéger la liberté d’expression dans l’enseignement supérieur.
«La loi crée un directeur pour la liberté d’expression et la liberté académique. En tant qu’étudiant ou professeur, vous pouvez déposer une plainte auprès de ce directeur. S’il s’avère que votre établissement d’enseignement supérieur ne vous protège pas suffisamment, il peut être condamné à une amende et la personne concernée peut être indemnisée», peut-on lire dans le mémoire des professeurs.
Selon son analyse du rapport de l’Ombudsman de l’Université d’Ottawa publié en juin 2020, Raúl Ernesto Colón Rodríguez indique que le document reflète seulement les problématiques étudiantes. «L’Ombudsman de l’Université d’Ottawa ne travaille que pour les étudiants, pratiquement», déplore-t-il.
Encourager la liberté d’expression
Selon les auteurs du mémoire, la présence d’un bureau de plaintes indépendant encouragerait les étudiants et les universitaires à s’exprimer plus souvent lorsque la liberté d’expression est restreinte.
«Elle pourrait encourager les administrateurs universitaires à agir plus rapidement pour protéger la liberté d’expression. Nous pensons qu’elle pourrait réduire l’autocensure néfaste et envoyer le signal que nous sommes engagés dans des débats libres, rationnels et respectueux», ajoute-t-on.
Par ailleurs, les professeurs suggèrent que le bureau de l’Ombudsman soit composé de quelques personnes, dont un directeur. «Il faudrait que ce soit une petite équipe, sans doute, et que ces personnes-là travaillent avec les universités et les Ombudsmans», a précisé Daniel Lemire.
Les audiences publiques durant lesquelles 23 intervenants exposeront leurs opinions sur la liberté académique se poursuivront les 25 et 30 août, ainsi que le 1er septembre.