MONTRÉAL – Une chercheuse de l’hôpital Sainte-Justine a découvert qu’avec seulement deux sessions de 90 minutes de thérapie de groupe, il est possible de réduire de façon très importante le risque de développement d’un trouble de santé mentale chez les adolescents à risque, qu’il s’agisse de toxicomanie, de consommation d’alcool, de dépression ou d’anxiété.
Les résultats de la recherche sont à ce point prometteurs qu’un projet suivant les mêmes lignes directrices a été mis en oeuvre dans 32 écoles secondaires de la région de Montréal.
La docteure Patricia Conrod, chercheure agrégée à l’Université de Montréal, admet avait été «un peu surprise» par les résultats obtenus, mais estime que le fait d’avoir ciblé des jeunes d’âge secondaire a joué un rôle crucial.
«Ce sont des interventions qui surviennent au bon moment du développement, juste avant que les jeunes ne commencent à consommer, à développer une vie indépendante et tout», a-t-elle expliqué, soulignant que c’est aussi le moment où l’apparition de problèmes de santé mentale peut rapidement dégénérer.
«Si les problèmes commencent tôt, ça invite d’autres problèmes, particulièrement pour les jeunes dans les écoles. Ça affecte leur succès académique, comment ils gèrent les problèmes interpersonnels. Il y a toujours cet effet de spirale, d’où l’efficacité d’une intervention précoce et brève.»
Les résultats de la recherche ont été publiés jeudi dans le journal de l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry.
Le projet a été réalisé entre 2007 et 2010 auprès de plus de 500 élèves dans une vingtaine d’écoles de Londres, en Angleterre.
En vertu de l’approche préconisée, les jeunes étaient évalués afin de déterminer leur profil de personnalité et les risques qui y sont associés. Des stratégies de thérapie étaient ensuite utilisées selon les profils identifiés lors de deux sessions de groupe de 90 minutes.
Parmi les résultats obtenus on note, sur le plan clinique, une réduction de 21 à 26 pour cent des symptômes de dépression, d’anxiété et de problèmes de comportement au cours de l’essai. Les chances d’éprouver de graves problèmes de comportement chez les adolescents très impulsifs ont été réduites de 36 pour cent. De même, chez les adolescents avec un niveau élevé d’anxiété, les chances d’éprouver de graves problèmes d’anxiété ont été réduites de 33 pour cent.
On a également constaté une baisse de même ampleur des symptômes de dépression grave chez les adolescents présentant un niveau élevé de désespoir comparativement aux jeunes avec le même problème, mais qui n’avaient subi aucune intervention.
La docteure Conrod reconnaît, non sans une certaine résignation, que des programmes de prévention comme celui qu’elle a mis au point sont souvent victimes de leur succès, en ce sens que l’on accorde peu d’attention aux problèmes qui ne surviennent pas.
«C’est souvent la raison pour laquelle on change les programmes et qu’il y a moins d’investissement dans les programmes de prévention», reconnaît-elle. Elle espère cependant que les résultats de recherches scientifiques ouvriront les yeux des décideurs publics.
«Peut-être qu’avec ces données nous pourrons avoir un argument pour le gouvernement, pour les commissions scolaires et les écoles pour les motiver davantage à investir dans les programmes de prévention pour les jeunes.»
Elle fait valoir, au passage, que les responsables pourraient difficilement évoquer un manque de moyens puisqu’il n’est question ici que d’une évaluation suivie de trois heures de thérapie de groupe et qu’en plus, les ressources humaines sont déjà en place.
«Nous avons démontré dans l’étude que, même en l’absence de psychologues, les enseignants dans les écoles secondaires peuvent être formés pour implanter un programme comme celui-là. Ça ne demande pas une expertise particulière.»