Cette année, les Québécois célébreront leur 179e fête nationale. L’occasion de dresser un palmarès, forcément un peu subjectif.
La plus ancienne
Ça, c’est la plus facile, car il y a consensus. Elle date de 1834. Il n’y avait pas à l’époque de défilé des géants ou de concert sur les plaines animé par Normand Brathwaite, mais plutôt un grand repas entre Canadiens français. L’idée de Ludger Duvernay est encore vivante et 21 grandes tablées ont été recensées en 2012 par le Mouvement national des Québécois (MNQ), qui coordonne chaque année près de 700 événements pour souligner la fête nationale.
La plus drôle
«Dans fête nationale, il y a deux mots, rappelle justement Gilles Grondin, directeur général du MNQ, qui a 18 années de fêtes nationales au compteur. «Nationale», pour rappeler que le Québec forme une nation distincte, à défaut de former un pays. Et «fête», avec sa connotation de plaisir. À ce sujet, les activités de Loto bouse, véritable tradition dans certaines municipalités de la Montérégie, méritent d’être signalées. On quadrille un pré, les participants parient sur certaines cases, puis on lâche des vaches, et si l’une d’elles se soulage sur votre case, vous gagnez un lot. Intéressant, ce bingo à saveur agricole!
La plus mythique
Il y a bien sûr la fête des plaines d’Abraham qui fait pâlir d’envie les Montréalais. Mais apparemment, la fête nationale organisée à Béarn vaut particulièrement le détour. Grâce à l’increvable Jeanine Gaudet-Béarn, qui s’est démenée pendant 40 ans, jusqu’à l’année dernière ce village du Témiscamingue de 775 habitants reçoit en moyenne près de 5 000 visiteurs à la Saint-Jean. «Un défilé de Hells avec le curé assis sur une des motos, ça ne se voyait qu’à Béarn», rigole Sophie Lemelin, employée du MNQ. Pour la petite histoire, Mme Gaudet voulait initialement organiser un concours de belles motos dont le juge serait le curé du village. Elle était allée, à l’époque, négocier jusqu’à Rouyn, au repaire des Hells et à la Sûreté du Québec, pour s’assurer qu’il n’y ait pas de grabuge.
La plus lyrique
Les discours patriotiques sont incontournables depuis le tout début. Difficile alors de déterminer qui, au fil du temps, s’est le plus démarqué. Dans leur ouvrage La fête nationale du Québec : un peuple une fierté, les auteurs Daniel Chartier et Catherine Vaudry notent néanmoins qu’en 1893, Honoré Mercier a obtenu un rappel pour son discours. Même s’il admet que l’exercice est difficile, le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Mario Beaulieu, pense que Jean Duceppe avait été particulièrement brillant en 1990. Un avis partagé par Sébastien Ricard du groupe Loco Locass, qui avait participé à l’exercice en 1998. Mais selon lui, «ces discours écrits par des recherchistes sont un peu désincarnés». Il propose notamment que les textes soient écrits chaque année par un écrivain pour que les discours soient davantage mis en valeur. Chose certaine, le prix du meilleur discours ne sera pas décerné à l’ancienne députée fédérale Liza Frulla. Après l’échec du Lac Meech, cette dernière avait eu la mauvaise idée de tenter un discours bilingue à La Salle… sous un concert de huées.
La plus festive
«Celle de 1975 ou 1976, selon plusieurs personnes interrogées. C’est lié au contexte historique : on sortait tout juste de la Crise d’octobre, le nationalisme était en plein essor et, sur le plan culturel, les artistes étaient en feu», clame M. Grondin, qui se rappelle encore le spectacle mythique de 1976 sur le mont Royal. Sur scène se trouvaient les Vigneault, Ferland, Charlebois, Léveillé, Deschamps. «J’avais 11 ans, j’étais devant ma télé, il y avait tellement d’émotion! Ç’a été ma première prise de conscience nationaliste», se souvient le DG du MNQ.
La plus éloignée
La fête nationale est fêtée dans plusieurs provinces, et même à Paris et à Sydney. Mais au Québec, c’est semble-t-il à Blanc-Sablon, Fairmont et aux Îles-de-la-Madeleine qu’auront lieu les célébrations les plus éloignées. On fêtera peut-être aussi à Kuujjuaq, mais la municipalité inuite n’a fait aucune demande financière en ce sens. Fait intéressant, en 1888, on se félicitait que le Nord se mette à fêter la Saint-Jean. À l’époque, par «Nord», on voulait dire Saint-Jérôme, à 60 km de Montréal! Autre anecdote croustillante : dans les villages miniers, c’est souvent la société minière qui paie pour le gros des festivités. La rumeur veut que l’une d’elles ait déjà fait venir par avion du poulet Saint-Hubert. L’histoire ne dit pas si les mineurs avaient opté pour la crémeuse ou pour la traditionnelle!