La Banque du Canada a relevé une nouvelle fois son taux directeur mercredi afin de combattre les niveaux d’inflation records enregistrés au pays depuis quelques mois. Le taux directeur augmente de 0,50 point pour atteindre 1,50%.
C’est la troisième fois en quatre mois que la banque centrale hausse son taux directeur. En janvier, ce taux était à un plancher de 0,25%.
Le taux directeur est le taux auquel les banques se prêtent de l’argent. Chaque augmentation apporte une hausse du coût des emprunts pour les entreprises et les particuliers. La Banque du Canada utilise cet outil pour freiner l’activité économique et ainsi réduire le niveau d’inflation.
En avril, l’inflation a poursuivi sa montée. Selon Statistique Canada, l’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 6,8% par rapport à la même période en 2021. «Il s’agit d’un taux qui dépasse de loin les prévisions de la Banque et qui devrait encore monter à court terme avant de commencer à diminuer», indique la Banque du Canada dans le communiqué annonçant sa décision de hausser son taux directeur.
«Près de 70% des catégories de l’IPC affichent maintenant une hausse de prix supérieure à 3%. Le risque que l’inflation élevée s’enracine s’est accru. La Banque va utiliser ses outils de politique monétaire pour ramener l’inflation à la cible et garder les attentes d’inflation bien ancrées», justifie la direction de la Banque.
Quant à la situation économique au Canada, la Banque indique que l’«activité est forte et qu’il est clair que l’économie est en situation de demande excédentaire». Selon elle, le PIB du pays a progressé de 3,1% au cours du premier trimestre de 2022. «Compte tenu des dépenses de consommation qui demeurent robustes au Canada et des exportations qui devraient se raffermir, on s’attend à une croissance solide au deuxième trimestre», ajoute la Banque.
La prochaine révision du taux directeur est prévue le 13 juillet prochain. Dans son communiqué, la Banque laisse entendre qu’une nouvelle hausse n’est pas à écarter à ce moment-là en raison de l’inflation «qui se maintient bien au-dessus de la cible» de 2% que le Conseil de direction s’est engagé à atteindre.
«Pas du tout surprenant»
Selon Benoit Durocher, économiste principal au Mouvement Desjardins, cette annonce de la Banque du Canada n’est «pas du tout surprenante». «La plupart des prévisionnistes s’attendaient à une hausse de 0,5%. Il faut regarder d’où on part. Nous étions en pandémie avec des taux d’intérêt pratiquement à zéro. C’était une situation complètement anormale. Ce qu’on est en train de faire, c’est qu’on remonte les taux assez rapidement pour les ramener à un niveau qui est un peu plus neutre et pour contrer l’inflation plus élevée», explique-t-il.
«On essaie de garder le contrôle sur l’inflation et d’éviter la fameuse spirale inflationniste. D’ailleurs, on est loin de là. Les gens dans leurs anticipations sont encore confiants que l’inflation reviendra éventuellement vers les 2%. Les augmentations de taux d’intérêt devraient aider à réduire le déséquilibre en réduisant la demande», poursuit l’économiste en «prévoyant que la Banque du Canada réussira son pari» sans passer par une récession.
À ce sujet, M. Durocher précise qu’il s’agit d’un scénario «qu’on ne peut pas entièrement écarter», mais qu’il ne s’agit pas du tout du scénario privilégié. «Évidemment, ça va ralentir la croissance économique […] En 2023, les hausses de taux devraient se faire sentir un peu plus sur l’économie réelle. Le danger, c’est que l’inflation continue d’être galopante dans les mois à venir et qu’elle se montre beaucoup plus persistante que prévu. À ce moment-là, ça prendra des hausses plus importantes», indique-t-il.
Quant aux prochaines révisions, M. Durocher s’attend à de nouvelles hausses. «C’est assez rare qu’on ait des augmentations de 0,5% comme celles qu’on a connues ce matin et en avril. Ce que la Banque nous dit ce matin, c’est qu’ils sont prêts à agir avec force, donc probablement qu’on aura aussi une hausse de 0,5% en juillet. On nous dit aussi que ce n’est pas exclu d’y aller avec un 0,75%, même si c’est peu probable. Si on avait eu à le faire, on l’aurait fait aujourd’hui ou plus tôt dans l’année. Avec un taux d’intérêt directeur à 1,50%, ça devient plus hasardeux d’y aller avec une hausse plus importante que 0,5%. Il faudrait vraiment que la Banque du Canada soit acculée au pied du mur.»