COVID-19: l’isolement plus court, un pari risqué ou une décision fondée?
Le Québec fait un pari risqué en réduisant la période d’isolement des personnes doublement vaccinées infectées à la COVID-19 de 10 à 5 jours, estiment certains. Adoptée à plusieurs endroits en Amérique du Nord, la mesure fait broncher plusieurs experts, qui doutent que ce tournant possède des fondements scientifiques.
De l’aveu même de la santé publique, «on pourrait être plus précautionneux». La décision a partiellement été prise pour que la population continue de bénéficier des services essentiels, dit-on. «Il n’y a pas que la COVID-19 dans la vie. Il faut faire une balance des inconvénients entre la balance de la transmission et la paralysie de la société», a convenu la conseillère médicale de la Direction générale de la santé publique Marie-France Raynault, mardi.
Règle générale, les individus infectés sont au summum de leur potentiel de contagion 48 heures après leurs premiers symptômes, et lors des deux à trois jours suivants. On parle toutefois ici d’une moyenne, et non d’une règle stricte. «Au-delà de cette moyenne, vous avez des gens qui seront contagieux beaucoup plus longtemps après l’apparition des symptômes», explique le professeur à l‘UQAM et virologue Benoit Barbeau.
Si les services publics n’étaient pas aussi secoués par la propagation du virus, la réduction de l’isolement «n’aurait même pas été considérée», estime le Dr Barbeau. Dans le contexte actuel, la décision s’avérera acceptable si des restrictions claires concernant le port du masque et la distanciation physique sont imposées dans les milieux de travail, estime-t-il.
Au-delà de ces mesures, un test rapide devrait être exigé après les cinq jours d’isolement, estime la professeure de l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) Roxane Borgès Da Silva. «Dans un contexte de crise, avec le fort absentéisme, il faut prendre des décisions risquées pour permettre à la province de continuer de fonctionner.»
Réaction positive des entreprises
Dans le milieu des affaires, on se réjouit de la réduction de la période d’isolement. Celle-ci permettra aux employés de reprendre du service plus rapidement. Deux PME sur trois ont présentement un problème de main-d’œuvre au Québec, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
«La réduction de l’isolement aidera les dirigeants de PME à faire face au nouveau chapitre de cette crise qui les amène à compenser eux-mêmes par un nombre d’heures supplémentaires et à limiter les dégâts économiques négatifs par la diminution de la prestation de services, du refus de contrats et de ventes liés au manque de travailleurs», estime le vice-président de la FCEI, François Vincent.
On souhaite toutefois qu’un plus grand nombre de tests rapides soit distribué. Ceci permettrait aux employés qui ont des symptômes mais qui n’ont pas la COVID-19 de retourner au travail plus rapidement. Il est désormais demandé aux individus qui ressentent des symptômes de s’isoler, s’ils sont dans l’impossibilité de passer un test rapide. «Cela aura des incidences directes sur les petites entreprises qui manquent déjà de main-d’œuvre. Il y a urgence de rectifier le tir», considère M. Vincent.
Cercle vicieux
Depuis mardi, les centres de dépistage sont réservés à certains groupes d’individus. Les citoyens qui présentent des symptômes doivent privilégier des tests rapides. Seuls les personnes symptomatiques qui sont hospitalisées, les travailleurs de certains établissements de santé, les personnes sans-abri et les personnes qui se rendent dans des communautés autochtones ou issues de milieux à haut risque y auront accès.
Cela pose problème dans le milieu professionnel, soulève la Dr Borgès Da Silva. «On se retrouve dans un cercle vicieux: les employés qui sont contaminés doivent obtenir une preuve avec un test PCR, mais ils ne peuvent pas le faire», note-t-elle. Elle propose que les tests effectués en pharmacie soient étendus, et plus seulement réservés aux voyageurs.
Si un employé est aux prises avec la «COVID longue», il doit effectivement présenter «un diagnostic provenant de la plateforme de dépistage de la COVID-19 ou une confirmation écrite du ministère de la Santé et des Services sociaux» pour être admissible à une réclamation à la CNESST. La santé publique discute avec le ministère du Travail afin de proposer une alternative à cette impasse.