L’an dernier, alors qu’ils s’activaient à trouver de solutions pour la santé mentale des Québécois, à penser le programme de priorisation des sans statuts oeuvrant dans le réseau de la santé, Lionel Carmant et Nadine Girault avaient aussi un autre refrain en tête.
Avant même que le débat sur le racisme systémique gronde et que les foules s’amassent dans les rues pour crier que «les vies des Noirs comptent», ces deux ministres du gouvernement de François Legault s’étaient fait à l’idée: malgré la pandémie, un jour ou l’autre, il faudrait parler de racisme.
Lionel Carmant en convient, il y a du racisme au Québec, comme partout ailleurs. «Il y a une discrimination à l’accès au loyer, dans le travail. C’est sûr que le traitement envers les personnes noires n’est pas le même», souligne-t-il en entrevue avec Métro dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs.
Encore aujourd’hui, dans la province, «des biais doivent être brisés», maintient le ministre. Et 2021 est l’occasion de le faire.
«Il y a une conjoncture géopolitique qui est unique, qu’on n’a jamais vue. Les gens disent que ça suffit, qu’il faut régler le problème et passer à autre chose», avance l’élu de Taillon.
Le printemps dernier, alors que les échos des manifestations antiracistes résonnaient encore dans la Belle province, un «groupe des sept» s’est réuni pour étudier la perpétuation du racisme au Québec. Le Groupe d’action contre le racisme déposerait quelques mois plus tard ses recommandations pour s’y attaquer.
Trois ministres se sont exprimés au nom du gouvernement ce jour-là. Nadine Girault en était. «Le timing était parfait, relate la ministre aux multiples fonctions. L’environnement mondial a fait en sorte que le niveau d’écoute était encore plus grand.»
De faits vécus
C’est en décembre que le Groupe a déposé son rapport final, un document d’une cinquantaine de pages contenant 25 appels à l’action.
Quelques mois plus tôt, les images de la mort de l’Américain George Floyd faisaient le tour de la planète. Arrêté, brutalisé, puis tué par un policier de Minneapolis, il est devenu un symbole des luttes antiracistes aux États-Unis, mais aussi au nord de la frontière.
Lionel Carmant se rappelle d’avoir encaissé les images avec «dégoût». «C’était épouvantable», lance-t-il.
Les Québécois noirs, convient-il, ne sont pas à l’abri d’actes du genre. «On se rappelle de l’histoire d’Alain Magloire. La couleur de sa peau avait quelque chose à faire là-dedans», souligne le député caquiste.
Le cas d’Alain Magloire, mort dans une intervention policière en 2014, avait mené au déclenchement d’une enquête publique. Deux ans plus tard, le Bureau du coroner relevait plusieurs «carences» dans les agissements des agents de la paix.
Dans son rapport, le Groupe d’action contre le racisme proposait pour sa part trois actions pour mettre fin au profilage, un «phénomène policier» encore trop présent au Québec, selon le ministre Carmant.
Ici, au Québec, vous en avez vécu du profilage racial, M. Carmant? «Oh, oui.»
«Un policier armé est venu me détacher la veste comme si j’avais quelque chose à cacher. Sans m’indiquer pourquoi», relate-t-il.
«Le fameux: qu’est-ce que tu fais ici à cette heure là? C’est blessant.» – Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux
Pour la ministre Girault, c’est une opportunité d’emploi qui s’est volatilisée… en raison de la couleur de sa peau.
«J’étais numéro un pour un poste assez important, et tout se présentait extraordinairement bien. C’était une formalité. Je suis arrivée à l’entrevue en personne. En arrivant dans la salle, je le savais», raconte l’élue de Bertrand.
«C’était carrément du racisme.»
2021, point tournant?
Nadine Girault et Lionel Carmant veulent continuer d’amener les enjeux de leurs communautés à la table du Conseil des ministres. «La grande majorité de nos recommandations doivent être mises en place» à l’intérieur du mandat caquiste, martèle la ministre.
Au gouvernement de François Legault, c’est un ou une ministre responsable de la lutte au racisme qui portera les appels à l’action du rapport. M. Carmant, comme Mme Girault, s’attendent à le voir nommé rapidement.
L’occuperaient-ils, ce poste? Les deux ministres caquistes conviennent que leurs assiettes sont déjà bien remplies. «Ça serait un beau défi», glisse M. Carmant.
«C’est un beau poste, une très belle responsabilité. J’en ai déjà pas mal par exemple», se contente de dire Mme Girault.
Peu importe le ministre, l’année 2021 doit être un point tournant, soutient-elle.
«On a du travail à faire pour que les Noirs soient traités comme les blancs.» Le chantier, dit-elle, est déjà commencé.
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