C’est avec un frisson dans le dos qu’elles sont forcées de se l’approprier. Dans le réseau de la santé, les infirmières se forment au protocole de triage aux soins intensifs, souvent avec difficulté.
«À chaque fois qu’on a eu à en parler, c’était toujours silence radio à la fin de la présentation.» Gracia Kasoki Katahwa est gestionnaire dans l’ouest de l’Île de Montréal. Depuis le début de la pandémie, cette infirmière de formation prépare les professionnelles de son territoire au pire.
En Italie, au mois de mars, les hôpitaux débordaient. Des médecins ont dû faire le choix de sauver ceux qui avaient le plus de chances de survivre. Les images et les témoignages ont fait le tour du monde.
Au Québec, la perspective semblait bien loin, constate Gracia Kasoki Katahwa.
«On l’a vu arriver dans d’autres pays. Mais c’est toujours difficile de s’imaginer qu’on va devoir le faire ici.» – Gracia Kasoki Katahwa, gestionnaire dans le réseau de la santé
Branle-bas de combat
À mesure que les hospitalisations grimpaient cet hiver, les équipes n’ont pas eu le choix: elles devraient se former au plus vite au protocole de triage aux soins, celui qui pourrait les forcer à trier des malades dans les hôpitaux.
«On ne veut pas se retrouver dans une situation où on doit appliquer le protocole rapidement et que tous les éléments n’ont pas été préparés à l’avance», soutient Gracia Kasoki Katahwa.
Québec détient un protocole depuis le printemps. Imaginé par des éthiciens et des médecins pratiquants, il inscrit noir sur blanc comment les hôpitaux choisiront les patients en droit de survivre si le réseau en vient à ne plus tenir.
Dur sur le moral
Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, les formations se poursuivent dans le réseau. Une perspective qui n’aide en rien le personnel, déjà affecté par l’ampleur de la tâche, convient Mme Katahwa. Le moral des troupes est affecté, ajoute l’infirmière gestionnaire.
En prévision de ces choix difficiles, le réseau a mis en place du soutien psychosocial. Pour les familles des patients, d’abord, mais aussi pour les professionnelles. «On l’accepte, le protocole. On prend l’information et on se prépare. Mais c’est quelque chose de dur à encaisser», souligne Mme Katahwa.
Un poids qui s’ajoute dans un contexte déjà difficile pour les infirmières, poursuit-elle.
«Il manque d’infirmières pour toutes sortes de raisons. Ça peut être parce qu’elles ont la COVID, mais aussi parce qu’elles sont vraiment à bout de souffle», souligne Mme Katahwa.
«Les gens tombent comme des mouches.» – Gracia Kasoki Katahwa
Potentielle lumière au bout du tunnel: la hausse des hospitalisations a ralenti dans les derniers jours. Aux dernières nouvelles, le gouvernement ne prévoyait plus de dépassement des capacités hospitalières dans le Grand Montréal.