Couvre-feu: les policiers useront de «gros bons sens», assure Guilbault
Les policiers feront appel à leur «jugement» avant d’émettre des constats d’infractions envers les personnes qui se retrouvent à l’extérieur de chez eux durant le couvre-feu, assure la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.
C’est ce qu’elle a avancé, jeudi, lors d’un point de presse. Elle confirmait notamment que les amendes atteindront de 1000$ à 6000$.
«Pour la minorité qui continue de vouloir se rassembler, ça va devenir beaucoup plus difficile.» – Geneviève Guilbault
Les personnes en situation d’itinérance seront redirigées vers des refuges, a maintenu la ministre, réitérant l’idée qu’il y a suffisamment de place dans les ressources d’accompagnement. C’est l’essentiel de ce qu’avait affirmé la veille le premier ministre François Legault, en marge de l’annonce de ce couvre-feu.
«Il n’y a personne qui ne veut donner des contraventions aux itinérants. L’idée, c’est vraiment plus de les accompagner», a signifié la ministre Guilbault.
Une réponse qui ne satisfait pas les organismes qui gèrent justement ces refuges. Ceux-ci demandent en chœur une «amnistie» pour les sans-abris, sous prétexte qu’il n’y a pas suffisamment de lits disponibles.
Le Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ) craint justement «une incapacité des refuges à répondre aux nouveaux besoins entraînés par le couvre-feu».
«Pour plusieurs personnes en situation d’itinérance, dormir dans une ressource d’hébergement d’urgence n’est pas une option pour des raisons qui leur sont propres. De plus, le premier ministre du Québec ne reflète pas la réalité perçue sur le terrain lorsqu’il affirme qu’il y a suffisamment de place», a souligné l’organisme dans un communiqué de presse, jeudi.
«Déconnectée»
Au Service de police de la Ville de Montréal, on assure se préparer à adopter durant le couvre-feu une «approche préventive et adaptée pour les personnes en situation de vulnérabilité». Or, dans les oppositions provinciales, le message de Québec passe difficilement.
La porte-parole en matière de solidarité sociale du Parti libéral, Paule Robitaille, aurait aimé entendre que les sans-abris feront l’objet d’une exception pure et dure aux yeux des policiers.
«Les refuges sont pleins à craquer. D’ailleurs, ce n’est pas aussi simple que ça, placer un itinérant dans un refuge», lance-t-elle au bout du fil.
«Je peux aller marcher avec mon pitou et ne pas recevoir d’amende. L’itinérant, lui, se retrouve avec un problème après 20h.» – Paule Robitaille, députée de Bourassa-Sauvé
Le député solidaire Alexandre Leduc rapporte que, dans sa circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve, les refuges «refusent en moyenne 20 personnes par jour». Il s’étonne des propos des représentants gouvernementaux.
«Ça me semble assez déconnecté de la situation de terrain, avance-t-il. Il aurait fallu un message plus clair de Mme Guilbault. Un refuge, ce n’est pas une prison.»
Même son de cloche chez le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, qui déplore un «manque de sensibilité» des élus de la Coalition avenir Québec.
«Il ne faut absolument pas judiciariser le phénomène de l’itinérance», commente l’avocat de formation. Sa formation demande aussi à Québec d’émettre une exception claire pour les sans-abris durant le couvre-feu.
Permis, pas permis
Des exceptions, la vice-première ministre en a énuméré plusieurs en point de presse, jeudi.
«Le gros bon sens demande des exceptions», a-t-elle convenu, au lendemain de l’annonce du couvre-feu. Elle invite notamment toute personne qui se sent en danger à domicile à prendre les mesures qu’il faut. Même si celles-ci contreviennent au couvre-feu.
Les employés des services essentiels en circulation devront présenter un document de preuve aux agents de la paix. L’employeur devra fournir ce papier.
Les personnes qui doivent se rendre auprès d’un proche avec des problèmes de santé le pourront. Aller chercher des médicaments dans une pharmacie – celles-ci resteront ouvertes – ne sera pas non plus puni.
Québec permettra aussi de promener son chien entre 20h et 5h, tant et aussi longtemps que la marche se fait dans un rayon d’un kilomètre de chez soi.
Enfin, se retrouver dans sa cour ou sur le terrain privé de sa maison ne mènera pas à des amendes.