Boissons sucrées: nouveau front commun pour une taxation

Plusieurs organismes ont uni leur voix mardi pour presser le gouvernement Legault de mettre en place une taxe spéciale pour les boissons sucrées afin de contrer l’obésité et d’alléger le fardeau du réseau de la santé, qui écope déjà durement de la crise sanitaire.
La consommation de ces boissons, qui sont constituées principalement d’eau, de sucre ajouté et de colorant, sont notamment associées à plusieurs maladies cardiovasculaires, au diabète et à des problèmes de surpoids, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Ces produits contribuent ainsi à engorger le réseau de la santé en plus de réduire l’espérance de vie de nombreux Québécois, déplore un regroupement d’organismes.
«C’est la première source de sucre ajouté consommée dans la population. Et il faut savoir que les gens qui consomment plus d’une canette par jour de boisson sucrée augmente leur risque d’obésité de 60%», a souligné mardi le cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal, Martin Juneau, lors d’une conférence de presse virtuelle.
Une mesure payante
Or, de récentes études laissent croire que les personnes ayant des problèmes d’obésité ou qui souffrent de maladies chroniques sont plus à risque de contracter le coronavirus. Dans ce contexte, plusieurs organismes estiment que le gouvernement Legault aurait tout intérêt à mettre en place une taxe additionnelle applicable à toutes les boissons sucrées vendues dans la province. Il pourrait alors réinvestir cette somme dans des programmes d’éducation et des mesures d’aide alimentaire, alors que les besoins se font sentir en la matière.
«Dans un contexte où la pandémie fragilise notre réseau de santé et nos finances publiques, on estime que c’est quelque chose qui pourrait être très avantageux pour le gouvernement du Québec», a laissé tomber le directeur des relations gouvernementales à la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC, Kevin Bilodeau.
Le regroupement d’organismes estime d’ailleurs qu’une taxe de 0,20$ le litre sur les boissons sucrées permettrait à Québec d’amasser plus de 100 M$ par année.
Réduire la consommation
Selon des données de l’Institut de la statistique du Québec, un Québécois sur quatre consomme régulièrement des boissons sucrées, qui comprennent notamment les boissons gazeuses ou énergisantes. Environ 25% des élèves du secondaire en consomment chaque jour.
Or, «ce que les recherches permettent de montrer, c’est que si vous appliquez une taxe de 10% sur les boissons sucrées, vous allez voir une baisse de 10% de la consommation», a affirmé l’économiste-chercheur Antoine Genest-Grégoire. Un constat qu’il dresse à partir des études réalisées dans certains des pays qui ont mis en place une telle taxation dans les dernières années. C’est notamment le cas de la France, du Mexique et du Royaume-Uni.
L’INSPQ a d’ailleurs qualifié en 2018 de «prometteuse» la possibilité d’imposer une taxe sur les boissons sucrées au Québec afin de réduire les répercussions néfastes de celles-ci sur la santé publique. Le gouvernement Legault n’a toutefois pas encore pris d’engagement à cet égard.
«On ne se cachera pas qu’il y a un lobby extrêmement fort. Les différentes compagnies font le tour des cabinets politiques pour tenter de trouver d’autres solutions», a soulevé mardi la directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids, Corinne Voyer, lorsque questionnée par Métro.
Pendant ce temps, les boissons sucrées continuent d’avoir des impacts importants sur la santé des Québécois. Selon une étude publiée en 2017 par des chercheurs de l’Université de Waterloo, ces produits pourraient contribuer à la mort de plus de 63 000 personnes au Canada en l’espace de 25 ans.
«C’est vraiment un problème majeur. Il faut le prendre au sérieux.» -Martin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal
Le cabinet du ministre des Finances, Éric Girard, qui effectuera une mise à jour économique jeudi, n’a pas voulu commenter mardi.
Montréal interpellée
Cette mobilisation reçoit d’ailleurs l’appui du conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand. L’élu déposera ainsi une motion à la prochaine séance du conseil municipal, le 16 novembre, afin de demander à la Ville de faire elle aussi pression sur Québec en faveur d’une telle taxe.
M. Rotrand souhaiterait aussi que la Communauté métropolitaine de Montréal étudie la possibilité de mettre en place une telle mesure fiscale sur son territoire, comme elle entend le faire avec l’élargissement de la taxe sur l’immatriculation.
En 2017, la Ville de Montréal a d’ailleurs adopté une motion prévoyant de retirer progressivement toutes les boissons sucrées des machines distributrices qui se trouvent dans ses bâtiments municipaux. Elle prévoit atteindre cet objectif en mai 2022.