Racisme systémique et Autochtones: Québec interpellé depuis 2016
Quelque 200 dossiers d’enquêtes criminelles ont été ouverts en cinq ans au Québec à la suite d’allégations d’Autochtones à l’encontre de policiers. C’est ce que révèle un rapport de l’observatrice indépendante nommée par Québec, Fannie Lafontaine, qui nomme le «racisme systémique» depuis 2016.
En 2016 déjà, l’experte interpellait le gouvernement sur le «racisme systémique.» Selon elle, il est bien présent «au sein des forces de l’ordre à l’égard des Autochtones.»
Et elle persiste et signe dans la seconde phase, publiée aujourd’hui.
Selon ses conclusions, le système mis en place «ne s’est pas encore adapté aux recommandations des commissions d’enquête visant la redéfinition des façons de faire entre l’État et les Autochtones.»
Les enjeux de violence et d’impunité policières font partie des raisons de la création de ces commissions, rappelle-t-elle.
«Elles sont sans aucun doute les plus représentatifs de la violence coloniale, du racisme systémique et de la marginalisation des perspectives et savoirs autochtones qu’elles ont documentés.»
Lors de la première phase, Me Lafontaine plaide pour qu’un «processus de consultation» entre les gouvernements, les forces policières et les organisations autochtones soit établi.
Et ce, pour notamment «faire la lumière sur les enjeux plus collectifs et systémiques.»
Au total, 200 dossiers d’enquêtes en cinq ans
Me Lafontaine devait évaluer l’intégrité et l’impartialité des enquêtes menées par le SPVM. Et ce, sur des allégations criminelles concernant d’autres policiers.
Au total, elle dénombre 200 dossiers d’enquêtes criminelles ouverts au Québec en cinq ans.
Ils concernent en majorité des policiers de la Sûreté du Québec.
Le second volet porte sur les plaintes reçues par le SPVM entre avril 2016 et septembre 2018. Il contient 61 dossiers d’enquête. La plupart sont à Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec.
Le rapport pointe du doigt la nécessité de faire la lumière sur les causes sous-jacentes aux allégations de violences sexuelles et d’abus de pouvoir visant des policiers. Et évoque l’existence potentielle «d’un schème de comportements discriminatoires envers les Autochtones.»
Et plus particulièrement envers les femmes autochtones.
Entre 2016 et 2018, elle dénombre ainsi 18 dossiers liés à des violences sexuelles. Mais aussi plusieurs de voies de fait (32 au total), de la séquestration, des menaces et du harcèlement.
«Ce rapport est une démonstration sans équivoque du phénomène que l’on désigne comme le racisme systémique. Et même si le gouvernement refuse d’utiliser cette expression, il ne peut pas faire fi du constat et de la justesse des recommandations de Me Lafontaine», a précisé le le chef de l’APNQL, Ghislain Picard. Il appelle dans un communiqué à «des actions concrètes nécessaires et urgentes pourrétablir la confiance entre les services policiers et les Premières Nations».
Opacité et absence de statistiques
En général, l’enquête du SPVM est complétée en 138 jours.
«Ces délais d’enquête sont tout à fait raisonnables», écrit Me Lafontaine.
Par contre, «la réticence du BEI à tenir des statistiques et des engagements sur les délais d’enquêtes criminelles étonne.». Et tout particulièrement en matière d’enquête pour des allégations à caractère sexuel.
Quant à l’absence de collecte de données ethnoculturelles, elle estime qu’elle est «problématique».
«Le BEI (…) fait figure de cancre au Canada en matière de transparence. Il devrait avoir l’obligation de rendre un rapport détaillé de ces enquêtes, lorsque le DPCP décide de ne pas porter d’accusations criminelles». -Fannie Lafontaine
Des délais qui minent la confiance envers la police
Selon Me Lafontaine, à partir du moment où la victime se sent prête à entamer le processus de dénonciation, «il devient alors nécessaire d’agir rapidement».
Or, les délais dans le traitement des plaintes sont liés à ce manque de confiance, selon elle.
Les victimes autochtones «ont le sentiment de ne pas avoir été prises au sérieux.»
Voire «qu’elles ont été traitées différemment ou avec mépris et indifférence par les autorités policières, en raison de leur identité autochtone.»
Le Comité consultatif sur la réalité policière pourra examiner les propositions de Me Lafontaine entourant le BEI.
À l’heure de publier ni le SPVM ni le BEI n’avaient réagi.
Notons que plus tôt dans la journée, le professeur associé à l’Université Concordia Ted Rutland rendait publics des documents permettant de conclure qu’une escouade du SPVM, l’escouade Quiétude, était 42 fois plus susceptible de procéder à l’arrestation d’un Noir que d’un Blanc.
Appelé à réagir, François Legault, qui refuse de parler de racisme systémique au Québec, a semé le doute sur la validité de l’étude. «Elle a été faite par le même prof qui nous avait dit au printemps de libérer tous les détenus au Québec», a-t-il affirmé.
Rutland avait précédemment suggéré de libérer certains détenus en raison de la pandémie de COVID-19. Membre du Groupe anti-carcéral, il s’oppose d’ailleurs à la détention de masse.
En collaboration avec François Carabin