De nouvelles données brossent un portrait de plus en plus précis de la transmission de la COVID-19 au Québec. À 2,2%, le taux de positivité réel dans la province serait «trois à quatre fois» plus élevé que celui rapporté dans le système de santé, selon Héma-Québec.
L’étude de «séroprévalence» menée avec l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) permet d’extrapoler des données récoltées du 25 mai au 9 juillet au Québec.
Selon celles-ci, 2,23% de tous les Québécois, ou 124 880 personnes diagnostiquées ou non, auraient été infectés au coronavirus.
En comparaison, la Santé publique du Québec avait rapporté depuis le début de la pandémie, un taux de positivité à la maladie d’environ 0,7%. «Ça correspond de trois à quatre fois le nombre de cas rapportés dans le système de santé», analyse le vice-président aux affaires médicales et à l’innovation d’Héma-Québec, Marc Germain.
Selon l’experte en épidémiologie Nimâ Machouf, le nombre de cas évalués par Héma-Québec est peut-être même encore plus bas que le chiffre réel.
«Normalement, les gens qui vont donner du sang ne sont pas des personnes visiblement malades. Donc, les résultats sont aussi une sous-estimation», analyse la chargée d’enseignement à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM).
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a «pris connaissance des nouvelles avancées de Héma-Québec», souligne son cabinet.
«C’est un premier pas important pour établir une estimation de la proportion de la population qui a contracté l’infection, et nous devons mettre à contribution la science québécoise au travers de cette crise», écrit l’équipe du ministre.
Montréal particulièrement touchée
À Montréal et à Laval, qu’on connaît déjà comme la première et la troisième région la plus affectée durant la crise sanitaire, le taux de positivité calculé par l’équipe de recherche s’élève à 3,05%.
«L’étude montre également que la Mauricie-Centre-du Québec, qui avait un taux de COVID-19 rapporté trois fois moins élevé qu’à Montréal ou Laval, avait néanmoins une séroprévalence quasi identique», constate l’organisme dans un communiqué de presse émis mercredi.
Le «reste du Québec» a enregistré un taux de positivité d’environ 1%, rabaissant le taux national.
Méthodes
Au total, Héma-Québec a analysé la présence du virus chez près de 7 700 personnes. «Un groupe représentatif de la population générale», écrit-on.
«Les 173 donneurs chez qui ont été détectés des anticorps seront contactés afin de documenter leurs symptômes, ainsi que la source possible de l’infection.» – Groupe de recherche sur la séroprévalence d’Héma-Québec
Héma-Québec pourrait retenter l’expérience «à intervalle régulier», indique-t-on. L’étude publiée mercredi pourrait aussi permettre à la Santé publique de «prévoir la suite des choses en termes de gestion de la pandémie», rapporte Dr Germain.
«Par exemple, si on espère que la population sera protégée par l’immunité de groupe, on est très loin de ça avec le chiffre qu’on obtient», ajoute-t-il. L’immunité de groupe est un phénomène selon lequel une population contracte le virus en grand nombre, créant une immunité naturelle à la maladie.
Nimâ Machouf estime que les données obtenues devraient forcer la main de la Santé publique pour qu’elle change son message sur les rassemblements à maximum 250 personnes.
«Je comprends que dans un lieu où il y a de la place pour 1000 personnes on va permettre des groupes de 250, affirme l’analyste. Mais ce que la population reçoit comme message, c’est qu’on permet les rassemblements de 250 personnes», même sans distanciation physique.
Au Canada?
Les données d’Héma-Québec surgissent quelques jours après la publication d’une étude pancanadienne sur la positivité dans le sang. Selon celle-ci, moins de 1% des citoyens du pays ont eu la COVID-19 depuis son arrivée sur le continent.
Ces statistiques permettent notamment de connaître le taux d’immunité d’une portion de la population, qui n’avait par exemple pas effectué de test de dépistage en l’absence de symptômes.
Lundi, le ministre Christian Dubé a appelé les vacanciers de retour des deux semaines de la construction à obtenir des prélèvements.
L’élu de la Coalition avenir Québec souhaite voir le nombre de cas actifs de COVID-19 demeurer «le plus bas possible» dans les prochaines semaines.