Inquiets pour leur sécurité, des patients atteints du cancer appellent Québec à l’aide
Plus de 60% des patients atteints du cancer au Québec estiment que leurs soins sont «affectés» par l’urgence sanitaire en cours, dans la foulée du coronavirus, révèle une nouvelle étude parue jeudi. L’organisme ayant piloté celle-ci presse le gouvernement de réorganiser certains services pour que des suivis soient minimalement maintenus, alors que l’angoisse augmente en flèche chez plusieurs personnes malades.
«On comprend très bien que le gouvernement a annulé des chirurgies pour être proactifs. Par contre, c’est le temps de réévaluer le contexte. Les gens qu’on a sondés ne se sentent pas du tout en sécurité, et ils ont des craintes pour leur vie», explique à Métro la directrice générale de la Coalition priorité cancer au Québec (CPCQ), Eva Villalba.
Selon les données du rapport, réalisé avec près de 592 patients au Québec, plus de 66% d’entre eux ressentent de l’anxiété ou une aggravation des problèmes de santé psychologique depuis le début de la pandémie. Leur stress est principalement dû, disent-ils, à «la difficulté, voire l’impossibilité d’accéder aux traitements», ou encore la peur de contracter la COVID-19 et l’isolement.
Le rapport révèle également que presque 69% des patients sont touchés par des reports, voire des annulations de rendez-vous. Les suivis médicaux sont les plus touchés, à 35,5%, ainsi que les tests d’imagerie (14,7%) et les chirurgies (8,3%).
Une patiente témoigne
Dans un vibrant témoignage, une patiente atteinte d’un cancer métastatique, Marie-Andrée Côté, se dit elle aussi «consciente que le personnel soignant fait tout ce qu’il peut». «Je commence toutefois à sentir le tapis me glisser doucement sous les pieds», dit-elle.
«En raison de mon cancer incurable et métastatique, j’ai maintenant deux craintes. Soit de mourir du virus parce que mon système immunitaire est fragilisé, soit de mourir parce que les soins palliatifs qui me maintiennent en vie seront réduits.» -Marie-Andrée Côté, atteinte du cancer
Pour Mme Villalba, la première chose que le gouvernement doit faire est de rassurer les patients. «Ils ont droit à la bonne information, lâche-t-elle. Annuler une chirurgie sans préciser quand aura lieu la reprise, ça cause beaucoup d’insécurité. C’est la même chose si on change un protocole d’intervention sans leur donner plus de détails. On doit mieux communiquer avec eux.»
«On parle sans cesse de protéger les populations vulnérables, mais un patient traité de 35 ans est autant à risque qu’un aîné de 75 ans. Il faut leur faire sentir qu’on ne les abandonne pas», martèle-t-elle.
Des «zones sanctuaires» pour le cancer au Québec
Joint par Métro, le directeur de la défense de l’intérêt public à la Société canadienne du Cancer (SCC), Diego Mena, est catégorique.
«Ça prend des zones sanctuaires, donc des unités dédiées où on peut continuer de donner des services en oncologie. On peut développer des espaces à l’extérieur des hôpitaux, dans des cliniques privées par exemple.» -Diego Mena, de la SCC
Il affirme qu’il faudra rapidement «restreindre les risques d’exposition des personnes touchées par le cancer à la COVID-19, tout limitant l’interruption des traitements d’oncologie au maximum». «On va devoir arriver à ce juste milieu, ajoute-t-il. Il n’y a pas de solution miracle, mais on doit se réorganiser.»
L’imagerie médicale bientôt redémarrée, dit Québec
Interpellée par Métro jeudi, la ministre de la Santé, Danielle McCann, s’est faite rassurante. «On est très conscients de ce qu’une pandémie peut provoquer chez des personnes qui ont le cancer, dit-elle. Tout ce qui est urgent a été fait. On a même rouvert des chirurgies semi-urgentes, et on a donné des traitements alternatifs en attendant la chirurgie.»
«Je peux vous assurer que s’il y a un dossier qui est suivi très rigoureusement, c’est bien celui de la cancérologie.» -Danielle McCann, ministre de la Santé
D’ailleurs, l’élue affirme que Québec rouvrira «complètement» le secteur de l’imagerie médicale pour les patients atteints du cancer dans les prochains jours.
«Je veux dire aux patients qu’on va faire notre maximum. On suit ce dossier-là à la trace. Oui il y a des choses qui sont retardées, mais les comités de surveillance en cancérologie, avec des cliniciens, évaluent toutes les situations.»